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Coffret Manoel de Oliveira – 3 films
avec Manoel de Oliveira
Arte Vidéo 2005 /  35  € - 229.25 ffr.
Durée film 390 mn.
Classification : Tous publics

Version : PAL Zone 2
Format vidéo : 16/9 compatible 4/3
Format image : 1.66

DVD 1

Titre du film : Non ou la vaine gloire de commander
Avec : Luis Miguel Cintra, Diogo Doria, Miguel Guilherme
Durée du film : 107’
Durée DVD : 140’
Public : tout public
Genre : Drame


Sortie Cinéma : 1990, Portugal
Titre original : Non ou A Vá Gloria de mandar
Format audio : version portugaise, dolby digital
Sous-titres : français

Bonus : Entretien avec Manoel de Oliveira

DVD 2

Titre du film : Val Abraham
Avec : Leonor Silveira, Luis Miguel Cintra, Rui de Carvalho
Durée du film : 203’
Durée DVD : 225’ environ
Public : tout public
Genre : drame

Sortie Cinéma : 1993, Portugal
Titre original : Val Abraão
Format audio : version portugaise, dolby digital
Sous-titres : français

Bonus : Entretien avec Manoel de Oliveira

DVD 3

Titre du film : Je rentre à la maison
Avec : Michel Piccoli, Antoine Chappey, John Malkovitch, Catherine Deneuve
Durée du film : 85’
Durée DVD : 110’
Public : tout public
Genre : Drame

Sortie Cinéma : 2001, France
Format audio : version française, dolby digital

Bonus : Entretien avec Manoel de Oliveira

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Depuis les années 80, Manoel de Oliveira enchaîne les tournages avec la régularité implacable de l’homme conscient que le temps est compté – Oliveira a réalisé la majeure partie de son œuvre à plus de 80 ans. Il fêtera le 11 décembre prochain son 97ème anniversaire. Temps d’autant plus précieux que longtemps il fut perdu – volé conviendrait mieux –, la dictature fasciste de Salazar réduisant le réalisateur portugais à un quasi silence cinématographique. La sortie d’un coffret - sobrement intitulé Manoel de Oliveira - réunissant 3 films de cette période féconde est l’occasion de découvrir l’œuvre singulière d’un cinéaste encore trop méconnu.

Trois films, donc, aux sujets forts différents – Non ou la vaine gloire de commander (1990) est un film historique ; Val Abraham (1993), une adaptation de Madame Bovary ; Je rentre à la maison (2001), une réflexion sur le deuil et la vieillesse – mais trois films qui, comme le précise Oliveira dans des entretiens accordés à Antoine de Baecque et Jacques Parsi, « sont des récits d’agonie, l’agonie dans le sens premier, dans le sens grec, c’est « la Lutte ». […]. Tous mes films montrent en fait que les hommes entrent en agonie au moment où ils arrivent au monde. » Trois films, enfin, qui révèlent un système esthétique d’une grande cohérence. Oliveira en se libérant de ce qu’il nomme des préjugés cinématographiques – tout ce qui « fait » cinéma – en vint à privilégier les plans fixes aux travellings, la durée au rythme effréné, la simplicité du filmage aux effets. Le cinéma d’Oliveira crée des durées singulières et offre ainsi au spectateur la possibilité de s’absorber dans la contemplation d’un paysage, d’un visage, pour y déceler les imperceptibles mouvements qui les traversent. A mille lieues du grand spectacle hollywoodien, l’oeuvre d’Oliveira exige un regard et une pensée actifs, à l’affût du signe et du sens. On ne saurait pourtant réduire les films du cinéaste à un système formel rigide, ses choix esthétiques variant au gré des films, pour servir une histoire, une idée, un point de vue. Passons donc en revue les trois films du coffret pour avoir une idée plus précise du travail d’Oliveira.

