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Coffret Rainer Werner Fassbinder 1
avec Rainer Werner Fassbinder, Hanna Schygulla, Rosel Zech, Barbara Sukowa
Carlotta Films 2005 /  49.99  € - 327.43 ffr.
Durée film 337 mn.
Classification : Tous publics

Ce coffret comprend Le Mariage de Maria Braun ; Le Secret de Veronika Voss et Lola, une Femme Allemande.

Sortie Cinéma : 1978, 1981, 1982, Allemagne

Version : DVD 9 / Zone 2
Format vidéo : 16/9 compatible 4/3
Format image : 1 : 85
Format audio : Allemand 2.0 mono. Dolby surround.
Sous-titres : Français

Le même éditeur sort également un second coffret regroupant Maman Küsters s'en va au ciel, Tous les autres s'appellent Ali, La Troisième Génération, Les Larmes amères de Petra von Kant et Le Droit du plus fort.

Une intégrale Fassbinder se déroule au centre Pompidou du 13 avril au 6 juin 2005, tandis que L’Amour est plus froid que la mort, Le Soldat américain, Prenez garde à la sainte putain, Le Marchand des quatre saisons, La Femme du chef de gare, Roulette chinoise, L’Année des treize lunes, Lili Marleen ressortent en salles.

DVD Bonus :
La Trilogie allemande (30 mn), analyse de Marielle Silhouette, Nicole Brenez et Cédric Anger
Hanna, une femme allemande (15 mn), interview de Hanna Schygulla à propos du personnage de Maria Braun et de son travail avec Fassbinder
La Maison Fassbinder (25 mn), analyse de Patrick Straumann
Entretien avec Juliane Lorenz & Rosel Zech (20 mn), à propos du personnage de Veronika Voss
La montée du mensonge, analyse du film de Jean Douchet (24 mn)
Entretien avec Barbara Sukowa (20 mn), à propos de son personnage de Lola et de son travail avec Fassbinder
Lola, les feux d’artifice, sensations sur le film, Caroline Champetier (20 mn)
Les chansons
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Maria, Veronika, Lola, trois femmes allemandes dans l’Allemagne de l’après-guerre. Trois figures allégoriques, mélodramatiques. Trois actrices, Hanna Schygulla, Rosel Zech, Barbara Sukowa pour trois femmes enflammées. Rainer Werner Fassbinder dresse avec cette Trilogie Allemande un portrait noir et flamboyant des années Adenauer, celles de la reconstruction, entre fantômes du nazisme et miracle économique, tissant les thèmes du mélodrame hollywoodien dans le lieu blessé de l’histoire allemande : amour, ambition, mensonge, manipulation, trahison, sexe, meurtre, drogue…

Le Mariage de Maria Braun (1978)

C’est l’histoire des amours de Maria et Hermann Braun de 1943 à 1954. Braun, du même nom qu’Eva Braun, maîtresse d’Hitler. Amours contrariés, donc : Hermann est porté disparu sur le front. Maria se console, joue les entraîneuses dans un bar à G.I.’s, fend la foule pour une danse, croise Bill, un soldat noir, dont elle tombe enceinte. Elle est belle, Maria ; on voudrait être de la danse. Fassbinder fragmente, érotise les corps nus des amants où perle la sueur. Jamais le cinéaste n’enserrera l’étreinte dans un seul plan englobant. Hermann, soldat de l’armée nazie, réapparaît, derrière la porte, voyeur. Comme un lien du sang, immédiat et violent, Maria tue son amant, retrouve son mari, qui s’accuse du meurtre, est mis en prison.

