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L'enfer du décor
Philippe  Claudel   Les Ames grises
Stock 2003 /  2.87 € -  18.80 ffr. / 285 pages
ISBN : 2-234-05603-9
FORMAT : 14 x 22 cm

Prix Renaudot 2003
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«Je ne sais pas trop par où commencer.» Les Ames grises s'ouvrent sur cet aveu, sinon d'impuissance, du moins de perplexité. Il y a de quoi. Le destin du narrateur, policier en province pendant la Grande Guerre, n'est pas enviable. Et les liens qui l'unissent à ses contemporains sont tissés dans une toile épaisse et rêche, plutôt que dans le fil doré.

Essayons alors de commencer pour lui et de démêler l'écheveau. Et d'abord, de poser le décor : il y a « chez nous », sa ville. Qu'on imagine à l'Est de la France. Son Château, résidence du procureur Destinat. Son Usine. Ses rues, «de pleines petites rues construites à l'identique». Les bruits de la guerre franchissent tout juste ses collines. «Distant de chez nous d'une vingtaine de kilomètres», il y a V., bourgade sombre mais de plus d'importance, qui abrite un Tribunal, le poste de police et le fameux restaurant Rébillon, où les notables se plaisent à festoyer. Voilà pour les lieux. Cette géographie, volontairement peu précise, ou plutôt générique, place d'emblée le roman dans un parti pris d'universalité. Même constat pour l'époque. La Grande Guerre est en toile de fond, mais elle ne joue pas un rôle central. Elle n'est pas le propos du roman.

D'ailleurs, quand la mort frappe, en diverses occasions et sous diverses formes, ce ne sont pas les balles de l'ennemi qui frappent. La mort est au cœur du roman comme principe essentiel, bien au-delà de la façon dont elle est donnée. Elle touche tout le monde, dans un jeu de destins croisés d'une subtilité méthodique qui ne se révèle qu’une fois le livre fermé. A cet égard, il est juste de dire que le livre porte on ne peut mieux son titre. Mieux : que lui et son titre ne font qu'un, comme rarement. Car l'auteur refuse systématiquement les couleurs trop tranchées et les caractères trop nets. Et si l'évidence du talent de raconteur de Philippe Claudel ne s'impose pas immédiatement, c'est que le récit n'est pas linéaire et promène le lecteur d'allers en retours, d'avant en arrière, dans des digressions certes maîtrisées, mais qui ne prennent leur plein sens qu'une fois la boucle bouclée.

Chacun des personnages du roman – chaque figure plutôt, puisqu'on ne connaît d'eux que la description qu'en fait le narrateur – a deux faces, ou plutôt deux moitiés d'âme qui se confondent : une blanche, si l'on veut, sa « bonne part ». Et une noire, sa « part d'ombre », pour paraphraser Ellroy. Le procureur Destinat envoie sans remords les criminels à l'échafaud, mais il s'émeut de la fragilité féminine et tombe sous le charme de la jeune institutrice. Celle-ci, rayonnante image de la femme et de la jeunesse, fait tourner toutes les têtes. Elle incarne la joie de vivre, mais son âme est habitée d'une passion excessive qui tourne aux noires pensées. Le colonel Matziev est un salaud mais son parti pris dreyfusard, des années plus tôt, oblige au respect. Jusqu'au narrateur soi-même, que son amour sincère et passionné pour sa femme et son regard a priori « juste » sur les événements rendent nécessairement proche, voire sympathique… jusqu'à l'aveu final.

En ce qu'il montre si habilement cette mixité des couleurs de l'âme, ce gris irrémédiable, le roman est un livre triste. Pas de ces tristesses qui font pleurer le chaland. Les Ames grises portent en elles une vraie tristesse, profonde. Tenace et belle. Par moments, des impressions de Simenon se glissent entre les lignes, au détour des pages : même style sans emphase, même sûreté dans la conduite de l'intrigue, même maîtrise du rythme. Même justesse des mots. On pense aussi à Giono et son Roi sans divertissement. Autant pour l'idée que l'on se fait de cette terre de campagne, neigeuse et provinciale, entourée de collines comme celle de Giono l'est de montagnes, que pour son exploration des âmes sous prétexte d'enquête policière. Avec cette même présence, centrale, de la mort. Cette même chronologie narrative, volontairement déstructurée. Jusqu'à la troublante analogie finale dans le destin des personnages, le Langlois du « Roi », et le narrateur ici.

«Je n'ai plus rien à dire. J'ai tout dit. Tout confessé. Il était temps.» L'écheveau est démêlé. Il n'y a effectivement plus de parole possible.


François Gandon
( Mis en ligne le 10/12/2003 )
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