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Une oeuvre d'art totale
avec Grigori Kozintsev, Youri Yarvet, Elza Radzin, Valentina Chendrikova, Galina Voltchek
Bach Films - Les Chefs-d'oeuvre du cinéma russe 2006 /  14  € - 91.7 ffr.
Durée film 149 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : 1969, Russie

Version : 2 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : PAL, format cinéma respecté
Format image : Noir & Blanc
Format audio : Russe, Français mono
Sous-titres : Français

Bonus :
DVD 1
- Filmographie
- A propos de William Shakespeare
- L'univers du Roi Lear
- A propos de Chostakovitch
- Catalogue DVD

DVD 2
- Filmographie acteurs
- Entretien avec Richard Delmotte
- Citations de William Shakespeare
- Catalogue DVD

L'auteur du compte rendu : agrégé d’histoire, Nicolas Plagne est un ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure. Il a fait des études d’histoire et de philosophie. Après avoir été assistant à l’Institut national des langues et civilisations orientales, il enseigne dans un lycée de la région rouennaise et finit de rédiger une thèse consacrée à l’histoire des polémiques autour des origines de l’Etat russe.

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En 1605, Shakespeare donne au public anglais son King Lear, œuvre de la maturité (il meurt en 1616) qui devient un classique du théâtre européen pendant les Lumières, tandis que le modèle classique français décline. En Russie, Catherine II s’essaie à des tragédies historiques à la mode de Shakespeare. Puis les romantiques russes familiarisent le public cultivé avec l’œuvre du dramaturge élisabéthain, qui par les traductions, le théâtre et l’enseignement, entre dans la culture de la société russe et soviétique.

Le film de Grigori Kozintsev (1969) utilise la traduction de 1949 du grand poète Boris Pasternak, également auteur du roman Docteur Jivago, qui lui vaudra le prix Nobel de littérature. Grigori Kozintsev, qui avait déjà mis en scène Le Roi Lear au Théâtre Dramatique de Léningrad durant la Seconde Guerre Mondiale, s’attaque ici à ce qui sera son dernier chef-d’œuvre cinématographique. Ami d’un autre artiste résistant du siège de Léningrad, le compositeur Dimitri Chostakovitch, il obtient la collaboration de ce dernier à ce film qui se présente comme une œuvre d’art totale et une vraie réussite artistique.

On connaît l’histoire du roi qui aimait trop et mal ses filles. Sentant la fin de sa vie approcher, Lear décide de partager son royaume entre ses trois filles, qu’il prétend ainsi doter. Mais, cédant au démon de la vanité, il fait de la cérémonie une occasion de faire proclamer à ses filles leur amour illimité pour lui. Goneril et Régane, gâtées et ambitieuses, s’empressent de déclarer hautement et sans pudeur leur dévotion filiale, tandis que Cordélia, écoeurée par leurs flatteries, se refuse à cette surenchère hypocrite et se contente de formules modestes qui traduisent sa noble fierté. Echauffé par les compliments courtisans de ses deux mauvaises filles, Lear perd toute mesure et interprète les propos publics de Cordélia comme de l’ingratitude, d’autant plus qu’ils viennent de sa fille chérie et qu’il se sent humilié de la situation qu’il a lui-même provoquée. Aussi s’emporte-t-il et lors de l’attribution des parts, la déshérite-t-il et la chasse-t-il de ses terres, tandis qu’il favorise Goneril et Régane, à qui il laisse tous ses biens et ses pouvoirs. Mais la véritable nature des deux sœurs, avides et impies, se révèle au grand jour lorsqu’elles chassent le vieux roi de son château. Après s’être emporté contre son fou, qui le mettait en garde avec esprit, Lear découvre les conséquences de son aveuglement, la vraie folie de sa vanité et de son amour-propre et le sort de ses sujets. Dans le même temps, Edmond, bâtard du comte de Gloucester, intrigue contre son demi-frère Edgar, le fils légitime, pour le faire déshériter pour trahison par leur père et s’emparer de ses biens. Edgar échappe de peu à la mort et devient aussi un gueux errant, avant de retrouver la troupe des derniers fidèles de Lear et un pauvre homme aux yeux crevés, qui s’avère être son père, chassé de son comté par Edmond, allié aux filles de Lear. L’ancien royaume de Lear devient un terrain d’exploitation du peuple, de guerre et de violence.

Shakespeare reprend et mêle ici les thèmes antiques et éternels des tragédies grecques sur la cruauté du réel pour ceux qui refusent prudence, lucidité et mesure. Le thème de l’aveuglement, au sens propre et figuré, lié à ceux de la royauté et de la famille, de la responsabilité politique des passions des grands dans les malheurs des peuples, rappelle en particulier l’histoire d’Œdipe.

Quelques mots supplémentaires sur le caractère « total » de l’œuvre et ses auteurs associés. En cette année de célébration du centième anniversaire de Chostakovitch, la participation du compositeur mérite d’être notée. Chostakovitch avait commencé sa carrière comme pianiste accompagnateur des films muets dans les salles obscures et s’intéressait depuis toujours aux possibilités de la musique de cinéma ; ce n’est d’ailleurs pas sa seule participation à la représentation cinématographique de Shakespeare, puisqu’il produisit également la musique d’un Hamlet, de G. Kozintsev d’ailleurs. Pour le cinéaste, trop méconnu hors du monde russe et cinéphile, son Roi Lear est sa dernière œuvre et un couronnement. Ce n’était pas son premier Shakespeare au cinéma, puisqu’il avait tourné Hamlet en 1964. Ces œuvres ont alors attiré l’attention et suscité l’admiration des connaisseurs du théâtre shakespearien et on a pu entendre en Grande-Bretagne des spécialistes vanter la supériorité des films de Kozintsev sur les meilleures représentations britanniques (avec Laurence Olivier). Le film a d’ailleurs remporté plusieurs prix et récompenses à sa sortie : Grand prix et prix de l’interprétation masculine (Youri Yarvet pour son interprétation de Lear) au Festival de Téhéran en 1972, Hugo d’Argent au Festival de Chicago en 1972, Médaille d’Or de la Ville de Milan en 1973.

Le film russe de 1969 dure 80 minutes. En noir et blanc, il rappelle pour la beauté et le style des images certains films contemporains de Pasolini. S’il vaut la peine pour un russophone d’en écouter (en « mono » bien sûr) la traduction Pasternak, on n’a pas vu dans le menu la possibilité de le voir avec sous-titres, bien que la jaquette annonce « VOST ». A la limite, il peut valoir la peine de regarder et d’écouter le film après s’être rappelé le texte de la pièce et sa structure pour mieux suivre. Signalons également la présence de bonus intéressants – en français ! - sur chacun des deux disques du coffret.

Bach Films, héritier de la société de production et diffusion « Cosmos » rebaptisée « Arkeion », après la chute de l’URSS en 1991, met à la disposition du public une vaste collection de films russes et soviétiques qui étaient devenus introuvables, parfois inédits et souvent passionnants.


Nicolas Plagne
( Mis en ligne le 16/11/2006 )
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