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Le premier blockbuster
avec David Wark Griffith, Lilian Gish, Mae Marsh, Fred Turner
Films sans frontières - Auteurs 2006 /  14.99  € - 98.18 ffr.
Durée film 165 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : 1916, Etats-Unis
Titre original : Intolerance

Version : DVD 9 / Zone 2
Format vidéo : PAL
Format image : Noir et blanc, version teintée, 4/3
Format audio : muet-musique en stéréo
Intertitres : anglais et français

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Dans ce film mythique, tourné il y a quatre-vingt-dix ans, David Wark Griffith a choisi d’illustrer l’intolérance, thème universel et intemporel, en quatre tableaux intercalés, qui montrent en des temps et des lieux divers, par le biais d’histoires édifiantes, l’incapacité des hommes à accepter la différence. Entre chaque chapitre, une femme balance un berceau, celui de l’humanité, sous un faisceau de lumière. Derrière elle, trois silhouettes dans l’ombre, vraisemblablement celles des Parques, tissent le destin des hommes.

La première des quatre histoires à paraître à l’écran raconte une injustice sociale dans la toute jeune, mais néanmoins déjà industrieuse Californie. Nous sommes en 1914, période du tournage lui-même. Des puritaines, «The vestal virgins of Uplift» (les vestales de l’Elévation), cherchent à financer leur projet de réforme morale : la société, selon elles, doit être mieux encadrée et moins permissive. Pour ce faire, elles s’adressent à Madame Jenkins, femme célibataire d’un âge incertain, sans grâce, et surtout, sœur d’un richissime industriel. Les puritaines la convainquent sans mal que restreindre les divertissements «vulgaires» de la classe «laborieuse» (donc forcément dangereuse…) est un devoir. De son côté, elle obtient de son frère le financement de cette «réforme». Seulement, en contrepartie du chèque qu’il établit, Monsieur Jenkins retient dix pour cent sur le salaire de ses ouvriers, considérant que c’est à eux de payer tout ce qui sera mis en œuvre pour leur propre «réhabilitation morale». S’ensuit une grève violemment réprimée. Emportés dans cette tourmente sociale, deux personnages attachants parce qu’amoureux et injustement réfrénés : «the little Dear On » (Mae Marsh) et «the Boy» (Fred Turner). Le garçon, qui est emprisonné pour un crime qu’il n’a pas commis, laisse la petite Chérie dépourvue de ressources alors même qu’elle devient mère. Heureusement, le garçon sera gracié à la toute fin de l’histoire.

Le deuxième tableau, qui s’intercale, comme le troisième et le quatrième, en séquences avec le premier, est celui de «l’ancien peuple», près de la Porte de Jaffa (Near the Jaffa Gate), dont la reconstitution monumentale est saisissante. Jérusalem est alors sous la coupe des Pharisiens qui imposent au peuple d’innombrables rituels pour asseoir leur pouvoir théocratique. Deux religieux – dont l’un d’eux, pour la petite histoire, est Erich von Stroheim, qui était assistant sur le tournage – avancent dans une rue. Sur leur passage, les hommes s’abaissent en signe de respect. Et lorsque ces religieux prient, toute activité alentour doit être interrompue sur le champ : le cordonnier laisse son ouvrage, le manutentionnaire garde sa charge à bout de bras… C’est l’hypocrisie de ces Pharisiens fanatiques que le Christ va dénoncer lors des noces de Cana. Le message du Christ, «the greatest enemy of Intolerance», est au centre de ce tableau : la pureté et la foi résident à l’intérieur même de l’homme, et non dans une succession de rituels contraignants.

Ensuite, David W. Griffith nous conduit en France, sous la férule implacable de Catherine de Médicis (Josephine Crowell) et de son fils, le roi Charles IX (Frank Bennett), à l’époque où se tissent les complots qui vont provoquer la Saint-Barthélémy. Sur cette toile de fond où s’affrontent catholiques et huguenots, deux histoires prennent place : celle du mariage de Marguerite de Valois (Constance Talmadge dans un de ses deux rôles), sœur du roi, avec Henry de Navarre (W.E. Lawrence) et celle de la jeune huguenote «Brown Eyes» (yeux bruns, jouée par Margery Wilson) et de son amoureux Prosper Latour (Eugene Pallette), qui périront le jour de la Saint-Barthélémy.

