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A mort ! A mort !
avec Fritz Lang, Spencer Tracy, Sylvia Sidney, Walter Abel, Bruce Cabot
Warner Bros - Légendes du cinéma 2007 / 14.99 € - 98.18 ffr.
Durée film 88 mn.
Classification : Tous publics |
Sortie Cinéma, Pays : 1936, Etats-Unis
Titre original : Fury
Version : 1DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.33 (noir & blanc)
Format audio : Anglais, Italien (Dolby Digital 2.0 mono)
Sous-titres : Français, Anglais, Italien, Néerlandais, Bulgare, Arabe, Roumain
Bonus :
- Commentaire audio de Peter Bogdanbovich et Fritz Lang
- Bande annonce originale
Oscar du meilleur scénario
L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l'auteur de Le cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman(Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.
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Furie est un film produit par le réalisateur Joseph L. Mankiewicz, et, avec La Poursuite impitoyable d'Arthur Penn (1967), l'une des oeuvres les plus abouties concernant le lynchage et de ce qu'on appelle avec l'anthropologue René Girard « le mécanisme victimaire du bouc émissaire ». En ce sens, c'est un film courageux non seulement à son époque mais par l'angle d'attaque qu'il propose.
D'après une histoire originale de Norman Krasna, le scénario de Fritz Lang et Bartlett Cormack est habile puisqu'il ne s'occupe pas seulement de critiquer la folie du lynchage mais de montrer comment la violence est mimétique et contagieuse : la victime du lynchage veut se venger en voulant que les coupables meurent pendus... Il n'est pas étonnant que Joseph L. Mankiewicz ait voulu produire un tel film quand on sait qu'il a réalisé par la suite des films comme Jules César, Le Limier...
Furie est en tout cas le premier film réalisé par Fritz Lang aux États-Unis après son départ d'Europe. Évidemment, le sujet passionne le réalisateur, auteur du célèbre M le Maudit (1931) qui abordait déjà un scénario similaire avec au final une foule qui voulait lyncher un assassin d'enfant. L'histoire de Furie n'est pas très éloignée de ce dernier film en effet : après une séparation de plusieurs mois, Joe Wilson (Spencer Tracy) rejoint sa fiancée Katherine Grant (Sylvia Sidney) née dans une petite ville de province. En route, il est arrêté par la police locale et, sur la foi de maigres preuves, est accusé de kidnapping et jeté en prison. La rumeur de son arrestation se répand vite dans la ville. Excitée par des meneurs, la foule veut exercer sa propre justice et met le feu à la prison. À l'insu de ses tortionnaires, Joe Wilson échappe aux flammes. Avec la complicité de ses deux frères, il entreprend de se venger sans aucune pitié : au cours du procès de vingt-deux lyncheurs, il lance de l'ombre quelques indices qui les accusent implacablement. De toute façon, ils sont bien coupables et tentent de faire croire le contraire.
Si la fin est un peu expédiée et joue du happy end, le film a certainement l'urgence d'une situation qui à l'époque était plus brûlante qu'aujourd'hui. Furie, par l'intermédiaire du personnage de l'avocat, informe que durant les quarante-neuf dernières années aux Etats-Unis il n'y eut pas moins de 6010 lynchages (un tous les trois jours). Ceci explique sans doute le côté parfois un peu didactique du scénario qui tient à trop expliciter son propos. Mais fort heureusement, il n'est pas non plus manichéen, gardant toute sa force soixante-dix ans plus tard. Car Furie retourne la situation à un moment particulier et inattendu : là où l'on attendait avec suspense la mise en accusation des vingt-deux lyncheurs (la fameuse scène du procès dans les films américains), c'est celle de la vengeance de Joe Wilson qui est critiquée et mise en perspective ! Comme le lui dit un de ses frères, la cruauté de Joe Wilson est exactement similaire à celle de ses lyncheurs.
Voilà sans doute un propos qui ne va pas encore de soi dans l'opinion publique contemporaine, en proposant l'identité mimétique, la gémellité des rivaux, la victime se transformant en bourreau au point où les deux se ressemblent, sont les clones l'un de l'autre. C'est sans doute le point fort du film et la scène où Katherine Grant supplie Joe Wilson de renoncer à se venger est l'une des plus bouleversantes de Furie. Il faut dire que Spencer Tracy et Sylvia Sidney sont des interprètes impressionnants.
Au fond, le vrai sujet de Furie est bien le ressentiment... C'est bien lui qui pousse la foule à s'en prendre au début à Joe. Il fallait un bouc émissaire. Un mécanisme qui fonctionne à la perfection et dissimule à nos propres yeux ses rouages intimes. Car les lyncheurs ne mentent pas sciemment et sont persuadés que la victime est réellement coupable. On a précisément un bouc émissaire lorsqu'on croit ne pas en avoir, ce qui permet de légitimer un crime au nom de la loi, de l'ordre, d'une raison quelconque, sentimentale ou autre. Le film, sur ce point, est d'une profondeur et d'une grande lucidité.
Il est par ailleurs fort bien réalisé, avec l'efficacité nécessaire. Furie cède aussi des moments clefs qui marquent les esprits par leur grande force visuelle. Nous ne sommes pas prêts d'oublier, dans la meute déchaînée, la mégère faisant tournoyer au-dessus de sa tête la torche qui enflamme le pétrole, pas plus que cette femme tenant en l'air son enfant pour qu'il puisse mieux voir un homme en train de brûler. Le spectateur est quasiment obligé de se poser cette question cruciale que le film tente d'atteindre en nous : de quel côté serions-nous dans un tel moment ? Quand on sait qu'il a été réalisé avant la Seconde Guerre mondiale, il y a de quoi avoir des frissons dans le dos...
Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 13/07/2007 )
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