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L’inquiétante étrangeté du réel
avec Roman Polanski
Opening 2008 /  34.99  € - 229.18 ffr.
Durée DVD 390 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : Pologne/Grande-Bretagne/France, 1962-1965
Sortie DVD : Mars 2008
Titre original : Noz Wodzie – Repulsion - Cul de sac

Version : 3 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : PAL
Format image : Couleurs et N&B, 4/3
Format audio : Anglais, Polonais, Français, Dolby Digital 2.0
Sous-titres : Français


DVD 1 : Le Couteau dans l'eau
Bonus
- Repulsion, un film d’horreur britannique : documentaire
- Commentaire audio de Catherine Deneuve et Roman Polanski
- Commentaire audio du professeur R.L. Gregory
- Galerie de dessins et photos du film

DVD 2 : Répulsion
Bonus
- “Deux gangsters et une île” : documentaire
- Galerie photos

DVD 3 : Cul de sac
Bonus
- “Un billet pour l’ouest” : documentaire

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Le malentendu sur Roman Polanski demeure depuis de longues années. Le cinéaste, dans des interviews, s'est souvent qualifié de cinéaste réaliste et comme il ne revendique pas une forme d’avant-gardisme, il est classé comme un académique, voire même un has been. Le "réalisme" du cinéma de Polanski n'est pas un simple naturalisme, une illustration du réel conforme à l'image formatée qu'on s'en est faite préalablement. Roman Polanski est avant tout soucieux d'offrir une carte du réel juste, plus complexe et plus insolite qu'on ne le croit, éclairant les évidences mésestimées et les détails négligés, indiquant par là que ce qui nous est le plus quotidien est aussi ce qui nous est le plus étranger.

En somme, plus le cinéma de Polanski est "réel", plus il est étrangement inquiétant ; plus il est palpable, plus il vise l'impalpable des choses et des êtres. Ce n'est pas Zola mais plutôt Kafka qu'il faut invoquer ici. A l'inverse du naturalisme, cet art du concret examine le réel dans sa diversité et sa complexité pour nous en redonner l'ambigüité fondatrice. Cet art concret ne va pas sans ironie et celle-ci est l'essence même du cinéma de Polanski, avec ce plaisir non dissimulé de contrarier les actions des personnages. Quand on examine attentivement leur statut, ceux-ci ne sont, en un mot, jamais héroïques, de simples êtres humains. La narration n'hésite pas à montrer leur bêtise et leur banalité et s'il leur arrive des choses hors du commun, ils sont aussi montrés dans leur fragilité, leur aspect désagréable et maladroit, manière de leur faire symboliquement des crocs en jambe pour ralentir leur précipitation, leur orgueil, leur avidité à poursuivre des chimères ou des idéaux factices.

Nous avons l’occasion de (re)découvrir trois films de Polanski fois dans une édition de meilleure qualité que les précédentes et agrémentée de quelques bonus. Le premier film, Le Couteau dans l'Eau (1962) est un huis clos entre un couple et un jeune étudiant. L'histoire se déroule sur un voilier. André, journaliste sportif, âgé d'une quarantaine d'années, emmène sa jeune femme Christine vers la région de Mazurie. En route, leur voiture s'arrête pour prendre un étudiant qui fait de l'auto-stop. N’ayant guère de projets précis, il accepte l'invitation que lui fait le couple d’aller sur leur yacht. Une rivalité s’instaure entre les deux hommes…

Si Roman Polanski montre une "bourgeoisie rouge", ce premier film n'est pas politique et nous fait comprendre intuitivement que si les deux hommes s’affrontent, ce n’est pas parce qu’ils sont différents mais parce qu’ils se ressemblent. Le constat du cinéaste est d’une grande lucidité car l’étudiant est une sorte de double d’André, ce qu’il sera dans quelques années, et s’il séduit sa femme, c’est pour humilier son rival parce qu’il est si fasciné par lui, sa prestance et son aisance d’homme mûr, le fait qu'il est arrivé au sommet. Dans une mise en scène soignée et maîtrisée, même s'il s'agit d'un premier film, Roman Polanski fait déjà preuve d’une étonnante acuité et d’une rigueur dans les plans, ne dissociant jamais la richesse du contenu de la forme. Le supplément, Un billet pour l'ouest, raconte l'histoire du film avec des entretiens de Roman Polanski et Andrezj Wadja ainsi que des acteurs du film, Leon Niemczyk et Zygmunt Malanowicz.