Le quatrième et dernier tableau d’Intolérance s’ouvre sur la majestueuse Babylone, en 559 av. J.C. Le règne de Belshazzar (Alfred Paget), est menacé par le prêtre de Bel (Tully Marshall) qui use de son influence religieuse pour intriguer contre son roi. Et pour provoquer sa chute, il s’allie aux Perses qui attaquent la cité. Parallèlement, on suit la destinée d’une jeune fille du peuple, «la fille de la montagne» (Constance Talmadge), qui, indocile avec les puissants, est envoyée au «marché aux mariages». Le roi, qui justement traverse le marché au même moment, est touché par le récit de la jeune femme et lui rend sa liberté. Elle s’éprend du monarque qui, de son côté, n’a d’yeux que pour sa bien aimée (Seena Owen). «La fille de la montagne» se joindra aux soldats qui défendent Babylone contre les Perses, mais sera tuée quand la ville tombe aux mains de Cyrus. Un dernier mot sur ce tableau qui exploite les charmes de Lilian Gish dans un plan d’une extraordinaire pureté, nettement inspiré du symbolisme pictural, où l’actrice, vêtue d’un voile transparent, exhale une rare sensualité.

Ces quatre histoires, indépendantes les unes des autres mais malgré tout semblables, sont différenciées dès la pellicule d’origine par des teintes légèrement différentes (dans l’ordre d’apparition : ambrée, bleutée, sépia et gris-vert). Ce détail technique n’est qu’un des tout petits rouages visibles de ce que fut cet incroyable tournage, dans un décor bien connu (Babylone) de 45 mètres de hauteur, au sein duquel s’assemblèrent 5 000 figurants. Avant montage, Griffith possédait 76 heures de pellicule impressionnée, pour un budget de 400 000 dollars (somme énorme à l’époque). Le monde du cinéma restera à jamais marqué par ce premier exemple de la «démesure holywoodienne», qui a certainement participé à l’attraction des studios américains. En 1987, les frères Taviani relatent avec justesse dans Good morning Babylonia ce que fut la vaste entreprise d’Intolérance et l’influence que son tournage eut sur le monde cinématographique.

Avec ce film, David W. Griffith, montre au monde entier (particulièrement aux Russes et aux Allemands) la supériorité de moyens que l’Amérique accorde au septième art. Mais il veut aussi montrer, à ceux de ses concitoyens qui l’avaient accusé de racisme lors de la sortie de Naissance d’une nation (1915), qu’il est prêt à mettre ces moyens-là dans le combat de l’intolérance, quelle qu’elle soit (de race, de religion, de sexe, de classe sociale). Mais ce film – dont le sous-tire Love's Struggle Throughout the Ages (La bataille de l'Amour à travers les âges) rappelle qu’il est dédié à la paix – sort en 1916 : c’est l’année de Verdun, c’est bien peu de temps avant que les Etats-Unis n’entrent dans la guerre, dans laquelle ils mettront la même puissance logistique que sur le tournage d’Intolerance… Bref, Intolérance, le film pacifiste de Griffith, qui sort en plein conflit mondial, ne connaît pas le succès escompté.

Il reste pourtant l’un des «incontournables» de l’histoire du cinéma. Et il a influencé nombre de réalisateurs, de S. M. Eisenstein (dans La Grève et le Cuirassé Potemkine) aux frères Cohen (Barton Fink et Le Grand saut, où l’on retrouve une copie du bureau de Monsieur Jenkins). Il faut reconnaître que Griffith est le premier à utiliser avec tant de brio le gros plan avec «zoom avant» et le travelling, qu’il excelle au montage, et que ses reconstitutions historiques sont à l’époque inégalées. Et il faut avoir vu Intolérance pour comprendre le cinéma américain d’hier à aujourd’hui : la construction des plans, l’entrée en scène des acteurs, le montage, tout est déjà teinté de cette culture cinématographique qui a conquis le monde…

Cependant, lorsqu’on compare un Griffith à un Murnau, force est de constater qu’il s’en tient à l’art du récit (en l’occurrence édifiant) plutôt qu’à celui de l’image. Qu’il raconte plus qu’il ne montre. Avec talent certes, mais sans la magie lumineuse qui est vraiment celle de cet art nouveau qu’est le cinéma, et que déploieront quelques années plus tard les studios berlinois de la UFA.


Rachel Lauthelier-Mourier
( Mis en ligne le 14/06/2006 )
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