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Paradjanov restauré
avec Sergueï  Paradjanov
Editions Montparnasse 2013 /  29,99  € - 196.43 ffr.
Durée DVD 420 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : URSS, Géorgie, 1964-1988
Sortie DVD : Avril 2013

Version : 4 DVD-9, zone 2
Format vidéo : PAL, Format 1.33
Format image : Couleurs, 4/3
Format audio : Ukrainien, Géorgien 2.0 mono
Sous-titres : Français

Contient :
- Les Chevaux de feu
- Sayat Nova - La couleur de la grenade
- La Légende de la forteresse de Souram
- Achik Kérib



Bonus :
- Eros et Tahanatos (30 min.)
- Souvenirs de Sayat Nova (30 min.)
- Andreï et Sergueï (35 min.)
- Orpheus Descending (33 min.)
- Moi, Sergueï Paradjanov (25 min.)

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Voici enfin disponibles dans des versions originales restaurées, les quatre films majeurs du grand cinéaste arménien Sergueï Paradjanov. Et 2 heures 30 de compléments sur son cinéma. Il s'agit donc d'un coffret d'importance permettant d'accéder aux œuvres majeures du cinéaste et à des documents de première main. Réalisateur controversé en URSS, Sergueï Paradjanov fut le chef de fil d’un cinéma novateur, figuratif, à la recherche d’une esthétique singulière. Son univers symbolique, marqué par les mythes religieux de la région caucasienne, est fermement opposé au système soviétique antireligieux qui l'emprisonna plusieurs années au Goulag. Certains de ses films furent censurés, voire détruits.

Sergueï Paradjanov est un cinéaste un peu oublié face aux figures d’Eisenstein, de Poudovkine, de Vertov, proches du régime soviétique. A l’évidence, il est plus proche du cinéma spirituel de Tarkovski, loin du formalisme politique des précédents. Né à Tiflis en 1924 de parents arméniens et mort en 1990 à Yerevan, de son vrai nom Sarkis Paradjanian, il s'initie à la peinture et, en 1946, entre à l'Institut Cinématographique d'État, le V.G.I.K., à la section de mise en scène. Élève du réalisateur ukrainien Igor Savtchenko, il devient son assistant. Il achève ses études sous la direction de Mikhail Romm en 1952 et obtient son diplôme de réalisateur. Dès 1954, il entre aux studios Dovjenko, à Kiev, et réalise plusieurs courts métrages et trois longs métrages en langue ukrainienne. Avec Les Chevaux de feu (1964), Paradjanov remporte de nombreuses récompenses internationales et... des difficultés avec les autorités.

Les Chevaux de feu est le chef-d’œuvre qui révéla le cinéaste à l’Occident, un film stupéfiant encore aujourd’hui par sa modernité, à contre-courant du cinéma soviétique officiel de l’époque, et en rupture totale avec les codes du cinéma du réalisme-socialiste. Réalisé en 1964, le film se déroule au début du XXe siècle, dans les Carpates. Deux familles de Goutzouls, les Palitchouk et les Gouténiouk, se détestent depuis des générations. Mais Ivanko Palitchouk et Maritchka Gouténiouk, qui ont grandi ensemble depuis l'enfance, sont inséparables et projettent de se marier en dépit de cet antagonisme. La veille de leur noce, Ivan doit partir travailler comme valet dans les alpages. Maritchka, qui ne veut pas l'attendre tout l'hiver, cherche à le rejoindre dans la montagne. Voulant sauver un agneau noir égaré, elle se tue en tombant dans une rivière…

Même si le scénario est de Sergueï Paradjanov et d'Ivan Tehentel, d'après la nouvelle de Mikhlail Kotzubinsky (Les Ombres des ancêtres oubliés), on a l'impression d'entrevoir le canevas du Roméo et Juliette de Shakespeare. La force d'une œuvre n'est pas d'en rester au simple contexte sentimentaliste mais de transcender à la fois les racines et les forces vitales qui animent une histoire. Et Serguei Paradjanov brosse un portrait flamboyant composé de joies, de douleurs, et, de fait, il s'intéresse peu à l'intrigue et à la dramaturgie en soi. Pour lui, un film doit être comme un objet artisanal, aux facettes multiples reflétant chaque aspect de la dimension humaine d'un peuple, que ce soit le folklore, les coutumes, les rites quotidiens, les fêtes, la magie, etc. Sur ce point, on peut dire qu'il nous replonge, avec son esthétique si particulière, dans les sources vitales et spirituelles, telluriques et célestes, de l'existence, qui font que l'homme est à la fois issu de ce monde et ne cesse d'en être distinct.

Aidé de son directeur de la photographie Juri Ilienko, Sergueï Paradjanov se sert de sa caméra comme d’un violon dont il essaye de tirer les nuances les plus fines et les intensités les plus émouvantes. Sur ce point, sa mise en scène est échevelée, vive, alerte, sanguine, la caméra parcourant lieux, paysages et comédiens comme saisie d’une douce ivresse amoureuse. L'intensité et l'urgence avec laquelle Paradjanov filme cette histoire ont quelque chose de bouleversant tellement il ne retranche rien sans toutefois ne rien légitimer non plus. L'amour, la mort, la maladie, le tragique, l'injustice, la cruauté, la beauté, la violence, etc., traversent chaque plan. Il montre à la fois la douceur et la brutalité de l'existence, l'impossibilité de tout réduire en l'un ou l'autre.