Répulsion (1965) est un film plutôt raté (même selon son auteur) et il n’a servi en fait qu’à réaliser par la suite Cul de sac. Manucure vivant à Londres, introvertie, Carole Ledoux, jeune fille d'origine belge, vit à Londres avec Hélène, sa soeur aînée. Elle se montre farouche avec son amoureux, Colin. Hélène introduit chez elle son amant, Michael, un homme marié. Carole supporte mal cette présence. Peu à peu, elle glisse vers la schizophrénie. Michael et Hélène partent en vacances. Après avoir blessé volontairement une cliente de l'institut de beauté, Carole s'enferme dans l'appartement. Bientôt les meurtres s’accumulent…

Si le film est moins maîtrisé, il reste que l’angle du cinéaste est remarquable : l’étrangeté ne vient pas de monstres extra-terrestres, de zombies ou autres délires mais de l’être humain même, de sa simple vie intérieure… Roman Polanski ne croit pas au diable mais au mal. L’horreur est propre à l’homme et non extérieure à lui, idée que l’on retrouvera dans La Neuvième porte, film injustement critiqué. Sur ce point, Répulsion est passionnant et offre une mise en scène de qualité, jouant astucieusement de la profondeur de champ et de plans séquences utilisant le grand angle pour nous immerger dans le cerveau de la jeune femme. Si les moyens manquent et si le film a été fait trop rapidement, il fourmille de détails concrets comme le lapin pourrissant dans le salon, des musiciens jouant dans la rue… Le film fut longtemps projeté pour son réalisme dans les universités de psychologie. Le reportage sur le film, «Répulsion, un film d'horreur britannique», et le commentaire audio de Roman Polanski lui-même, apportent des informations notables et, surtout, indiquent à quel point l'intelligence et la finesse du cinéaste sont grandes.

Enfin, avec Cul-de-Sac (1966), Roman Polanski signe son chef d’œuvre (toujours selon le point de vue même de l’auteur), juxtaposant une intrigue policière et une thématique existentielle : en somme, un polar tendance William Faulkner + du théâtre à la Samuel Beckett. Le film est une merveille d’étrangeté et d’absurdité, synthèse remarquable que Roman Polanski et son ami scénariste Gérard Brach réussiront à d’autres reprises. L’intrigue en elle-même a de quoi susciter l’intérêt : Richard, gangster en cavale après un coup manqué, et son compère, Albert, gravement blessé, tombent en panne sur la route. Richard part chercher du secours et tombe sur un couple étrange habitant un vieux château que la marée haute isole régulièrement du continent. Teresa est jeune, belle et ardente, et son mari, George, est chauve et myope, plutôt laid. La jeune femme s’amuse à travestir son époux, l'affublant de vêtements féminins et lui maquillant les yeux et les lèvres. Détail concret mais judicieux, typique de la finesse de Roman Polanski, Richard, le gangster, est blessé à la main droite ; or il est droitier, ce qui le rend de fait maladroit...

Remarquablement mis en scène (Roman Polanski est l'un des plus grands cadreurs qui soit, entre autres talents), le film culmine dans plusieurs éléments tout autant insolites que réalistes - notamment la route recouverte par la marée - ou plus comiques - comme l'arme qui gênait le dos d'Albert dans la voiture... En outre, Roman Polanski ne joue jamais d'une mise en scène tape à l'oeil ou pathos, mais développe son film avec une distance et une élégance remarquables. La fin tragique est poignante, poussant les individus dans leurs retranchements les plus ultimes et offrant le portrait d'une condition humaine sans grande espérance sinon une affolante solitude, ce que nous montrera Le Locataire du même auteur avec toujours ce même ton noir et comique.

Un chef d’œuvre et un coffret à posséder absolument pour qui veut saisir l’art de ce qu’on appelle encore une mise en scène au cinéma, et ce grand cinéaste qu'est Roman Polanski. Le documentaire «Deux gangsters et une île» retrace l'histoire de cet étrange film sur la dérisoire existence humaine, dans la lignée, répétons-le, de Beckett.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 06/06/2008 )
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