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Cinéma libre
avec Stefan Uher, Alzbeta Strkulova, Jozef Cierny, Ivan Rajniak
Malavida 2013 /  18  € - 117.9 ffr.
Durée film 87 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : Slovaquie, 1967
Sortie DVD : Juin 2013
Titre original : Tri dcéry

Version : 1 DVD-9, Zone 2
Format vidéo : PAL, Format 1.37
Format image : N&B
Format audio : V.O. mono
Sous-titres : Français

Bonus :
- Livret (16 p.)


Voir aussi (du même réalisateur, récemment réédités) :

- L'Orgue (18 €)
- La Vierge miraculeuse (18 €)
- Si j'avais un fusil (18 €)

Malavida propose les quatre films pour 59 €

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Avec ces quatre DVD du cinéaste slovaque Stefan Uher se termine (hélas !) la belle rétrospective que Malavida a inaugurée : 26 films tchèques et 13 films slovaques. 39 titres pour enrichir notre connaissance de la cinématographie d'Europe Centrale, ce dont nous avions bien besoin. On regrette que certains cinéastes comme Antonin Kachlik, réalisateur méprisé car toujours communiste et en vie, ne soient pas au catalogue. Il réalisa une superbe adaptation d'une des nouvelles de Milan Kundera, Moi Dieu pitoyable (1969) que le romancier tchèque avait retirée de son recueil Risibles amours. Le film mériterait amplement de sortir de l'oubli.

Malavida avait déjà édité Le Soleil dans le filet (1962) de Stefan Uher, cinéaste diplômé de la FAMU (célèbre université de cinéma de Prague) et qui a commencé sa carrière dans le documentaire. Il a été l'un des premiers cinéastes de la nouvelle vague tchécoslovaque à avoir utilisé les moyens de ce qu’on appelle à tort le "cinéma-vérité", n'hésitant pas à mélanger éléments réels et fictionnels. Sans être un cinéaste majeur, c’est un auteur qui ne manque pas de finesse et de sensibilité, composant ses cadres avec subtilité.

L'Orgue (Organ, 1964), écrit en collaboration avec le romancier Alfonz Bednár, se situe pendant la Seconde Guerre mondiale. Un jeune déserteur polonais se réfugie dans un monastère franciscain et, heureusement pour lui, il est un organiciste prodigieux. Tout se complique entre les autorités locales fascistes et l’abbé qui tient à sauvegarder et à propager le talent de l’organiciste. Stefan Uher met en place non une représentation héroïque du monde mais un peuple tourmenté dans cet univers si «matérialiste», où la spiritualité n’a plus sa place. La place de l’art, ici un simple orgue, devient presque une offense dans ce monde étouffant, surtout mêlé ici à la religion qui n’était pas en odeur de sainteté si l'on ose dire. La beauté d’un univers spirituel qui disparaît, qui s’efface, qui fait entendre peut-être ses dernières notes, celles de Jean-Sébastien Bach, face à la propagande et aux conflits idéologiques. D’une indéniable splendeur plastique, dans un magnifique noir et blanc, Stefan Uher compose un film simple et concret, qui a dû être considéré comme «réactionnaire» face au «progressisme idéologique» célébré à l’époque (et de nos jours encore...).

La Vierge miraculeuse (Panna zázracnica, 1966) est un film fort étrange, un film qui déconcerte. Pendant la Seconde Guerre mondiale, à Bratislava, un poète du nom de Tristan, jeune homme rebelle et fantasque, croise une femme troublante et forcément mystérieuse, Annabella. Celle-ci est invitée dans un groupe d’étudiants surréalistes où chacun tente de séduire la belle femme au point de perdre la raison. Raccords poétiques, associations imaginaires, plans étranges et insolites, le film, difficilement racontable, est l’adaptation du roman surréaliste de Dominik Tatarka (1913-1989). Si en France, le surréalisme ne fait plus trop guère parler de lui à l'époque, il survit dans l’ancienne Tchécoslovaquie avec des noms comme Jan Svankmajer, Pavel Reznicek (dont le roman Le Plafond fut préfacé par Milan Kundera) ou Dominik Tatarka, débarrassé néanmoins des aspects lyriques et idéologiques français (lire à cet égard le livre de Petr Kral, Le Surréalisme en Tchécoslovaquie - Gallimard).