NON ou la vaine gloire de commander

Sans doute y a-t-il une pointe de malice à l’origine de Non ou la vaine gloire de commander. Relater l’histoire d’un pays en retraçant ses défaites les plus marquantes, assurément cela ne manque pas de piquant ! Mais Oliveira, tout malicieux qu’il est, n’en est pas moins un homme d’une profonde intelligence. Adopter ce point de vue original sur l’histoire d’un pays – tout en restant absolument fidèle aux faits historiques – c’est tenter de faire émerger de l’histoire un sens nouveau, débarrassé du nationaliste, de la fascination pour la guerre, un sens où l’humanisme n’est pas un vain mot.

Pour nous amener à découvrir ce sens, Oliveira choisit de suivre un petit groupe de soldats. Loin de leurs attaches natales, perdus dans un pays qui leur est totalement étranger, l’Angola, pris dans un conflit qui les dépasse – une guerre coloniale – ces soldats, le vague à l’âme, cherchent à comprendre la situation qu’ils sont en train de vivre. Parmi eux, le sous-lieutenant Cabrita, étudiant en histoire dans le civil, retrace quelques épisodes de l’histoire du Portugal. Au fil des récits de Cabrita, le spectateur saisit la pertinence de cette plongée dans l’histoire, aidé en cela par la mise en scène. Oliveira alterne les scènes situées dans le présent du film – les soldats, la guerre en Angola – et les tableaux historiques en conservant les mêmes acteurs. L’histoire du Portugal apparaît alors comme un éternel recommencement. Et nous comprenons très vite que cette guerre, comme celles qui l’ont précédée, se terminera mal. Pour les hommes qui la font et pour le Portugal. C’est le Non du titre. Quelque chose résiste au désir d’expansion et de conquête de ce petit pays. Quelque chose qui dit non. Que ce soit dieu ou la réalité, le résultat est le même : l’échec et la souffrance.

La conquête est donc vaine et absurde. Cabrita le dit d’ailleurs explicitement : « Les conquêtes, la domination des terres, les peuples soumis par la force, ça ne compte pas. Ça peut compter un moment pour qui jouit du pouvoir. Mais ça ne reste pas en faveur de L’humanité. » Ce qui reste dans l’histoire de l’humanité, ce qui contribue à l’élever, « c’est ce qu’on donne, pas ce qu’on prend. » Voila l’idée fondamentale vers laquelle Oliveira voulait nous amener. Une fois la guerre, la gloire, l’héroïsme démystifiés, l’évidence est là, nue : seuls le don, le legs et toute la philosophie que cela implique, sont en mesure de faire avancer l’humanité vers un avenir meilleur.

Val Abraham

Val Abraham est peut-être l’un des plus beaux films de Manoel de Oliveira. L’un des plus littéraire< également, le réalisateur ayant inclus, grâce à une voix-off très présente, certains passages du roman dont le film est l’adaptation. Mais de quel roman s’agit-il au juste ? A l’origine, Oliveira souhaitait adapter l’oeuvre de Flaubert, Madame Bovary. Pour cela, un tournage en Normandie s’imposait. Ce que lui refusa son producteur, le formidable Paulo Branco : trop chère. Oliveira décida alors de tourner son film au Portugal et chargea la romancière Augustina Bessa-Luis d’adapter sous forme de scénario, le texte de Flaubert. Les premières ébauches n’étant pas satisfaisantes, Oliveira l’encouragea à écrire un roman. Roman qui parut sous le titre Val Abraham et qu’Oliveira adapta lui-même. Le résultat est étonnant. Bien que l’action se situe de nos jours et qu’Ema soit portugaise, le film reste parfaitement fidèle à l’esprit du roman.