C’est l’histoire des amours de Maria et Hermann Braun. Etranges amours. Hermann en prison, Maria séduit un entrepreneur, s’engage dans un combat économique et industriel, affirme son indépendance de femme forte, séduisante, manipulatrice, maîtresse de son destin. Mais Maria, aussi, se rend en prison régulièrement pour rendre compte à Hermann de son ascension sociale, elle, la fille du peuple. Ce qu’elle construit, c’est pour eux deux. Pourtant : des grilles, des ombres, un lieu clos ; la mise en scène sépare Maria et Hermann ou les isole. Maria gagne de l’argent, achète une maison ; sa prison pour y attendre le retour d’Hermann, dit-elle au nouvel amour de sa mère. Echo à la maison Allemagne ? « Qui n’a pas de maison ne s’en bâtira plus. Qui aujourd’hui est seul le restera longtemps… » Ce vers de Rilke ouvre Lola, une Femme Allemande. Les films se croisent, entrent en correspondances. Patrick Straumann, journaliste, analyse dans l’un des compléments du DVD, ce symbole de la maison, les jeux de correspondances à l’intérieur du film, entre films. Subtil commentaire qui joue de la graphie du montage pour une pensée de cinéma, soulignant les différentes strates du film.

C’est l’histoire des amours de Maria et Hermann Braun. Leurs retrouvailles à la maison, quand Hermann rentre d’un long séjour au Canada après la prison, mange, s’installe devant le poste de radio pour écouter la retransmission de la finale de la coupe du monde de foot 54 entre l’Allemagne et la Hongrie. Cette année-là, les Hongrois jouent un football de rêve et mènent 2-0 après dix minutes de jeu. Mais l’Allemagne l’emporte 3-2 ; Maria revêt sa robe blanche de mariée ; Le Mariage de Maria Braun s’achève, tragique. Comme en écho à l’explosion du bombardement des alliés en 43 qui lance le film.


Le Secret de Veronika Voss (1981)

Veronika Voss, star du cinéma d’avant-guerre, icône du cinéma nazi, protégée de Goebbels, est sur le déclin. Sous une pluie romantique, elle croise Robert Krohn, sorte d’homme du peuple, chroniqueur sportif. Il est subjugué. Suivant l’actrice, il découvre la dépendance de la star déchue à la morphine et la présence d’une doctoresse manipulatrice qui l’étouffe, lui fournit la drogue. Robert Krohn compatit. Comment choisira-t-il, Robert, dans un entre-deux affectif, entre l’attirance étincelante et tragique d’une femme fatale, Veronika, et le regard simple, quotidien de sa femme ?

Un G.I.’s noir est installé chez la doctoresse, figure, pantin d’une présence américaine dans l’Allemagne de l’après guerre, personnage récurrent des films de Fassbinder. Il est là, personnage sans psychologie, libérateur du nazisme collaborant à la préparation de la dope, nouveau commerce. Il est grand, beau, souriant. Sur les plateaux de cinéma, Veronika ne sait même plus pleurer. Dans une petite boutique, un couple juif, rescapé de Treblinka, montre une marque, un numéro sur un bras. La morphine, ils connaissent, eux aussi, pour échapper à la douleur.

Fassbinder : « Je cherche en moi où je suis dans l’histoire de mon pays, pourquoi je suis allemand » (Le Monde, 17 avril 1981). Veronika, elle, plonge dans l’oubli de sa propre histoire et de son lien avec l’Allemagne nazie. Le Secret de Veronika Voss est tourné en noir et blanc. Comme dans les deux autres films, Fassbinder refuse tout naturalisme dans la mise en scène. Les valeurs du noir et blanc semblent inversées : le noir protège, s’occupe du réel, apaise ; le blanc dissout l’espace, ronge l’histoire par un trop plein d’artifices et d’hypocrisies, marque l’aliénation. La mise en scène met à distance, critique : contre-plongées qui disent les rapports de domination, cadres dans le cadre, effets narratifs de transitions des années 50, amorces des plans qui resserrent, lignes de fuite, lignes obliques, lumière directe qui souligne l’artifice et le mensonge… Pourtant, le plaisir est grand à plonger dans un imaginaire de cinéma, dans une échappée au naturalisme, les références cinéphiles sont nombreuses (Sirk, Murnau, Ophuls…), un couple marche sous la pluie, une lumière sublime Veronika malgré la chute, un film dans le film se tourne, une actrice chante. Attirés par la lumière, l’aura d’une héroïne, nous sommes entrés dans l’intérieur du film. Pris au piège de l’aimer, Veronika, de compatir, comme Robert, nous ne savons pas encore que cette lumière là, elle est crépusculaire.

