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Films  ->  Grands classiques  
Compagnon de Nosferatu et Mephisto
avec Friedrich Wihelm Murnau, Emil Jannings, Werner Krauss, Lil Dagover, Rosa Valetti, Lucie Höflich
MK2 2006 /  22.99  € - 150.58 ffr.
Durée film 63 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : 1925, Allemagne
Titre original : Tartüff

Version : DVD 9 / Zone 2
Format vidéo : Pal, 1.33
Format image : Noir et blanc, 4/3
Format audio : muet-musique en stéréo
Intertitres : Français

Bonus:
- Documentaire : "Tartuffe, le film perdu" de Luciano Berriatua (43')
- Bio-filmographies

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Le film est encadré de deux intertitres qui enfont une oeuvre morale et didactique. Le premier, introductif, très long, donne le ton : «Nombreux sont les hypocrites sur terre ! / Nombreux sont les masques, sous lesquels ils viennent à notre rencontre ! / Ils sont souvent assis à nos côtés et nous l’ignorons…». Le second, conclusif, rappelle cyniquement le spectateur à la réalité, celle du temps de la projection : «Et toi, vois donc qui est assis à côté de toi…». Entre ces deux intertitres, le film offre l’illustration de l’hypocrisie, tant à l’époque contemporaine, que dans un temps plus ancien, celui de Molière.

Tout commence dans un appartement cossu où vit un vieux et riche bourgeois en compagnie de sa gouvernante. Celle-ci, en quête d’héritage, se présente toujours à lui en femme pleine de bonnes intentions, mais en vérité elle le déteste, au point de l’empoisonner lentement. La gouvernante vient enfin de le convaincre d’écrire au notaire pour l’avertir qu’il déshérite son petit-fils, qui mène «une existence immorale et dissolue – on dit qu’il est devenu acteur», à son profit, quand justement, ce petit-fils entre dans l’appartement et aperçoit le double jeu de l’hypocrite.

Il revient peu après, déguisé en amuseur de rue, pour projeter, dans son cinéma ambulant, un Tartuffe, étonnamment interprété par Emil Jannings. A la fin de la séance, le petit-fils dévoile son identité et dénonce le comportement de Tartuffe, éveillant ainsi chez le vieil homme une prise de conscience. Ses affirmations s’appuient sur une preuve intangible : le flacon de poison découvert dans le sac de la gouvernante. Celle-ci est chassée de la maison et s’enfuit sous les quolibets des enfants qui attendaient l’amuseur sous le porche de l’immeuble : l’innocence a raison de tous les vices.

Ces scènes de la vie, qui encadrent le film dans le film, constituent prologue et épilogue, répétant et confirmant en images les intertitres de début et de fin, et permettent, grâce à cet emboîtement, de montrer que l’hypocrisie n’a ni époque ni frontières : «le mal est partout et toujours le même, quels que soient le temps et le lieu», dit un intertitre. On ne peut s’empêcher, toutes comparaisons égales par ailleurs, de penser au monumental Griffith : Intolerance, Love's Struggle Throughout the Ages (1916), qui condamne l’intolérance et l’hypocrisie, vices universels et intemporels. Tartuffe est le mal absolu : veule et démoniaque, il ne veut qu’assouvir ses propres désirs et pulsions dans un monde qu’il soumet sans vergogne. Il ressemble en fait comme un Frère à Nosferatu et Méphisto, qui ont tant marqué l’oeuvre de Murnau et le jeu de Jannings.

Justement, en 1923, Murnau est en train de travailler à son grand projet faustien lorsque les studios berlinois de la UFA lui font la commande d’un Tartuffe cinématographique, qui prolongerait le succès de la pièce qui était alors jouée à Munich. Le scénario est confié à Carl Mayer et Murnau, qui est sous contrat de l’UFA, n’a pas d’autre choix que d’en accepter la réalisation. Si d’aucuns pensent que ce Tartuffe n’est pas un grand Murnau, c’est sans doute dans cette commande imposée qu’il faut en trouver la raison. Certes, il n’a pas les qualités esthétiques du Nosferatu ou du Faust, ni les audaces techniques du Dernier des hommes, mais c’est tout de même un chef d’oeuvre : de par le montage et l’emboîtement insolite des époques ; de par le jeu d’acteurs (Jannings est prodigieux, comme Rosa Valetti, dont on ne parle pas assez souvent) ; de par le décor des éternels compagnons de Murnau (Robert Herlth et Walter Röhrig) qui ont pris le parti de l’abstraction figurative, où le rideau, comme symbole du double jeu de l’hypocrite, occupe une place prépondérante.

Enfin, si Murnau aime défendre, au sein même de ses films, le théâtre et le cinéma comme outils didactiques, c’est sans doute avec ce Tartuffe que l’hommage qu’il fait à son art est le plus évident : le petit-fils acteur et artiste, joué par André Mattoni, qui est d’une exceptionnelle beauté, personnifie à lui seul le septième art. D’autant que son combat avec la gouvernante (Rosa Valetti), extraordinaire double moral et physique de Tartuffe (Emil Jannings), provoque au final une catharsis cinématographique qui élève indéniablement le spectateur.


Rachel Lauthelier-Mourier
( Mis en ligne le 19/10/2006 )
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