Sayat Nova (1968) est un véritable choc esthétique, rencontre miraculeuse d’une œuvre plastique, cinématographique et poétique. Le film est retiré de l'affiche en raison de son anticonformisme esthétique. Ceux qui découvriront Sayat Nova seront déconcertés. Le film est le récit à la fois historique, poétique et baroque, de la vie du poète arménien du XVIIIe siècle, Sayat Nova. Le film raconte dans une forme non-narrative les étapes de la vie du poète arménien en une suite de tableaux composés avec une piété minutieuse. "Je suis celui dont la vie et l'âme sont tourment", dit une voix off au tout début du film. Natures mortes, icônes, collages, fresques, enluminures, objets, symboles défilent dans Sayat Nova avec une charge quasi mystique. Matières diverses, couleurs (laines, dentelles, textiles, fleurs, chairs dont une poitrine de femme recouverte d'un coquillage, etc.) se succèdent dans une foisonnante et flamboyante symphonie visuelle.

Le film est inracontable. Par des plans immobiles et frontaux, il crée une harmonie /dysharmonie entre tous les éléments. Jus de grenade, grappes de raisin écrasées du pied, poulet sans tête, drap taché, cierge éteint, Sayat Nova oscille entre le tellurique et le céleste, le bleu, l'ocre et le rouge à la fois. S'ajoute à ce tableau la musique qui parsème tout le film d'une lancinante rythmique. Cette procession de tableaux n'est pas simple à envisager et à saisir. Il est demandé au spectateur une attention de tous les instants, et aussi une patience pour se laisse investir par de tels plans colorés et baroques. Il y a des films qui ne se donnent pas dès la première fois. Il faut se hisser jusqu'à eux pour en capter toutes les saveurs.

On comprend que le cinéaste ait à ce point dérangé les autorités soviétiques car son film souligne les traditions de la culture arménienne, mêlant le sacré, le profane, le tragique, le sacrificiel afin d’en restituer toutes les bizarreries, toutes les coutumes (certains diront les «archaïsmes») qui font qu’une civilisation est une civilisation réelle. Pas de culte du héros ici. A le voir, c'est même précisément une telle idéologie (et toute idéologie) que le film torpille élégamment et somptueusement car il est bien sûr impossible à travers ce chant épique et coloré de construire n’importe quel «homme nouveau» ; Sayat Nova embrasse les forces vives, spirituelles et contradictoires, faites de chair et de sang, de l’existence humaine.

La Légende de la forteresse de Souram (1986) a été inspiré d’une légende géorgienne. Le film est remarquable pour ses fresques épiques et son goût pour la tradition du conte oral. Dans des temps reculés, les Géorgiens décidèrent de construire une forteresse pour leur pays, contre les invasions. Mais celle-ci s’effondre dès que l’on parvient au niveau du toit. Pour achever la forteresse, un beau garçon doit accepter d’y être emmuré vivant... Sergueï Paradjanov poursuit son esthétique en se désintéressant de l’histoire proprement dite pour se concentrer sur tous les aspects poétiques, folkloriques et baroques de son sujet. Il compose des tableaux somptueux hauts en couleurs, traçant un chant épique avec les costumes, les rites, les sacrifices, les personnalités de la contrée où il nous emmène. Il n’y a qu’à se laisser emporter par ce poème cinématographique hors du commun.

Achik Kérib, conte d’un poète amoureux (1988) est le dernier film achevé de Paradjanov, dédié à la mémoire de son ami Andreï Tarkovski, lui aussi longtemps persécuté par le régime communiste. L’histoire, en forme de conte, est celle d’un amour absolu entre Achik Kerib, jeune poète pauvre, qui chante la geste des preux avec son luth, et Magoul-Méguérie, la fille d’un riche marchand. Le père refuse le mariage déshonorant de sa fille avec ce vagabond. Achik Kerib doit faire fortune en mille jours et mille nuits pour obtenir le consentement paternel. Décors somptueux, danse, musique, vêtements traditionnels, Sergueï Paradjanov nous emmène dans un pays peu connu et retrace tous ses rites et ses chants comme un témoignage vivant de ce que pouvait être sa culture, loin de toute contamination, c’est-à-dire avec les arborescences et les étrangetés qu’elle a développés tout au long de son histoire. Et comme laissées intactes devant la caméra de Paradjanov.

Les compléments sont riches, explorant l'univers du cinéaste, avec plusieurs documentaires sur ses films, comme Souvenirs de Sayat Nova analysant l'œuvre et la filmographie du cinéaste, ou encore Andreï et Sergueï ou Orpheus descending, sur les carrières et les univers respectifs d'Andreï Tarkovski et Sergueï Paradjanov. Et enfin, un documentaire sur les propos du cinéaste : Moi, Sergueï Paradjanov.

Bref, un coffret d'exception.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 24/05/2013 )
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