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Films  
Voyage autour de mon nombril
avec Dante Desarthe, Dante Desarthe, Colas Gutman, Valérie Niddam
D'vision 2007 /  17.99  € - 117.83 ffr.
Durée film 103 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : France, 2006
Sortie DVD : 29 novembre 2007

< b>Version : DVD 9, Zone 2
Format vidéo : PAL
Format image : Couleurs, 4/3
Format audio : Français Dolby Digital 2.0 et DTS
Sous-titres : Aucun


Bonus :
- Scènes coupées

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen(Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman(Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Fils du comédien Gérard Desarthe, Dante Desarthe a réalisé plusieurs courts métrages, Eden 2(1987), L'Après-midi d'un golem (1988), La Mort d'une vache (1990) et des longs métrages comme Fast (1995) et Cours toujours (2000). Son troisième film, Je me fais rare,se moque de l'autofiction et principalement des cinéastes cérébraux (français pour la plupart) soigneusement penchés sur leur nombril.

L'histoire est fort simple : Daniel Danite (Dante Desarthe) est cinéaste. Il déborde de théories à propos de tout et n'importe quoi. Il déteste la vidéo et les nouvelles technologies qui envahissent son art. Pourtant, quand on lui offre une petite caméra numérique alors que le tournage de son "grand film classique" est repoussé, il ne résiste pas longtemps à la tentation de se filmer. Mais comment faire une autofiction quand on ne veut rien montrer de sa vie privée ? Pourtant, Daniel y arrive, se prenant pour un Don Quichotte moderne, et proclame haut et fort la mort du cinéma. Michel (Colas Gutman), son assistant, et Pénélope, sa monteuse (Valérie Niddam), l'accompagnent dans ce drôle de voyage.

La façon dont Dante Desarthe s'y prend pour faire une telle critique est de singer jusque dans sa mise en scène la maladresse et la fausse modestie des cinéastes en chambre (composer des cadres alambiqués ou prétentieux comme couper un visage par exemple, voire des décadrages, histoire d'attirer le regard et d'en jeter plein la vue) qui se prennent pour des génies méconnus mais qui ne sont que de pales théoriciens. Plus ils parlent, se prennent la tête et élaborent des théories fumeuses, moins ils tournent (sinon au vinaigre).

Dante Desarthe réalise donc une vraie-fausse autofiction, se moquant de ce côté nombriliste si à la mode et si répandue. Il y a là en effet un solipsisme carabiné, manière détournée de parler au fond de la mort du cinéma... en le tuant vraiment. Plus on parle de soi (de son ego) et plus la fiction se meurt. Cette façon de tourner autour de son nombril est effectivement la façon aussi de ne plus se préoccuper d’art. Au lieu de raconter des histoires, on se raconte des histoires. On pourrait situer cette fracture même dans les avant-gardes au début du XXe siècle, qui décidèrent de faire table rase de toute transcendance, de nier le passé en installant leur ego au centre de tout. Dieu étant mort, c’est l’homme et son nombril qui ont pris le dessus. Ce n’est plus le tableau qui fait l’œuvre mais la parole de l’artiste autodésigné, qui, tel un dieu, certifie que la moindre de ses expressions est une œuvre d’art. Et comme tout le monde peut en faire autant, l’art disparaît dans la banalité commune où tout est art. La politique des auteurs issue de la Nouvelle Vague ne fera que prolonger ce mouvement jusqu’à cette post-nouvelle Vague qui filme son ego et son nombril jusqu’à plus soif.

Dans Je me fais rare, on se demande jusqu'où Dante Desarthe est le double de Daniel Danite dans cette autodérision permanente puisque évidemment le cinéaste filme chez lui, sa femme et ses enfants, cadre lui-même, etc., comme Daniel Danite. Et au moment où ce dernier se demande ce qu'il va tourner, c'est plus ou moins exactement ce que Dante Desarthe se demandait (et qu'il raconte dans l'entretien) sur son propre tournage. Et le tournage de Dante Desarthe précisément ressemble à s'y méprendre à celui de Daniel Danite... Filmer et monter n’a coûté que 15000 euros et les acteurs sont les connaissances et les amis de Dante Desarthe. Qui singe qui ?

Le bon point du film est donc de prendre en défaut les soi-disant bonnes intentions de départ du réalisateur égocentré (grande théorie sur la mort du cinéma, intégrité du cinéaste, etc.), mais en montrant à quel point il les laisse choir à la première occasion (il accepte de filmer en vidéo, filme sa vie). Comme quoi la réalité des faits est toujours plus concrète que la parlote ! De surcroît, Daniel Danite devient même trivialement commercial et bêtement cynique. Quand on lui dit par exemple qu'il faut du sexe pour vendre son film, il tente de convaincre une comédienne de coucher avec lui pour filmer un vrai coït... Mais comme il n'est pas très sûr de sa «performance», il trouve un "acteur" pornographique pour le remplacer. Au final, ironie du sort, l'actrice s'en va avec l'acteur en question… car elle a trouvé l'homme de sa vie ! Mais Daniel ne se démonte pas pour autant et demande à son premier assistant de coucher avec sa monteuse ! De même, au cours d'un casting, un comédien, Emile (Michel Lascault) lui fait croire qu'il vient d'hériter et accepte de financer son film. Daniel, plus roublard qu'il n'y paraissait, accepte cette bonne fortune mais ne sait plus très bien quoi tourner... Au final, là encore, il se fera prendre par plus roublard que lui...

C’est la face la plus réussie du film. Dante Desarthe opte en tout cas pour la dérision et l'ironie permanente mais le système a ses limites dans le cas présent. A force de singer les manies et les marottes de ce genre de cinéma nombriliste et grandiloquent, qui réalise concrètement la mort du cinéma en la dénonçant sans arrêt, le film perd évidemment de sa force au niveau esthétique (filmique). Il se retrouve limité aussi bien dans son propos que sur sa forme créant une certaine confusion entre la dénonciation et sa mise en abîme. Avec une telle méthode, il ne peut pas atteindre ou rivaliser avec le mordant et le côté incisif d’un cinéaste comme Todd Solondz, auteur du remarquable Happiness, ce qui est bien dommage.

Dans les bonus, il y a deux scènes coupées : dans la première, des chats se battent durant une minute (on n’en comprend pas réellement l’intérêt) et dans la seconde, le réalisateur discute avec le compositeur de la bande originale. «J’englobe Daniel Danite, dit-il, et il m’englobe. J’ai appris beaucoup de choses sur moi en l’écoutant parler. J’ai une faiblesse pour les gens prétentieux et une hargne contre les faux modestes.» Le problème est que les gens prétentieux et les faux modestes ne sont que des frères jumeaux. En ne voulant pas sortir de ce cercle vicieux, le film tourne un peu en rond.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 30/11/2007 )
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