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La prise du pouvoir par Louis XIV avec Roberto Rossellini, Jean-Marie Patte, Katharina Renn, Raymond Jourdan, Giulio Cesare Silvagni, Pierre Barat, Dominique Vincent MK2 2004 / 25 € - 163.75 ffr. Durée DVD 134 mn. Durée film 90 mn. Classification : Tous publics | Sortie télévision : 1966
Version : DVD 9 / Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1 : 33
Bonus :
- Rossellini et Louis XIV, une analyse du film par Jean Douchet.
- Rencontre avec Jean-Dominique de La Rochefoucauld, conseiller artistique et historique de Rossellini et Michèle Podroznik, scripte de Rossellini.
- Quelques rushes (présentation comparée avec la prise montée). Imprimer
La prise du pouvoir par Louis XIV est un film de 1966, tourné en France pour lORTF. Il sinscrit dans la réflexion de Rossellini de voir dans la télévision un espace pédagogique, un espace culturel de masse.
« Il sagit en somme, pour Rossellini, de retrouver lhomme que tant de fictions abusives nous ont fait perdre de vue, de le retrouver dabord par une approche strictement documentaire, puis de le jeter dans une intrigue la plus simple possible, le plus simplement possible racontée. » Ainsi parle François Truffaut dans un article de 1963, repris dans Les films de ma vie, recueil darticles du critique devenu cinéaste.
La prise du pouvoir par Louis XIV est un film de 1966, tourné en France pour lORTF. Il sinscrit dans la réflexion de Rossellini de voir dans la télévision un espace pédagogique, un espace culturel de masse. On pourra samuser à comparer le Louis XIV de Rossellini pour lORTF, tout en simplicité et en travail sur la durée des plans, et le Napoléon de Josée Dayan pour TF1 (cest ici une réminiscence télévisuelle de film en costumes, une digression en passant, un exemple presque pris au hasard (!) : ah, ces plans au ralenti sur les galops des chevaux, en contre-plongée, et ce gros plan sur laraignée quand le pauvre petit homme est seul sur son île !).
Donc, dans des lumières chaudes, en clair-obscur, le cardinal Mazarin se meurt, entouré de médecins en habits noirs qui hument les odeurs fétides de la maladie. Il sinquiète de létat du royaume et de la capacité du jeune roi Louis XIV, très occupé de conquêtes féminines, à se montrer digne de gouverner la France. Il lui recommande Colbert, très critique de la gestion des fonds publics menée par Fouquet, lié à la reine mère, pour laider à lutter contre leffondrement du royaume, que pourraient causer des luttes dinfluences, des combats pour le pouvoir, des intrigues souterraines. Colbert suggère au roi de nombreuses réformes de lEtat.
« Approche documentaire », écrivait Truffaut. Oui, Rossellini filme en ethnologue (cf. en complément au film, la fine analyse de Jean Douchet, grand habitué des bonus DVD et des commentaires critiques). Nous assistons au rituel du levé du roi, au rituel de son habillage, plus tard nous serons les témoins du repas du roi à Versailles. Un ecclésiastique sétonne. Pourquoi la reine a-t-elle donc tapé dans les mains ? On lui répond : le roi a simplement, cette nuit-là, accompli son devoir conjugal. Elle en informe la cour. Plus tard, lors dune partie de chasse, le roi, devant la cour, senfonce dans le bois, en compagnie dune dame. Monarchie absolue simplement: lintimité du roi (son corps) est chose de lEtat. Pas de grandes constructions dramatiques qui emporteraient les personnages dans le flot dune histoire et de conflits à traverser pour aller vers un dénouement. Rossellini filme en temps réel lhistoire en train de se faire, il décrit les us et coutumes dun groupe humain, dune époque, dune société et dresse le portrait dun homme, hors des images dEpinal de certains livres dhistoire.
Ainsi donc, Louis XIV, conseillé par Colbert, marqué à jamais par lépisode de la fronde, prend en main les affaires du pays et celles de la cour. « Faire de cet état, une réalité », dit le roi à sa mère, qui lui répond : « Avez-vous déjà vu un roi de France gouverner ? ». Le surintendant Fouquet est jeté en prison ; la noblesse est séparée de la bourgeoisie (et du pouvoir de largent : il faut diviser pour mieux régner), elle est enfermée dans une prison dorée, celle de la cour de Versailles, pour tuer toute velléité de complot. « Le roi doit être lâme unique de son état comme la nature tire toute chose du soleil. »
Rossellini filme en plans-séquences, avec de fréquents recadrages par zoom, comme pour signer en direct limportance dun acte ou dun comportement. Le duo plan séquence (Rossellini refusant le champs / contrechamps) zoom instaure une curieuse dialectique : le plan séquence est transparence de la mise en scène, enregistrement simultané dune histoire en cours, une simplicité de lespace-temps ; le zoom est irruption marquée dans le réel (la sensation visuelle du zoom est un rapprochement des personnages et du lieu, un trouble de la perspective), volonté de signifier, aimantation du réel avec la caméra.
La prise du pouvoir par Louis XIV est interrogation de la monarchie de droit divin et devient traversée pessimiste du pouvoir. Admirons encore lépisode de la création dun nouvel habit, où Louis XIV dessine lui-même, littéralement, lapparence du pouvoir avant de paraître devant la cour dans cet habit ridicule. Mais le cinéaste montre un monarque, conscient de ce jeu, homme seul, avec une conscience aigue et tragique du pouvoir. Vanité ? « Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder fixement », a dit le roi, comme à lui-même.
Benoît Pupier ( Mis en ligne le 18/10/2004 ) Imprimer | |
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