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Intrigue flottante
avec Yasujirô Ozu, Ganjiro Nakamura, Machiko Kyo, Ayako Wakao, Hiroshi  Kawaguchi
MK2 2007 /  24.99  € - 163.68 ffr.
Durée film 150 mn.
Classification : Tous publics

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.
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Herbes flottantes est un film en couleurs réalisé en 1959 par Yasujiro Ozu (mort en 1963), le cinquantième film précisément du grand cinéaste japonais. C'est en fait la seconde version de Histoire d'herbes flottantes, qui a été réalisé en 1934 et en noir et blanc (éditeur Carlotta). L’histoire en est donc la même : une troupe de théâtre itinérante arrive par bateau pour se produire dans un petit port isolé du sud du Japon. Son directeur, Komajuro, homme vieillissant, a pour maîtresse l'actrice vedette de la troupe, Sumiko. Dans ce village, il retrouve son ancienne maîtresse, Oyoshi et leur fils Kiyoshi maintenant en fin d'adolescence et qui travaille à la poste afin de se payer des études à l'université. Kiyoshi ignore la vérité et prend son père pour le frère de sa mère, autrement dit pour son oncle. La dernière visite de Komajuro remonte à douze ans en arrière. Mais Sumiko découvre le pot aux roses et décide de se venger. Elle entreprend de faire séduire Kiyoshi par une jeune et jolie actrice de la troupe, Kayo. Mais les deux jeunes gens tombent vraiment amoureux l'un de l'autre tandis que la troupe, privée subitement d'argent, doit se séparer.

Cette seconde version, tout comme la première, alterne des scènes de pure comédie et des séquences dramatiques dont la violence physique n'est pas absente, phénomène assez rare dans le cinéma de Yasujiro Ozu (les scènes par exemple où Komajuro traite Sumiko de «putain», d'«idiote», et lui assène plusieurs gifles !). Cependant, premier constat, Herbes flottantes est plus long que l'original, une demi-heure en plus, ce qui n'est pas négligeable. Et cela s'en ressent, avouons-le, car le film est comme plus distendu, plus "mou" aussi. Incontestablement, il a moins de charme que Histoire d'herbes flottantes qui était plus amer, plus dense, se perdant moins dans les intrigues secondaires et les palabres inutiles. On a même l'impression ici que Yasujiro Ozu hésite entre plusieurs voies, veut se faire plus léger, multiplie les scènes de comédie (voir la scène chez le barbier notamment) mais ne parvient pas à rendre ses personnages aussi touchants et émouvants que d'habitude.

Les passionnés de la filmographie de Yasujiro Ozu seront peut-être un peu déçus de ce petit laisser-aller, c’est-à-dire de ne pas retrouver intact ce charme si discret et si particulier qui court dans les films du maître. En effet, Yasujiro Ozu, c'est aussi une petite musique, au sens propre comme au sens figuré. Cependant, le film n’est pas un échec patent ou une catastrophe filmique : on retrouve les cadrages sobres et célèbres de Yasujiro Ozu. Par exemple, dès le début, une bouteille vide, de sake (boisson préférée du cinéaste et de nombres de japonais !) se tient en amorce du cadre, sur une plage. Ici, le cinéaste utilise une musique légère, comme d'habitude, mais orchestrée de façon différente grâce à des instruments originaux, marimba, accordéon, xylophone. Ces notes à la fois enjouées et mélancoliques semblent rafraîchir l'air de cet été où la chaleur torride pèse sur les corps et les âmes du petit village de pêcheurs. Les fameux plans de coupe de Yasujiro Ozu sont heureusement toujours là et bien là, plans de nature morte ou vivante, escalier vide, couloir déserté, arbre, bannière, phare au loin, procurent un même effet d'apaisement, et de sentiment de la vie passant avec insouciance devant les petits drames humains.

Il faut encore avouer, en ayant rappelé auparavant toutes les qualités du cinéaste (son savoir-faire, sa subtilité, sa spiritualité, son humilité, etc.) que Herbes flottantes a moins de charme que les films précédents et que les trois autres qui suivront. A bien y regarder même, on se demande quelle lubie a pris le cinéaste d'adapter une seconde fois cette histoire somme toute assez mélodramatique, même si, rappelons-le, le traitement esthétique est pudique et nullement appuyé (ce qui serait un comble de la part de Yasujiro Ozu et on est là dans les nuances). En effet, même si la figure centrale, celle de Komajuro qui apparaît comme un homme agressif, et peu sympathique, frustré aussi bien dans sa vie professionnelle qu'affective, est croqué avec finesse, son personnage n'est pas non plus réellement approfondi (de même avec le jeune couple laissé passablement de côté). Si Yasujiro Ozu ne le juge pas catégoriquement d'un trait rageur, et n'a évidemment pas la maladresse d'emporter le spectateur dans un tel jugement (il reste pudique, en retrait sans rien pourtant nous cacher), on aurait aimé rentrer plus intensément dans les tourments du personnage, d'autant que la carrière de ce Komajuro est derrière lui, se retrouvant à tourner en province dans une de ces «herbes flottantes» comme les nomment les Japonais.

C'est finalement l'étrange surprise de ces Herbes flottantes, de rester trop en retrait là où le cinéaste savait auparavant nous faire pénétrer dans les drames intimes de ses personnages et ce, sans la moindre impudeur, chose qui tient du "miracle" au niveau de la mise en scène.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 16/11/2007 )
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