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Gerry
avec Gus Van Sant, Casey Affleck, Matt Damon
MK2 2004 /  24.99  € - 163.68 ffr.
Durée DVD 132 mn.
Durée film 99 mn.
Classification : Tous publics

Version : DVD 9 PAL Zone 2
Format image : 2.35
Format vidéo : 16/9 compatible 4/3
Format audio : VO anglaise 5.1
Sous-titres : Français

Bonus :
Making of (14')
Entretien avec Serge Kaganski (15')
Projets d'affiches (2')
Bande-annonce (2')

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« Le désert est le meilleur des labyrinthes. » Cette phrase de Jorge Luis Borges résume à la perfection Gerry, grande errance physique de deux hommes perdus dans d’arides paysages, aussi bien que source inépuisable de questionnements pour le spectateur désorienté. Un an avant Elephant, magnifique et perturbante évocation de la tuerie du lycée de Columbine, Gus Van Sant réalisait son film le plus expérimental à ce jour, d’un dépouillement et d’une lenteur extrêmes, à l’opposé des recettes hollywoodiennes qui avaient fait le succès de Will Hunting et A la recherche de Forrester. D’où l’étonnement et la fascination que le film provoque dès le début, réactions qui ne cessent ensuite de s’amplifier devant la réussite de cette expérience inédite.

A la base, un scénario minimal : deux amis, partis faire une balade dans le désert sur un chemin balisé, s’en écartent, se perdent et tentent de s’en sortir. Deux hommes et de grands espaces, voilà les données. A partir de là, Gus Van Sant choisit la voie de l’immersion : il s’agit de faire partager au spectateur la lente perdition des personnages (interprétés par les excellents Casey Affleck et Matt Damon, très impliqués dans leurs rôles), de lui faire ressentir leurs efforts, leur fatigue, leur découragement, et en même temps de constater leur insignifiance et leur vanité par rapport au paysage qui les cerne. A ces fins, le réalisateur utilise de longs plans, un minimum de dialogues et de grandes variations d’échelle, les deux hommes se retrouvant parfois perdus au fond de l’image. Plus le temps passe, plus les splendides panoramas désertiques prennent de poids, comme si la présence humaine était reléguée au rang de détail. L’immersion sonore a également un grand rôle, la dérive des personnages étant peu à peu soulignée par les musiques minimalistes et étranges d’Arvo Pärt, jusqu’à ce plan séquence hallucinatoire où ils avancent très lentement et d’une démarche saccadée dans un désert de sel, dans des sonorités spectrales et électroniques, tandis que l’obscurité laisse place à la lumière du soleil levant… Cette immersion dans un espace-temps désertique primitif, coupé de la civilisation moderne, donne à l’ensemble du film le statut d’expérience sensorielle radicale, comme le cinéma actuel n’en propose que rarement.

A cette errance sensorielle s’ajoutent diverses interrogations, dont aucune ne trouve de réponse claire, Gus Van Sant laissant avec raison le spectateur chercher en lui-même. On peut déjà discuter du mot « gerry », employé à diverses occasions et notamment comme prénom des deux personnages. S’agit-il d’une simple blague, ou faut-il y voir le signe du « dédoublement psychique » d’un seul homme, parti dans le désert et confronté à ses deux facettes ? Que se passe-t-il réellement entre eux à la fin ? Que penser de leur marche hors des sentiers balisés : simple erreur de touristes inexpérimentés ou comportement révélateur de l’homme moderne, tellement en sécurité dans la civilisation qu’il s’est coupé de la nature et ne comprend plus ses dangers ? En allant très loin : la naïveté et l’arrogance de la civilisation moderne ne la condamne-t-elle pas, face à une nature qui reprendra un jour ses droits ? Alors, quelle peut être la place de l’homme dans cette nature ? Que se passe-t-il lorsqu’il se retrouve sans aide, face à lui-même ? Ce film est-il une sorte de provocation de la part de Gus Van Sant, un bras d’honneur à l’ineptie de l’industrie hollywoodienne ? A le voir citer abondamment ses influences européennes (Andreï Tarkovski, Alexandre Sokourov, Béla Tarr, Derek Jarman…), on peut sincèrement le penser.

Le climat d’étrangeté du film se prolonge dans le making-of d’un quart d’heure, « Sur le tournage de Gerry », où l’on voit l’équipe à l’aube dans le désert de sel, préparant le fameux plan séquence de presque sept minutes. Long rail courbe de travelling posé sur l’étendue blanche, ambiance détendue et très calme, réglage de la lumière… Aucun commentaire sur ce qui se passe, pas de questions au réalisateur ou aux acteurs, il s’agit d’un document brut, sur le vif, particulièrement minimaliste et anti-hollywoodien, à l’image du film. Un peu déroutant, mais original et amusant. S’ajoute à cela un autre quart d’heure, plus dense, d’analyse du film par le critique Serge Kaganski, avec entre autres d’intéressantes comparaisons entre Gerry et son successeur Elephant. Quand on sait que le prochain film de Gus Van Sant, intitulé Last Days (une évocation de la fin tragique d’un chanteur très inspiré de Kurt Cobain), formera semble-t-il la dernière pièce d’une trilogie, ces ressemblances font encore plus réfléchir… Espérons que cet opus atteindra le niveau exceptionnel d’étrangeté et de profondeur des deux premiers !


Ludovic Ligot
( Mis en ligne le 25/10/2004 )
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