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Films  ->  Horreur / Epouvante  
L'art et la manière...
avec Gerald Kargl, Erwin Leder, Silvia Rabenreither
Carlotta Films 2012 /  19.99  € - 130.93 ffr.
Durée film 82 mn.
Classification : - 12 ans

Sortie Cinéma, Pays : Autriche, 1983
Sortie DVD : 4 Juillet 2012

Version : 2 DVD-9, zone 2
Format vidéo : PAL, Format 1.77
Format image : Couleurs, 16/9 compatible 4/3
Format audio : Allemand, Français Dolby Digital 2.0
Sous-titres : Français


DVD 1 : Le film + Les suppléments

- Prologue (7 min.)
- Influences (25 min.) : Un témoignage personnel et passionné de Gaspar Noé sur Schizophrenia, film matrice de son œuvre.
- Bandes annonces

DVD 2 : Suppléments

- Entretien avec Gerald Kargl (27 min.) : Gerald Kargl raconte la genèse de Schizophrenia dans un entretien dirigé par le réalisateur Jörg Buttgereit.
- Entretien avec Zbig Rybczynski (29 min.) : Zbigniew Rybczyński évoque son travail avec Gerald Kargl et décrit les différentes inventions visuelles qu’il a expérimentées sur Schizophrenia.
- Entretien avec Erwin Leder et le Dr. Harald David (26 min.) : Erwin Leder et le Dr. Harald David (expert en psychiatrie médico-légale) discutent des manifestations de la violence dans la société contemporaine, de son expression dans les arts et en particulier dans Schizophrenia.

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Schizophrenia est le film fétiche de Gaspar Noé, ce qui n'est pas une bonne nouvelle si l’on a en mémoire Seul contre tous et surtout Irréversible, films caractérisés par leur complaisance en matière sexuelle et sanguinolente. Funny Games (1998) de Michael Haneke (autrichien comme Gerald Kargl) est l'autre film phare sur ce genre de sujet, avec Orange mécanique (1978) de Stanley Kubrick, si l'on excepte C'est arrivé près de chez vous de Remy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde, inutilement provocateur. Ce dernier fait croire qu'en renforçant la violence explicite des scènes, on en dégoutera le spectateur qui comprendrait alors ses aspects pervers. En réalité, on ne fait qu'exacerber son côté voyeur, à l'inverse de l'intelligence de Tu ne tueras point de Kieslowski ou De sang froid (1966) de Richard Brooks. L'idée maîtresse ici repose sur une fausse interprétation de la ''catharsis'', mot dont l'origine vient d'Aristote dans sa Poétique.

La catharsis, loin d'être un simple défoulement, est un aspect de la mimésis : l’effet que vise la représentation est d'abord une sous-catégorie du plaisir général que prend l'homme avec la reconnaissance, un plaisir avant tout cognitif. Ce plaisir est issu de la mimésis et ce versant de la représentation est appelé catharsis. Ces deux dynamiques sont réunies sous la dénomination de double catharsis : la catharsis désignerait le volet réceptif (au niveau des émotions ressenties par le spectateur) et la mimésis le volet diégétique (au niveau de la construction de l'histoire même). La réception n'est que l'aboutissement du procès mimétique qui prend place tout au long de la conception de l'œuvre. Ainsi, lorsque la réception intervient, la mimésis a déjà travaillé dans toutes les autres parties de la tragédie. Chez Aristote, on trouve l'affirmation que le plaisir artistique est un plaisir cognitif et non un défouloir.

Le film de Michael Haneke, que l'on qualifie de "lourdement moral", n'est justement pas là pour contenter le spectateur dans ses pulsions (d'où le hors champ). Il tient à traiter les sujets les plus complexes sans que le spectateur n'en éprouve une délectable satisfaction mais pour lui faire comprendre le mal sans l'occulter. Prendre la catharsis comme défoulement ne fait rien comprendre au spectateur qui va seulement se contenter de ses envies sanguinaires. Mais il ne comprend pas le processus à l'oeuvre en lui. Le but de l'art, et donc de la catharsis, est bien la compréhension du phénomène sans en occulter la problématique. Funny Games est, en ce sens, un vrai film cathartique.

Gerald Kargl n'a réalisé que deux films, un court-métrage, Sceny narciarskie z Franzem Klammerem (1980) et Schizophrenia (1983). Ce dernier est inspiré de l'histoire vraie de Werner Kniesek. Tout le film est structuré autour de la voix intérieure du criminel, assez banale, platement descriptive (et il n'est pas schizophrène, contrairement à ce que le titre français laisse entendre). Cette voix intérieure fait croire à une certaine rigueur alors que ce que décrit le criminel traduit simplement son fantasme et ses pulsions, tout ce qu'il se cache à lui-même et nous cache. Le scénario reste en outre banal, s'attardant longuement et inutilement sur chaque fait et geste du criminel.

Gros plans, caméra suivant le personnage (caméra harnachée à l’acteur principal, créant un effet de sur place, dispositif que l'on retrouve dans les clips et films tape-à-l'oeil), plans tarabiscotés pour créer des effets comme une caméra en hauteur en désaccord avec les raccords sur le personnage, musique envahissante et assourdissante par instants (de Klaus Schulze - Tangerine Dream), le film déçoit ce un point où, justement, Haneke savait rester en retrait pour nous faire comprendre. Gerald Kargl donne à son film un côté agité et hystérique qui nous exclue de toute compréhension au lieu d'être rigoureux et posé. Notamment par la scène où le criminel tue la jeune femme : sang qui gicle, sur le mur, sur le visage du tueur avant que ce dernier ne vomisse sur la victime. On comprend pourquoi dès lors Gaspar Noé aime ce film : un côté formel outrancier qui est une manière d’épater le spectateur au détriment du fond. Dans l’entretien qui est consacré à ce dernier, il n’a rien d’autre à dire d'ailleurs qu'à mettre en valeur la forme. A force de croire que l'on se rapproche de la réalité par force de réalisme ou de maniérisme, ou pour créer une «ambiance», on s'en éloigne...

On tente de nous faire comprendre que le film serait "choquant" (en réalité, il l'est peu), ce qui expliquerait que son auteur n'a pas pu poursuivre sa carrière. Comme film dérangeant, on a fait bien pire auparavant (notamment Salo de Pasolini ou les films de séries Z). D'autant que le réalisateur, dans l'entretien qui lui est consacré, était aussi le producteur. Le film a coûté 400 000 euros, essentiellement à cause du dispositif de la caméra (qui retarda le tournage). Le film est sorti en Autriche, a eu un certain succès et une bonne couverture médiatique mais il a surtout été interdit dans d'autres pays. Gerald Kargl regrette d'ailleurs d'avoir été trop influencé par le chef opérateur Zbigniew Rybczynski. Il le ferait différemment maintenant. Bel aveu venu avec la maturité…

Résumons : le film pâtit de son côté formel trop mis en avant au lieu d'être plus sobre (et donc moins cher) et de se centrer sur son sujet avec des scènes signifiantes, faisant écran à sa problématique. De fait, la mise en scène perd de son intensité à cause de côté formaliste un peu adolescent.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 14/09/2012 )
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