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Sexe et pouvoir
avec Kenji Mizoguchi, Isuzu Yamada, Yôko Umemura, Benkei Shiganoya
Carlotta Films 2008 /  19.99  € - 130.93 ffr.
Durée DVD 180 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : Japon, 1936
Sortie DVD : 19 mars 2008
Titre original : Gion no shimai

Version : DVD 9, Zone 2
Format vidéo : PAL, format 1.37
Format image : N&B, 4/3
Format audio : Japonais mono
Sous-titres : Français


Bonus :
- Les Soeurs Gion par Pascal Vincent (3min.)
- Un film apprentissage (15 min.)
- Geishas de Gion, l'art de paraître (52 min.)

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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L'éditeur Carlotta sort un nouveau DVD (avec un autre coffret) sur le cinéaste Kenji Mizoguchi, consacré cette fois-ci aux films des années trente. Les Soeurs de Gion, réalisé en 1936, est la seconde collaboration entre Kenji Mizoguchi et le scénariste Yoshikata Yoda après L’Élégie d’Osaka. Le film est aussi l’une des pièces maîtresses dans la filmographie du réalisateur de cette époque.

Nous sommes ici à Kyoto, quartier populaire de Gion. Deux sœurs, geishas l'une et l'autre, ont des conceptions opposées de leurs rapports avec les hommes. L'aînée, traditionnelle, est amoureuse de l'un de ses clients, Furusawa, qui a fait faillite. Abandonnant sa famille, il vit aux crochets de sa maîtresse. La cadette, Omocha, convaincue de n'être qu'un jouet entre les mains des hommes, entend leur rendre la pareille. Appliquant sa théorie, Omocha ment à Kimura, le jeune employé d'une maison de kimonos, en abusant de l'amour qu'il lui porte. Elle le méprise et devient la maîtresse de son patron. La situation de Furusawa se rétablit. Il retourne auprès de son épouse, donnant raison à la cadette. Pour se venger, Kimura précipite Omocha par la portière d'un taxi en marche. La jeune femme est hospitalisée…

Les Soeurs de Gion est un film de courte durée et l'une des oeuvres les plus sombres du cinéaste. Ici, il n'y a pas de place pour les sentiments de compassion ou d'amour car ce qui domine, ce sont simplement et brutalement les rapports d'argent, de sexe et de pouvoir. La rivalité entre les sexes, qui ne peut qu’aboutir à la vengeance, à la violence. Même s’il est fidèle à sa défense de la condition féminine, souvent avec une certaine facilité (mais il faut resituer ses films dans leur époque), Kenji Mizoguchi n'épargne pas non plus certaines femmes qui se prêtent au jeu des hommes, en ayant besoin d'eux et en exerçant une séduction fort ambiguë sur eux. Au point même de les imiter comme c'est le cas d'Omocha qui se joue de Kimura qui l'aimait d’un amour visiblement sincère. Celui-ci se vengera d'une façon terrible...

Kenji Mizoguchi ne laisse pas vraiment d'échappatoire à ce petit monde et il ne s’éternise pas sur les causes et les conséquences. Ce qui sauve, évidemment, une telle vision noire et réaliste du monde, c'est la sobriété de sa mise en scène, toujours aussi élégante, faite de plans fixes mettant à distance les personnages, de travellings délicats et remarquablement composés. Il évite ainsi tout pathos, faisant comprendre intuitivement que le style d'un vrai cinéaste ou d'un artiste n'est pas dans le recours abusif au sentimentalisme pour impressionner le spectateur (et diriger sa pensée).

Une exception cependant : la toute fin est justement plus banale et moraliste, cédant précisément à la facilité sentimentale, notamment quand Omocha, sur son lit, pleure de rage en disant «Que vienne un monde où l'on n'ait plus besoin de geishas !» et ajoutant même que le monde ne devrait pas être ainsi. De surcroît, contredisant son propre style, le cinéaste utilise la caméra en plan rapproché poitrine comme pour bien insister sur la misère d'Omocha, un plan qu'il s'interdit d'effectuer tout le reste du temps. On a donc du mal à saisir une telle faute de goût qui, sans remettre en cause la qualité du film, n'en demeure pas moins incompréhensible au sein d'une esthétique d’habitude sobre et distancée. Certes, l’important n’est pas dans ce détail mais dans la force et la beauté d’un film fait avec peu de moyens.

Le DVD de Les Soeurs de Gion est également remarquable par l'image restituée, d'autant que le film est fort ancien. Carlotta fait là un petit prodige. Même s'il y a quelques tremblements ponctuels de l'image, quelques zones de flou qu'il était visiblement difficile de rectifier, le film a été superbement restauré.

Dans les suppléments, on trouve notamment le documentaire Geishas de Gion, l'art de paraître qui permet de comprendre le monde et l'environnement des geishas, monde qui est à différencier de celui des prostituées. Les geishas sont plutôt des hôtesses, de raffinées dames de compagnie, réservées à des clientèles aisées. Bien qu'autrefois il était possible et presque systématique d'acheter leur virginité, elles n'étaient pas forcées d'avoir des relations sexuelles avec leurs clients, ni même avec l'homme qui avait payé beaucoup d'argent pour acheter leur virginité. Le mot «geisha» peut s’interpréter comme «personne d’arts» ou «femme qui excelle dans le métier de l'art». Les geishas étaient très nombreuses aux XVIIIe et XIXe siècles avec leur célèbre kimono de soie décolleté dans le dos, surnommé obebe dans le dialecte de Kyoto. Les couleurs du kimono se choisissent selon la saison, mais aussi selon l'âge de la femme : les plus jeunes portent des couleurs vives tandis que les geishas de plus de 30 ans choisissent des teintes plus discrètes.

Le documentaire aborde aussi les Geikos et les Maikos. En japonais, la Geiko est une femme qui maîtrise les arts traditionnels comme la danse, la pratique d'instruments comme le Shamisen, le Taiko, le shû, la cérémonie du thé. Elle se rend à des banquets pour des danses et représentations et converser avec les hôtes. Chaque Geiko est spécialisée dans un domaine : les danseuses, les joueuses de Shamisen, de Taiko, etc... La Maiko, elle, devient Geiko en général à l'âge de 20 ans. Mais ce passage se décide lorsque la communauté de Geiko et d'Okâsan trouvent que la jeune fille est parvenue à la maîtrise des arts.

Un DVD indispensable sur un monde étrange et fascinant.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 28/03/2008 )
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