Un mot encore. Le Secret de Veronika Voss. Son secret : le déni de sa propre histoire. Titre original en allemand : Die Sehnsucht der Veronika Voss, et non Das Geheimnis der Veronika Voss. Die Sehnsucht : l’aspiration, le désir ardent, la langueur, le vague à l’âme, la nostalgie. Tristesse dans ce mot allemand et sa musicalité. Veronika, victime et complice de l’histoire allemande, perd sa vie à croire à la création encore possible de son propre éclairage, pour exister toujours, dans la gloire de la lumière. « La lumière fait le récit, elle inscrit sur l’écran la faillite matérielle, professionnelle, sentimentale de Veronika (…) », analyse Douchet dans un précieux commentaire qui donne à voir la montée du mensonge.

Lola, une Femme Allemande (1981)

C’est une petite ville de Bavière, à la fin des années cinquante. Il y a Schuckert, l’entrepreneur jamais repu, enrichi grâce à des affaires douteuses, qui en espère d’autres dans ce vaste chantier immobilier de reconstruction en projet dans la ville. L’urbaniste Bohm s’oppose à lui, au nom du bien public, au nom de la morale. Pas sûr que cela dure ! Bohm est proche du Robert du Secret de Veronika Voss, visage rond, sympathie immédiate. Bohm ou Robert, c’est celui que l’on voudrait être dans l’histoire, celui qui souhaite sauver l’héroïne, celui qui lutte contre la déchéance, qui s’oppose à la société policée, policière (Le Secret de Veronika Voss) ou bourgeoise et corrompue (Lola). En vain. Au côté de Bohm, travaille Esslin, progressiste, idéaliste, aspirant révolutionnaire.

Entre ces hommes va-et-vient Lola, putain magnifique, vamp flamboyante. Elle chante et danse. Elle les excite. Ils la désirent. A égalité ? Non, Lola a eu une enfant avec Schuckert. Il la tient : pension alimentaire contre corps offert aux satisfactions du goujat. Esslin attend son heure. Le rigorisme administratif de Bohm vacille face à l’appel de la chair. C’est un affrontement.

L’histoire va-et-vient entre le petit théâtre de la ville – on pense à Brecht –, à la surface des apparences et la Villa Fink, bordel étincelant où tous se retrouvent, marchandent le corps de Lola, victime et complice des regards, des désirs, des pulsions.

Lola est un film kaléidoscopique, étincelant de mille feux, brutal, jouant d’un travail chromatique avec les lumières complémentaires. Lola est un prisme qui décompose la lumière blanche naturelle : vert, bleu, rouge, cyan, magenta, jaune. Confusion. Distanciation. Etat mental du lieu et des personnages. Eclatement du corps social. « (…) sophistication visuelle mis en rapport avec la trivialité des corps. » Caroline Champetier, chef opératrice, caresse la lumière du film, dessine des émotions, tissent les enjeux du drame par la mise en scène des éclairages.

On aime ces DVD là, quand la politique éditoriale existe, creuse, interroge, suggère une circulation critique. Autre proposition de court-circuit critique, en passant : rapprocher ce commentaire de Champetier avec celui de son propre travail sur le DVD du Vent de la nuit de Garrel. Chez Garrel, la lumière est principe de nécessité intérieure, pour entrer dans l’espace-temps du film, en intimité. La trace de l’Allemagne y est aussi présente, trace du romantisme. Ici, chez Fassbinder, « (…)la lumière est là non pour éclairer mais pour salir (…) la possibilité de faire avec de la lumière, non pas de l’éclairement, non pas de la pureté, mais de la complexité (…) ». Deux graphies de la lumière. Art du cinéma.


Benoît Pupier
( Mis en ligne le 18/04/2005 )
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