Ce qui demeure du roman et ce que réussit à restituer admirablement Oliveira c’est le mystère d’Ema. Oliveira tout comme Flaubert cherche à dépeindre une âme. En partant du concret, de la terre, des paysages de la vallée du Douro le film progresse insensiblement vers quelque chose de plus abstrait, de plus insaisissable. Spectateurs, nous admirons tout d’abord le calme et majestueux fleuve Douro, les vignes cultivées en terrasse, puis la beauté d’Ema – le film est d’une incroyable sensualité. Nous pénétrons ensuite dans son intimité et partageons sa douce mélancolie. Nous assistons à ses désillusions – provoquées par des hommes toujours en deçà de ce qu’elle attend d’eux – nous comprenons son attirance pour les rêveries poétiques. Nous la suivons ainsi jusqu’à la fin du film. Et une fois le drame achevé, nous comprenons qu’Ema nous a résisté, qu’elle nous a échappé. Nous comprenons qu’elle est restée et restera une énigme.

Je rentre à la maison

Parfois les films naissent d’un rien, d’une anecdote. Celle-ci, par exemple, qui se produisit sur le plateau d’un tournage : un acteur célèbre, las, fatigué, déclara devant toute l’équipe du film : « Je rentre à la maison… Je vais me reposer. » Fait infime. Manoel de Oliveira, pourtant, à partir de cette situation, imagine et réalise un film tout à la fois poignant et drôle sur le deuil et la vieillesse.

Gilbert Valence – incarné par le magnifique Michel Piccoli – comédien de renom, apprend, au terme d’une représentation du Roi se meurt, la mort, dans un accident de voiture, de sa femme, sa fille et son gendre. Comment survivre à une telle tragédie ? Comment continuer à vivre ? Comment tenir à distance le désespoir ? A ces questions, Manoel de Oliveira y répond sans pathos, sans discours. Il filme, avec une grande simplicité, Gilbert Valence dans la quotidienneté de son existence. Les petits riens de la vie – regarder les gens marcher dans la rue, admirer un tableau, acheter une paire de chaussures jaunes – les habitudes – prendre son café et lire le journal, toujours à la même place, dans le même bistrot, par exemple – sont les points d’appuis sur lesquels Valence étaye sa nouvelle vie. Les morts sont toujours présents à l’esprit du vieil homme et la douleur de la perte ne s’est sans doute pas totalement dissipée. Oliveira nous le rappelle en un plan magnifique. Dans la pénombre de sa chambre, Valence saisit un cadre et contemple une photo que nous ne verrons pas mais que nous imaginons être celle des disparus. Mais les vivants exigent toute son attention et l’empêche de sombrer dans la mélancolie. Ainsi son petit-fils qui a reporté toute son affection sur son grand-père. Le film pourtant s’achèvera sur l’anecdote évoquée plus haut, brusque retour d’une douleur trop lourde à supporter pour ce vieil homme dont les forces déclines.

Dans l’entretien bonus qui accompagne le film, Manoel de Oliveira, donne quelques indications intéressantes pour mieux comprendre son film. Il explicite, par exemple, la formule « Je rentre à la maison ». Il y décèle l’expression d’un désir impossible, le désir d’un retour dans le ventre de la mère. Le désir de revenir à l’état primordial de fœtus où tous les besoins sont satisfaits sans effort. Le désir de revenir à ce court moment où la vie n’est pas encore une lutte. Il ajoute également que son film doit être considéré comme une métaphore sur le monde moderne. Au-delà de l’histoire de Gilbert Valence, Oliveira nous conte le destin tragique d’une civilisation devenue folle, incapable d’un retour à plus d’humanité.

Un mot sur les bonus. Bien qu’ils soient intéressants, on regrettera toutefois leur maigreur. Chaque film, en effet, est accompagné d’un entretien de Manoel De Oliveira beaucoup trop court. Je renvois le lecteur intéressé par l’oeuvre de ce réalisateur au livre d’Antoine de Baecque et Jacques Parsi, Conversations avec Manoel de Oliveira, publié aux éditions des Cahiers du cinéma.


Stéphane Gauchon
( Mis en ligne le 28/11/2005 )
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