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Saraband
avec Ingmar Bergman, Liv Ullmann, Erland Josephson, Börje Ahlstedt, Julia Dufvenius
MK2 2005 /  24.99  € - 163.68 ffr.
Durée film 107 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma : 2003, Suède
Titre original : Saraband

Version : DVD 9 - PAL - Zone 2
Format vidéo : 16/9 compatible 4/3
Format image : 1.77 haute définition
Format audio : Suédois
Sous-titres : Français

DVD 1 :
Le film

DVD 2 :
Compléments (163 mn) :
Nouveau testament (Analyse de Philippe Piazzo)
A travers elle… (Entretien avec Jeanne Moreau)
La réalisation selon Bergman (Making of)
Parce que c’était eux (Face à face entre les 2 comédiens de Saraband Liv Ullmann et Erland Josephson)
Bandes annonces : Collections Robert Bresson, Alain Resnais, Paolo et Vittorio Taviani et Krysztof Kieslowski


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Presque toute l’action de Saraband se déroule dans un unique décor, une vieille demeure familiale, isolée et calme, perdue dans la nature. Une retraite où Johan a décidé de finir sa vie. Pour les familiers du cinéma de Bergman, Johan n’est pas un inconnu. Lui et Marianne étaient les principaux protagonistes de Scènes de la vie conjugale. Ils étaient mariés, s’aimaient, se haïssaient, se trompaient. Ils se sont finalement séparés et ont vécu chacun de leur côté. Trente ans qu’ils ne se sont pas vus. Marianne, justement, nous venons de la voir. Lors d’un prologue, face à l’objectif, assise devant une grande table couverte de photos, elle nous annonce son intention de revoir Johan. Et nous voilà à ses côtés, après qu’un intertitre ait signalé le début du premier dialogue – il y en aura dix en tout –, projeté dans la maison de Johan. Nous déambulons tranquillement dans une pièce, une salle à manger. Tout est en ordre, l’odeur d’encaustique nous effleure les narines, des rires lointains d’enfants joueurs, joyeux et turbulents, semblent parvenir à nos oreilles, des rires qui sans peine emplissent la maison. Mais non ! Ces rires sortent de l’imagination du chroniqueur ensorcelé par le pouvoir évocateur des images épurées de Bergman. Ici, seul le son d’un coucou vient troubler le silence. Les secondes s’égrènent inexorablement, le temps s’écoule implacablement. S’il y eut un jour des enfants dans cette maison, cette époque est révolue. Elle n’abrite aujourd’hui qu’un vieil homme. Marianne d’ailleurs vient de l’apercevoir. Elle nous l’indique en s’adressant à la caméra. Johan s’est assoupi sur la terrasse. Elle hésite une minute avant d’ouvrir la porte qui les sépare. Elle se décide enfin.

Ces retrouvailles entre les vieux amants – toujours incarnés par Liv Ullmann et Erland Josephson – ne sont que l’amorce d’un récit prolifique. Avec l’entrée en scène d’Henrik, le fils de Johan, et sa fille, Karin, Saraband s’épaissit. Henrik qui vient de prendre sa retraite, s’est installé avec sa fille dans une maison à proximité de celle où vit son père. Ensemble, animés par une même passion, la musique, ils pratiquent avec acharnement le violoncelle dans l’espoir que Karin réussisse le conservatoire. Cette fois, tous les personnages sont en place. La petite mécanique des passions humaines, bergmanienne en diable, peut s’enclencher. L’amour étouffant et incestueux d’Henrik pour sa fille, la haine d’Henrik pour son père, le mépris de Johan pour son fils, l’angoisse de la mort éprouvée par Johan, la tendresse mêlée d’amertume entre Marianne et Johan forment les âpres sonorités qui composent ce magnifique Saraband.

D’autres notes, plus douces, toutefois, s’intercalent dans cette sarabande. Le souvenir d’Anna, la femme d’Henrik, morte deux ans auparavant, vient rappeler aux vivants le goût de l’amour, son pouvoir. Car Anna, malgré sa disparition, demeure, par le truchement d’un portrait qui surgira à plusieurs reprises au cours du film, une incarnation de l’amour. « Anna ne disait jamais je t’aime, mais elle commettait sans cesse des actes d’amour » déclare Karin, citant son père. Anna était « une appartenance » pour Henrik, celle qui lui donnait la force d’affronter la vie. Elle était celle qui rendait le monde plus supportable à Johan. Celle qui par son amour et sa présence indiquait à Karin le chemin à suivre. Et c’est elle qui aidera Karin, par l’intermédiaire d’une lettre écrite quelques jours avant de mourir, à prendre son destin en main et qui, dans une dernière scène bouleversante, influera sur la vie de Marianne.

Avec Saraband, Bergman, qui n’a pas tourné depuis plusieurs années, nous rappelle quel incroyable cinéaste il est. Son talent n’a rien perdu de son éclat ni de sa force. Intact, en effet, son art du dialogue qui se cristallise dans des répliques souvent cinglantes, toujours justes. Intact, également, son art de la mise en scène, avec cette prédilection pour les visages filmés en gros plan. Des visages qui révèlent un monde. Des visages semblables à une scène de théâtre où naissent, s’épanouissent et meurent les sentiments. Intact, enfin, son art de directeur d’acteurs. Le réalisateur suédois semble pouvoir tout obtenir de ses comédiens : de la plus subtile nuance sur un visage – on y revient – à la violence la plus extrême qui secoue tout un corps.

Au terme de cette chronique une dernière précision s’impose. Saraband ne se raconte pas, ne se résume pas, ne s’analyse pas. Il se voit et s’éprouve. « Aucun art ne traverse, comme le cinéma, directement notre conscience diurne pour toucher à nos sentiments, au fond de la chambre crépusculaire de notre âme», écrivait Ingmar Bergman dans Laterna Magica – l’une des plus belles et des plus émouvantes autobiographies écrites par un cinéaste. Peu de films pourtant répondent à cette idée exigeante du cinéma. Saraband est l’un d’eux. Il atteint le spectateur – pour peu que celui-ci accepte de s’abandonner et de se laisser porter par les images et les dialogues inventés par Bergman – au plus profond de son être.

MK2 éditions propose, outre le DVD du film, un second DVD comprenant plus de deux heures et demi de compléments. A regarder en priorité La réalisation selon Bergman, making of de Saraband, un document bouleversant qui nous révèle un Bergman énergique et vif. Un Bergman très proche de ses comédiens, attentionné, attentif, drôle. Un Bergman tendre et affectueux. Magnifique ! On pourra également regarder avec intérêt, Parce que c’était eux, un face-à-face entre Liv Ullman et Erland Josephson. Bien qu’un peu affecté dans sa forme, ce documentaire de près d’une heure réussit à dévoiler un peu de la profonde affection qui lie ces deux comédiens. L’analyse du film, Nouveau testament, est intéressante. L’utilisation d’extraits de Saraband pour étayer les commentaires of donne du poids et du relief à l’interprétation de Philippe Piazzo.


Stéphane Gauchon
( Mis en ligne le 20/06/2005 )
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