On songe ici immédiatement à Luis Buñuel. Même si Stefan Uher ne peut rivaliser avec le maître espagnol, il tente de pousser la confusion entre réel et imaginaire jusqu’à son comble. Indéniablement, le cinéaste possède une rigueur plastique qui sied à ce film labyrinthique et parfois obscur. Empruntant la comédienne Jolanta Umecka au Couteau dans l’eau de Roman Polanski, La Vierge miraculeuse est une tentative réussie de transcrire l’univers du surréalisme au cinéma, ce qui n’est pas une mince gageure. Film troublant et intriguant, énigmatique pour tout dire et non dénué d’humour, il requiert peut-être un second visionnage. Une rareté cinématographique qui mérite une nouvelle découverte d’autant que le cinéaste possède un solide sens des cadrages et des raccords pour tenir la curiosité en éveil.

Trois filles (Tri dcéry, 1967), comme Le Soleil dans le filet (1962), aborde le monde paysan. Stefan Uher change de registre tout en restant simple. Il nous conte au début l’histoire d’un vieil homme qui, ruiné par la collectivisation, part à la recherche de ses trois filles à qui il a ordonné de trouver refuge dans des couvents afin qu’elles ne touchent pas l’héritage. Il est expulsé de son village par les autorités et exilé dans un village… qui n’existe pas ! Sœur Clemencia, la plus jeune et la plus belle des sœurs, fait partie de nonnes qui participent aux efforts de la nouvelle collectivité. Mais là encore, les autorités songent à bannir cette communauté, n’appréciant pas leur mode de vie, ou à les persuader de se civiliser, ce qui renforcerait leurs pouvoirs. Clemencia est chargée de les faire changer d’avis.

Retiré des salles de cinéma en 1968 suite à l’invasion de la Tchécoslovaquie par les russes, le film est longtemps demeuré invisible. Il nous plonge dans des destins en conflit, avec des personnages perdus et ambigus que le cinéaste sait retranscrire avec subtilité et une caméra attentive à toutes les négociations et turpitudes. Stefan Uher, dans un beau noir et blanc, se fait pudique dans la transcription de ces enjeux et tiraillements idéologiques, rarement envisagée au cinéma.

Si j'avais un fusil (Keby som mal pusku, 1971) adopte un ton mi-sérieux, mi-burlesque à travers le parcours d'un adolescent de 13 ans, Vlado, qui vit misérablement avec sa famille pendant la Seconde Guerre mondiale encore. Malgré une rude existence, il s’amuse avec ses camarades, tout aussi garnements que lui. Découverte de la sexualité, rêves, blagues émaillent le quotidien du jeune garçon, comme dans cette scène drolatique où les joyeux lurons envoient une bassine enflammée dans une rivière. Par la force du courant, celle-ci vient se placer sous une petite cabane en bois faisant office de W.C et où se trouve alors une jeune femme…

Le film joue avec une certaine grâce de ce monde de l’enfance face à un univers en guerre, sans tomber dans la mièvrerie, ce qui n’est pas si simple et si courant. On se souvient par exemple de ce magnifique film qu’est Vive la République ! de Karel Kachyna. Stefan Uher retrace ce monde en confrontant imaginaire adolescent et réalité impitoyable de la mort, des combats, avec une belle virtuosité plastique et sans ostentation.

Stefan Uher réalisera encore une bonne dizaine de films jusqu’en 1989 avant de mourir en 1993. D’autres œuvres hélas invisibles, comme tant d’autres films tchèques et slovaques, que l’on aimerait découvrir tant ces deux petits pays recèlent des bijoux d'une époque où le cinéma était plus "libre" que dans nos démocraties libérales présentes. Un paradoxe étrange car ce cinéma se faisait au nez et à la barbe des autorités.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 28/06/2013 )
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