L'actualité du livre Dimanche 28 avril 2024
  
 
     
Blu-ray Disc  ->  

Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un réalisateur/acteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Blu-ray Disc  
Une ''société romantique et pourrie''
avec Jean Renoir, Nora Gregor, Marcel Dalio, Paulette Dubost,  Carette
Editions Montparnasse 2011 /  19,95  € - 130.67 ffr.
Durée film 105 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : France, 1939
Sortie BD : 6 septembre 2011

Version : 1 BD-50, Zone B
Format vidéo : PAL, Format 1.33, 4/3
Format image : N&B, 16/9 natif
Format audio : Français Dolby Digital 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français

Bonus :
- Documentaire : Il était une fois… ''La règle du jeu''
- Jean Renoir présente «La règle du jeu»
- Entretien avec Claude Chabrol, Noémie Lvovsky et Eduardo Serra à propos du film
- Olivier Curchod présente «La règle du jeu»
- «La règle du jeu» dans la série ''Image par image''
- Bande annonce originale
- Jean Renoir, le patron : la règle du jeu et l’exception

Imprimer


En 1939, à l’aéroport du Bourget, André Jurieu, après un long vol, atterrit. Une foule enthousiaste assaille l’aviateur qui vient d’accomplir la traversée de l’Atlantique en 23 heures. Son ami Octave l’accueille, mais la femme pour laquelle il a réalisé cet exploit, Christine, l’épouse de Robert de La Chesnaye, un grand aristocrate, est absente. Interrogé par une journaliste, Jurieu ne réussit qu’à exprimer son dépit. Les reproches qu’il adresse à Christine, retransmis en direct à la radio, révèlent à la bonne société parisienne la relation équivoque qui le lie à Christine. Malgré cet impair, Octave, un intime des La Chesnaye, promet à son ami d’intercéder en sa faveur. Il persuade Christine, mais également Robert de La Chesnaye, d’inviter Jurieu à une partie de chasse en Sologne, dans leur château de La Colinière. Lors de ce court séjour, plusieurs intrigues amoureuses vont se nouer entre les différents invités, mais également entre domestiques, se dénouer, et finalement s’achever dans le drame.

En concevant La Règle du jeu, Renoir ambitionne de réaliser un film d’ensemble, représentant un groupe de personnes, une société : «je voulais dépeindre toute une société, presque toute une classe». Cette classe sera celle de la grande bourgeoise et de l’aristocratie française, une «société romantique et pourrie» selon l’expression de Renoir. Mais pour porter cette «grande idée», il lui faut trouver une intrigue qu’il déniche finalement dans la littérature classique. Pour écrire son scénario, il s’inspire – en prenant de grandes libertés – des Caprices de Marianne d’Alfred de Musset. La Règle du jeu peindra donc une société, une société entièrement absorbée par de petites intrigues amoureuses et sacrifiant aux rituels de classe. Renoir rompt avec la tonalité naturaliste de ses précédents films et affiche son désir de tourner un film léger. Pourtant la situation internationale ne se prête guère à la gaîté et la légèreté. Les accords de Munich viennent d’être signés et la guerre gronde. Mais le cinéaste, en s’inscrivant dans la tradition classique, celle représentée par des auteurs tels que Molière et Marivaux, Beaumarchais et Musset, sait que rien n’est plus efficace qu’une comédie pour exercer une critique acerbe de la société. «Ne pas parler de la situation et raconter une histoire légère», n’est-ce pas la meilleure illustration possible de «l’esprit de Munich» ?

Jean Renoir s’attache donc à montrer les travers impardonnables, en ces temps de catastrophe imminente, d’une classe dirigeante, insouciante et oisive, plus occupée à jouir de ses privilèges et de ses biens que d’influer sur la marche du monde et de fléchir le cours de l’Histoire. A cette fin, il dévoile la règle du jeu qui régit leur mascarade sociale : tout ou presque est permis pourvu que les apparences soient sauves ; et son corollaire indissociable : le mensonge. Et gare à celui qui la transgresse… ! Trop de sincérité, d’innocence tue ! La Règle du jeu est un «drame gai».

