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Le Molière provencal
avec Marcel Pagnol,  Fernandel, Hélène Perdrière, Jacqueline Pagnol
Compagnie Méditerranéenne de Films 2007 /  27.40  € - 179.47 ffr.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : France, 1995, 1951, 1945
Sortie DVD : Septembre 2007

Version : 3 DVD 9, Zone 2 (vendus séparément, 27.40 € l'unité)
Format vidéo : PAL, format 1.33
Format image : N&B, Couleurs, 4/3
Format audio : Français
Sous-titres : Aucun


Bonus :
- Les biographies
- Les filmographies
- Les bibliographies
- Le test de restauration
- Le Cahier de manuscrits et le cahier critique
- La galerie de photos

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen(Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman(Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Le premier DVD ici proposé, Marcel Pagnol, un homme à la caméra, est un excellent documentaire pour découvrir le cinéaste. Il retrace la carrière de Marcel Pagnol qui est, avec l'autre Marcel, Marcel Aymé, l'un des plus grands romanciers populaires. Pas seulement comme on le sait. N'en déplaise à la Nouvelle vague, c’est aussi l'un des cinéastes les plus justes et l’un des plus concrets qui soient. Marcel Pagnol est né en 1895 à Aubagne (Provence). Au même moment, à quelques kilomètres de là, Auguste et Louis Lumière tournent L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat ! Bon présage. Fils d'instituteur, il parviendra avec d’autres à rendre, «avé l'assent», la poésie et la «verdeur ensoleillée» de la Provence.

Marcel Pagnol devient cinéaste après avoir assisté à Londres à la projection d'un des premiers films parlants, Broadway Melodies.Il contacte les studios Paramount Pictures pour faire adapter sa pièce Marius dont la réalisation va échoir à Alexander Korda. Suivra comme on sait, Fanny (d’abord au théâtre puis le film réalisé par Marc Allégret) et dont l'action se passe dans le légendaire Bar de la Marine sur le vieux port de Marseille. Fort de ces succès, Marcel Pagnol fonde sa propre société de production, un domaine de vingt quatre hectares de garrigues où il tourne désormais lui-même ses films.

D'une durée de 52 minutes, ce documentaire met aussi l'accent sur le côté simple et dépouillé des films de Marcel Pagnol. C'est l'occasion de revoir avec bonheur le cinéaste et de nombreux extraits de films. Au-delà des répliques qui nous font toujours rire, on est toujours frappé par la simplicité de la mise en scène. Celle-ci, réduite à l'extrême (on cadre les acteurs en pied, quelques gros plans), bénéficie évidemment de la force des acteurs et des actrices. Rien que de les voir s'exprimer, on jubile. En un rien de temps, nous sommes dans l'action, dans le paysage, avec ces personnages simples qui véhiculent les plus simples émotions. On pourrait réduire l'intrigue des scénarios à pas grand chose. Et pourtant tout est là. Et si l'on ajoute à cela la pertinence des répliques et la connaissance que Marcel Pagnol a des hommes, c'est le bonheur assuré. On rit autant que l'on est ému, et la drôlerie côtoie la justesse du trait.

Marcel Pagnol est une sorte de Molière provencal. Car derrière les apparences sympathiques et bonhommes de ces personnages, se cache une vision critique et sans concession de la nature humaine. Si l’on en doute un instant, jetons un œil par exemple sur Topaze. Ce fut d’abord une pièce de théâtre (première représentation au théâtre des Variétés) écrite en 1928 (juste avant Marius en 1929, avec bien sûr Raimu dans le rôle de César) avant de devenir… plusieurs films. Le premier est réalisé en 1932 par Louis Gasnier avec Louis Jouvet (Topaze) et Marcel Vallée (Monsieur Muche), et le second par Marcel Pagnol lui-même en 1936 avec Antoine Arnaudy (Topaze) et Délia-Col (Suzy Courtois). Il réédite la chose en 1950...

Quelle est l’histoire de Topaze ? Instituteur à la pension Muche (Marcel Vallée), Topaze (Fernandel), répétiteur de son métier, incapable de tricher sur les notes de riches cancres, est licencié. Réduit au chômage, il donne des leçons particulières au neveu de Suzy Courtois (Hélène Perdrière), une demi-mondaine. Celle-ci est la maîtresse de Régis Castel-Vernac (Jacques Morel) et tous les deux viennent de rater un beau coup avec un certain Roger Gaétan de Bersac (Jacques Castelot). Topaze va alors prendre conscience de la vanité de sa mission éducative et devenir une fripouille cynique.

