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La disparition d’Anna avec Michelangelo Antonioni, Monica Vitti, Gabriele Ferzetti, Léa Massari Montparnasse - Classique italien 2008 / 9.99 € - 65.43 ffr. Durée film 143 mn. Classification : Tous publics | Sortie Cinéma, Pays : 1959, Italie
Titre original : L'Avventura
Version : 1 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 4/3 format respecté 1.33
Format image : 1.33 (noir & blanc)
Format audio : Italien
Sous-titres : Français
Bonus : Aucun
L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est lauteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal. Imprimer
Michelangelo Antonioni, mort le même jour quIngmar Bergman, le 30 juillet dernier, réalisa LAvventura, ce film mythique qui allait le consacrer avec dautres comme cinéaste illustre de la modernité. Son univers, cependant, était déjà bien présent dans Le Cri (1956), film que lon oublie étrangement, et qui vient aussi de ressortir en DVD.
Lhistoire est simple. Anna (Lea Massari), accompagnée de son fiancé Sandro (Gabriele Ferzetti) et de son amie Claudia (Monica Vitti) participe à une croisière en yacht au large de la Sicile. Elle fait part à Sandro de la crise sentimentale qu'elle traverse. Les passagers accostent sur la petite île de Lisca Bianca. Anna s'éloigne et ne reparaît plus. Sandro, Claudia et deux couples amis organisent la recherche. En vain, Sandro continue son enquête, mais il se sent de plus en plus attiré par Claudia...
Le film fut accueilli fraîchement au Festival de Cannes malgré le soutien dune lettre de trente sept cinéastes et de critiques dont Roberto Rossellini. Il obtint tout de même le prix spécial du jury "pour sa remarquable contribution à la recherche d'un nouveau langage cinématographique". Sur ce point, L'Avventura se caractérise entre autres par la brusque disparition du personnage dAnna à un tiers du récit, et une narration brusquement interrompue.
Si lon a beaucoup glosé sur cette disparition et le vide qui sensuit, il ny avait pas besoin dy rajouter des métaphores alambiquées de la part des critiques. Ce vide est une aventure sans en être une, une aventure parce que les choses déraillent et une non-aventure car le désenchantement figure une voie sans issue. Le cinéaste disait : «Les personnages du film vivent une aventure émotionnelle ; elle implique la mort et la naissance d'un amour- une aventure psychologique et morale qui les fait agir à l'encontre des conventions établies et de critères d'un monde désormais dépassé.»
L'Avventura est un film ample et simple auquel le format (1,77 au lieu de 1,37) fournit un espace et une ampleur dans lesquels Michelangelo Antonioni compose des plans de toute beauté. Beauté esthétique symétriquement opposée à lennui qui mine et ronge les personnages. Car le cinéaste pressent lennui des êtres humains dans un monde dans lequel il ny a plus aucune échappatoire. Apathiques et insatisfaits de leur vie, ils ne trouvent pas l'énergie d'en changer et finissent par dériver
Les films précédents de Michelangelo Antonioni avaient déjà abordé de tels thèmes, que ce soit Chronique dun amour (1950), La Dame sans camélias (1953) ou Le Cri (1956). Ceux de l'homme dans son rapport au monde et à l'autre, sentiment d'inertie, non-communication, ambiguïté, complexité, jeu des apparences, tromperie de l'idéologie, mort lente de l'homme dans un monde où il est de plus en plus en proie à une anorexie existentielle, les êtres humains des films d'Antonioni sont déchus de leurs rêves ou de leurs illusions. Il est proche en cela, certes de Luigi Pirandello, de Pavèse et de Moravia (L'Ennui) mais aussi du théâtre de Samuel Beckett.
L'Avventura marque surtout laffirmation de cette thématique et laboutissement esthétique dune exploration existentielle. Michelangelo Antonioni a bien senti que le monde devenait désenchanté, horizontal, et ce en pleine expansion de la société de consommation qui allait précipiter les êtres humains dans une «féroce apathie». Le film est même, si l'on veut, dune actualité étonnante en ce début de XXIe siècle. Malgré le traitement détaché et distancé du cinéaste qui heurte souvent le spectateur à la première vision, les personnages des films de Michelangelo Antonioni ne sont pas si éloignés de ceux que lon peut croiser de nos jours, entre inertie et lassitude, entre dépression et ennui. C'est sans doute là que l'on remarque la puissante poétique d'un artiste qui a su entrevoir avec une telle acuité les errements du désir humain.
De plus, L'Avventura est superbement réalisé, sans aucune esbroufe, sans plan mas-tu-vu mais au contraire dans une épure magnifique. C'est une uvre qui demande certes de l'attention pour en pénétrer tous les mystères et toutes les beautés. On a beaucoup parlé de linfluence de la peinture notamment dans certains plans avec l'uvre de De Chirico, peintre originaire de Ferrare comme le cinéaste, évoquant la pureté des lignes, lespace ouvert, le temps suspendu, léternel présent. Il fallait tout lart du cinéaste pour créer sans complaisance aucune pareil écrin esthétique doublé dune profondeur thématique sans équivalent.
L'Avventura est aussi le premier film du cinéaste dans lequel apparaît la belle Monica Vitti. Parfaite égérie de Michelangelo Antonioni, elle incarne à merveille le climat dans lequel baigne ce grand film, une date dans lhistoire du cinéma, à légal de luvre tournée la même année par Federico Fellini, La Dolce Vita, les thèmes ne sont pas si éloignés.
Yannick Rolandeau ( Mis en ligne le 08/02/2008 ) Imprimer
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