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La diagonale du fou avec Richard Dembo, Michel Piccoli, Leslie Caron, Alexandre Arbatt Editions Montparnasse 2003 / 15 € - 98.25 ffr. Durée film 103 mn. Classification : Tous publics | Zone 2 / Pal
16/9 compatible 4/3
Format 1.66
Son : Mono
Bonus :
Commentaire audio du réalisateur Biographies et filmographies sélectives
Interviews exclusives : Alexandre Arbatt (Pavius Fromm), Nicolas Giffard (création des parties), Joël Lautier (Grand maître international), Gabriel Yared (musique) et Richard Dembo. Imprimer
Genève, 1983. Le moscovite Liebskind (Michel Piccoli), champion du monde déchecs, invaincu depuis 12 ans, va affronter son élève Fromm (Alexandre Arbatt), dissident du régime soviétique passé à lOuest, laissant au pays son épouse Marina (Liv Ullman). À la clef : un titre de champion du monde. Le combat sannonce difficile et sans pitié, lorsque la première partie sachève sur une nullité : les équipes des deux joueurs vont alors tout mettre en uvre pour faire accéder à la victoire leurs protégés respectifs, multipliant coups bas, manuvres politiques et complots en tout genre. Un magnifique duel commence entre ces deux hommes que tout oppose. Dun côté, un Liebskind à lélégance distinguée, âgé, usé et malade ; de lautre, un jeune Fromm exilé, ambitieux, terriblement libre et insolent. Mais avec la même rage décraser ladversaire des deux côtés. Bien au-delà dun simple jeu, le tournoi figure rapidement lopposition de deux forces sur léchiquier du monde.
Richard Dumbo signe avec La Diagonale du fou un film dune maturité rare, interprété avec brio par des comédiens époustouflants de retenue et de charisme, qui lui valut de nombreuses récompenses dont un Oscar du meilleur film étranger en 1984, et un César du meilleur premier film la même année. Le jeune réalisateur dalors retranscrit une ambiance étrange, sourde tension largement entretenue par de longs silences. Les échanges de regards entre les deux protagonistes, formidable jeu dacteurs, offrent ainsi la palette de tous les sentiments humains, de la colère au désespoir, en passant par lincertitude et la peur. Intensité menée à son paroxysme lors de la dernière partie opposant les deux hommes. On retrouve ainsi la thématique de linévitable concurrence Maître/Elève, que le cinéaste assimile à la relation Père/Fils : le rapport Amour/Haine entretenu par Liebskind et Fromm savérera destructeur, improductif, et au final superbement futile.
Mais au-delà des enjeux personnels qui animent ses personnages, Dumbo retrace également de manière quasi clinique les tenants et les aboutissants dun tel championnat pour Moscou à lépoque. Le scénario fut écrit en 1978, en pleine guerre froide, et les grands maîtres Kortchnoï et Karpov saffrontaient cette année-là sur léchiquier : largement inspiré de ce tournoi mémorable, La Diagonale du fou se veut lallégorie, mais aussi la dénonciation, de la division du monde en deux camps. Le pouvoir totalitaire de lex-URSS y est mis en cause, ce dernier étant prêt aux pires infamies pour soffrir un champion du monde déchecs soviétique, véritable vitrine pour le bloc communiste.
Ce long-métrage savère par ailleurs une plongée dans le monde fascinant et sans pitié des échecs. Caprices de star (au début du film, la scène de linspection de la salle de tournoi par le challenger Fromm est exquise), complots, jalousies et stratégies fumeuses, rien nest épargné, jusquà lutilisation de parapsychologues immiscés dans le public, en vue de déstabiliser ladversaire par hypnose pratique du reste réellement employée par Moscou dans ces années-là. Les équipes des joueurs y sont dépeintes comme de véritables mafias, vouant au « chef » un respect non dénué denvie et de convoitise. Bref, Liebskind et Fromm, au sommet de leur art, sont désespérément seuls.
Enfin, soulignons le soin tout particulier apporté aux suppléments : pas moins de trois interviews du réalisateur, qui explique le contexte politique difficile dans lequel le long-métrage fut tourné notamment vis-à-vis dun Michel Piccoli proche du parti communiste, qui na dailleurs pas hésité à demander des modifications du scénario , mais parle aussi avec passion de son travail, de lélaboration du scénario à la composition de la bande originale (par Gabriel Yared, daprès le prélude Opus 18 de César Frank). Alexandre Arbatt (le Fromm du film) se prête lui aussi au jeu de lentretien et nous livre quelques anecdotes sur le film. Pour terminer, les intéressants commentaires de deux grands maîtres internationaux Joël Lautier et Nicolas Giffard, qui fut aussi le consultant du film et élabora les parties , lesquels ne se privent pas de relever les erreurs et autres invraisemblances (on apprend ainsi que seuls des débutants disent « échec » lors dune partie !), et sexpriment sur lépineux problème des tournois opposant lhomme à la machine. Seul regret : labsence de Michel Piccoli, qui na visiblement pas souhaité revenir sur cette uvre.
Océane Brunet ( Mis en ligne le 19/08/2003 ) Imprimer | |
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