Une société pourrie, sans doute. Mais une société composée - et c’est là toute la beauté de ce grand film - d’individus tous plus attachant les uns que les autres. Renoir est un humaniste, dont la raison le pousse à exécrer ce clan d’irresponsables mais dont le cœur, immense, étreint chacun des êtres qui le constitue. Du plus noble au plus misérable, il reconnaît à ses personnages cette part d’humanité qui fait de chacun d’eux son égal, qui fait d’eux, tout simplement, des êtres humains. Le marquis Robert de La Chesnaye est à ce titre un magnifique exemple. Cet homme oisif dont l’unique occupation – en dehors du temps qu’il consacre à sa femme et sa maîtresse – consiste à collectionner et restaurer des automates du XVIIIe siècle, cet homme futile au comportement enfantin, en quelques plans, Jean Renoir nous le fait aimer. Son oisiveté se mue en grandeur, sa générosité, sa magnanimité, son humanité percent sous le masque du grand aristocrate.

Sans des comédiens d’exception, en tête desquels on peut placer Marcel Dalio, le marquis de La Chesnaye, mais également Renoir lui-même, dans le rôle d’Octave, les personnages de La Règle du jeu n’auraient pu atteindre ce degré d’humanité. Mais sans le talent de «chef d’orchestre» de Renoir qui lui permis de diriger avec intelligence les acteurs tout en leur laissant la liberté d’improviser – 50% des scènes du film seraient improvisées – , ces personnages n’auraient pu exister.

Talent de «chef d’orchestre» qui s’exprime également dans la mise en scène, précise et échevelée. «A la vue du film, chaque spectateur éprouve l’impression d’assister au tournage ; on croit voir Renoir organiser tout cela en même temps que la projection ; pour peu on se dirait : Tiens ! Je vais revenir demain pour voir si les choses se passent de la même façon !». Truffaut, en écrivant, ces lignes ne pouvait rendre plus bel hommage à Renoir, metteur en scène. Complexe et inventive, la mise en scène n’a de cesse de créer du mouvement. Jean Renoir efface les frontières du champ et du hors champ en usant régulièrement de panoramiques qui suivent les comédiens dans leurs mouvements. Il utilise également un très grande profondeur de champ – des optiques spécialement conçues à cet effet furent fabriqués pour le tournage – pour capter plusieurs foyers d’action dans un même plan. Le tout concourt à donner une impression de grand désordre, un grand désordre qui égale celui de la vie. En outre, Jean Renoir s’ingénie à mélanger les genres. Le passage du vaudeville au boulevard, du boulevard au burlesque, du burlesque à la comédie de mœurs, de la comédie de mœurs au drame, etc., contribue à perdre un peu plus le spectateur dans les méandres tumultueux de La Règle du jeu.

Pour finir, il est bon de rappeler que les enjeux de La Règle du jeu ne se laissent pas appréhender facilement. L’absence de personnage principal, une intrigue qui semble relever de l’anecdote, une mise en scène complexe, peuvent désorienter plus d’un spectateur. Mais comme le précise Pierre Guislain, auteur de La Règle du jeu (Pierre Guislain, La Règle du jeu, éditions Hatier, collection ''Image par image''), un petit livre instructif, «La Règle du jeu est un film moins mis en scène que composé, composé comme une symphonie ou un tableau. […] Pas question de se raccrocher à des structures dramatiques effectivement quasi inexistantes. L’histoire n’a ici aucune importance. Tout ce que dit et montre le film, il le fait presque malgré l’intrigue, dans ses vides, dans ses marges, plus que jamais «à côté» d’elle». C’est dans «ses vides, ses marges" que le spectateur pourra découvrir toute la beauté de ce chef-d’œuvre.

Et cette édition Blu-Ray pour mettre à l'honneur ce "must" du cinéma français. Image restaurée, bonus foisonnants : un petit bijou pour cinéphiles ! Les compléments proposés par les Éditions Montparnasse devraient réjouir le spectateur avide d’en savoir un peu plus sur ce chef-d’œuvre du cinéma. Olivier Curchod dans sa présentation de La Règle du jeu retrace l’histoire tourmentée du film. De la première inspiration de Renoir jusqu’à la ressortie du film en 1959, en passant par les péripéties du tournage, aucun détail n’est oublié. Olivier Curchod commente également dans son intégralité le film. Il s’attache à cerner la place et le rôle de chacun des personnages dans la conduite de la dramaturgie. Le documentaire image par image, plus didactique et donc un peu ennuyeux, tente d’analyser la mise en scène et l’esthétique du film. Enfin, le plus savoureux reste les deux documents où Jean Renoir apparaît en personne. Le premier des ces films est une présentation pleine d’humour de La Règle du jeu ; le second, un entretien accordé à Jacques Rivette et André S. Labarthe pour la série Cinéastes de notre temps.


Stéphane Gauchon
( Mis en ligne le 16/09/2011 )
Imprimer
 
SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

 
  Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
Site réalisé en 2001 par Afiny
 
livre dvd