La façon dont Marcel Pagnol montre comment Topaze passe du moralisme au cynisme affairiste est remarquable. Aucune déclaration fracassante mais par petites touches successives, l’air de rien et peu à peu, l’on se retrouve dans l’autre camp. C’est précisément parce qu’on professe de grandes leçons moralistes que l’on ne peut que les trahir avec un sincère engouement et d’autant mieux qu’elles nous servent de paravent et nous mettent à l'abri de nos propres malversations.

Citons ce dialogue remarquable : "Il faut trouver quelqu'un qui fasse honnêtement des affaires malhonnêtes !", dit Suzy alors qu'elle cherche un prête-nom. «Employons des mots innocents, ça nous fera la bouche fraîche !", lui répond son amant. D’une manière concise et élégante, Marcel Pagnol dévoile le processus qui fait que l’être humain peut escroquer son prochain sans s’en rendre compte tout à fait, c’est-à-dire en mettant quelques mots sur ses faits et gestes. C'est aussi simple que mystérieux. Topaze y parviendra lui aussi sans problème. Il ne nous échappe pas que Topaze, qui professait aux élèves ses grandes leçons de morale quand il était répétiteur, sera non seulement celui qui trahira ses convictions mais celui qui deviendra le plus cynique d’entre tous !

Cependant, soyons juste, Topaze, au début, résiste. Quand la riche et imposante Comtesse Pitart-Vergniolles (Milly Mathis) vient réclamer au directeur Muche et à Topaze qu’il doit y avoir une erreur dans le fait que son fils soit le dernier de la classe, Topaze ne cède en rien. Il reste intègre malgré les remontrances de Muche pour qu’il invente une erreur. Et logiquement, comme il n’y en a pas, Topaze ne peut en inventer. C’est pour cela d’ailleurs qu’il sera renvoyé. L’intégrité et l’honnêteté sont fort mal récompensées. Pagnol connaît son affaire et il en montre bien le mécanisme, notamment quand la jeune Ernestine (Jacqueline Pagnol) se moque de Topaze en lui laissant la correction des devoirs des élèves. Le tragique dans l'histoire est que tout le monde triche et ment, contaminant les autres. Faut-il pour autant être malhonnête ?...

Topaze va jusqu’au bout avec un magnifique entêtement. Jamais il ne dévie de son axe et il y a de quoi être étonné par l’actualité et la modernité de son propos, aussi lucide que dans Crimes et délitsde Woody Allen, par exemple. En définitive, le film comme la pièce de théâtre, pose une question existentielle cruciale concernant l’envie et la volonté de puissance chez l’être humain. Pour quel «bonheur» Topaze et les autres cèdent-t-il à cet appât du gain, en sachant au fond (une scène montre que Topaze n’a aucune illusion sur la réalité concrète de son pouvoir) que tout cela ne repose sur rien ? Du vent.

Le constat du film est sans pitié, d’une lucidité terrible tout en montrant l’indécrottable vanité de cette ambition triste, d’autant plus terrible qu’elle ne repose que sur une représentation falsifiée de la réalité. "Si la société était bien faite, je serais en prison", finit par dire Topaze vers la fin. Car le vertige d’une telle chose est que l’on peut aussi s’indigner moralement d’un tel cynisme tout en l'illustrant soi-même. Seule tranche alors la réalité des faits. Même l'ami, Tamise (Pierre Larquey), succombera...

Naïs, réalisé en 1945, est d'une tout autre veine, ressemblant fort à un autre film de Marcel Pagnol, Angèle (1934), adapté il est vrai d'un roman de Jean Giono. L'histoire de Naïs est tirée d’un écrit d’Emile Zola. Nous retrouvons le climat bucolique habituel des films de Pagnol. Naïs (Jacqueline Bouvier), jeune paysanne provençale, aime Frédéric (Raymond Pellegrin), fils débauché des patrons de son père. Elle devient sa "maîtresse des vacances". Toine le bossu (Fernandel) les surprend, mais, par amour pour Naïs, il devient leur complice. Micoulin (Henri Poupon), le père de la jeune fille, met tout en œuvre pour venger son honneur… et est prêt à tuer Frédéric.

Réalisé par Raymond Leboursier, le film conserve certes son charme provençal mais sans avoir celui de Pagnol même si celui-ci a, paraît-il, supervisé le tournage. Il manque sans doute un soupçon de nerf qui donne aux films de Pagnol l'entrain qui nous tient du début à la fin sans peine et avec une jubilation croissante. Heureusement, il y a ici Fernandel, toujours aussi exceptionnel mais aussi le génial Henri Poupon qui incarne un parfait Micoulin, plein de ressentiment, de bile et de mauvaise humeur. Aussi simple que les autres histoires de Marcel Pagnol, Naïs n'ajoute pas grand chose à sa gloire.

On attend avec impatience la suite des DVD de la collection Marcel Pagnol.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 12/10/2007 )
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