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Petite leçon de littérature entre amis.
La Maison de David. Une rencontre avec Michel Lambert
2003 /  2.07 € -

Michel Lambert La Maison de David
Editions du Rocher 2003 / 17.50 € - 114.63 ffr. / 210 pages
ISBN : 2268045102

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Nouvelliste et romancier, Michel Lambert publie aux Éditions du Rocher son dernier roman, La Maison de David. A l’occasion d’un passage à Paris, l’auteur a bien voulu évoquer pour nous son travail d’écrivain et les petites histoires qui ont précédé puis accompagné l’écriture de son livre.

Parutions.com : Vous venez de publier votre quatrième roman, La Maison de David, aux éditions du Rocher. Vous avez également à votre actif de nombreuses nouvelles. Comment décidez-vous de la forme dans laquelle vous allez écrire ?

Michel Lambert : En fait c’est l’histoire qui impose la forme. Mais il y a bien sûr des différences fondamentales. La longueur du récit, tout d’abord. La nouvelle, de par sa brièveté, repose davantage sur le non dit que sur le dit. Et les personnages doivent conserver une certaine ambiguïté, un certain mystère ; ils n’ont donc pas le temps de se construire et l’auteur n’a aucune possibilité de se reposer sur eux. A l’inverse, dans un roman, au bout du premier tiers environ, les personnages se sont plus ou moins construits, l’auteur a tourné autour d’eux comme un comédien autour de celui qu’il va bientôt incarner. Et à ce moment-là, les personnages viennent au secours de l’auteur parce qu’ils ont chacun leur propre logique, selon laquelle ils vont évoluer ; ils l’imposent en quelque sorte à l’auteur, et lui imposent aussi la logique des relations qui se nouent entre eux. C’est un monde magique très particulier qui se définit ainsi, au fur et à mesure que les protagonistes entrent en scène.
Cela dit, je ne vois pas très bien pourquoi on oppose souvent nouvelle et roman. On peut très bien considérer un roman comme une suite de chapitres où chacun aurait la densité, l’enjeu dramatique d’une nouvelle. Je lis avec énormément de plaisir un roman de ce type parce que je peux commencer un chapitre à n’importe quel endroit du livre, sans rien savoir de ce qui précède et bien évidemment en ignorant tout de la suite. Ce chapitre aura une telle densité que, malgré les inévitables lacunes, il saura me captiver.

Parutions.com : Établissez-vous des fiches signalétiques pour vos personnages ?

Michel Lambert : Jamais. Je pars, généralement, d’un thème général que j’ai en tête.

Parutions.com : Certains auteurs disent qu’à un moment donné, l’histoire leur échappe. Est-ce que cela vous arrive ?

Michel Lambert : Oui, tout à fait. Il y a quelques années, j’étais moi-même journaliste et quand un auteur me disait cela, j’avais l’impression qu’il posait ; ça me paraissait un tantinet prétentieux de sa part. Et puis finalement, lorsque je me suis mis à écrire, je me suis trouvé confronté à ce phénomène. En fait les personnages m’échappent mais restent tout de même sous contrôle. C’est un rapport très ambigu qui se noue entre l’auteur et ses personnages. Et s’il doit respecter leur autonomie, il ne doit en aucun cas les laisser faire n’importe quoi : une trop grande indépendance des personnages peut conduire à la déstructuration du récit. Il y a donc un équilibre à trouver entre le respect de la logique instaurée par les protagonistes et le contrôle opéré par l’auteur. Je pense qu’on parvient à cet équilibre par le travail que réclame l’écriture, et en relisant sans cesse ce que l’on vient d’écrire. L’écriture, c’est le regard particulier que l’auteur pose sur ses personnages et son récit. Elle installe une distance – la distance de l’art – entre l’auteur et ce qu’il écrit.
En ce qui me concerne, je reste en relation très étroite avec mes personnages ; je veille à ce qu’ils aient la plus grande autonomie possible mais je travaille aussi beaucoup mon écriture, et très lentement. Cette lenteur permet aux personnages de «sédimenter» progressivement ;
Maturation du roman et maturation de l’écriture se correspondent.

Parutions.com : Pourriez-vous évoquer la genèse de La Maison de David ?

Michel Lambert : Avec plaisir ! Depuis sept ans maintenant, j’anime des ateliers d’écriture dans des centres de santé mentale. Dans un de ceux-ci, qui accueille surtout des psychotiques, les participants et moi avions fait le rapprochement entre les techniques cinématographiques et celles que l’on utilise en littérature – par exemple la notion de point de vue, de montage… etc. – et cela nous a amenés, un jour, à parler de cinéma. J’ai demandé à chacun s’il allait souvent au cinéma, quels étaient ses acteurs et réalisateurs préférés… et l’un des patients m’a répondu qu’il y allait tous les jeudis, avec son frère. Sa réponse m’a frappé ; je me suis interrogé sur le pourquoi de ce rituel, sur les conséquences que pouvait avoir la maladie mentale de cet homme sur la vie de son frère et comment celui-ci pouvait en être à la fois perturbé et enrichi… C’est ce questionnement, associé à un profond désir de rendre hommage à tous ces gens dont la santé mentale est extrêmement précaire, qui m’a incité à écrire un livre dont le thème aurait synthétisé un peu tout cela. Mais je n’avais aucune idée de la façon dont j’allais le commencer. J’étais donc en quête d’inspiration dans mon bureau, un jour où il pleuvait particulièrement fort, et je me mets à regarder par la fenêtre. Je vois alors une scène tout à fait extraordinaire : sous cette pluie diluvienne, une femme était assise sur le trottoir, avec deux gros sacs autour d’elle, et personne ne s’arrêtait. Ce fut le déclic ; je ne sais pas pourquoi, mais j’ai commencé le roman à ce moment-là, en me débrouillant pour que mon personnage principal – le frère d’un psychotique – s’arrête et parle à cette femme. Puis je me suis demandé pourquoi il s’était arrêté ; sans doute parce que son regard est habitué au malheur…etc. Et de fil en aiguille, un personnage en a entraîné un autre, puis un autre, un autre encore… autant de personnages en difficulté qui entrent naturellement dans le champ de vision de Martial puisqu’il a ce regard accoutumé à la souffrance. Le roman s'est construit ainsi, d'une façon non programmée. Après chaque chapitre, je me disais : bien, et maintenant? Je n'avais aucune idée de ce qui allait se passer. C'est alors que les personnages arrivaient à la rescousse.

Parutions.com : Vous dites que Serge, le frère de votre personnage principal, Martial, est psychotique mais le terme n’apparaît jamais dans le roman – le texte reste d’ailleurs très évasif quant à la maladie mentale dont souffre Serge…

Michel Lambert : Je n’ai pas voulu être plus précis parce que j’ai suivi la logique de Martial. Il ne sait que trop bien de quoi souffre son frère et ne va donc pas perdre son temps à se décrire à lui-même tous les aspects, les symptômes et l’étiologie de la maladie de Serge. Quand on laisse opérer la logique des personnages et des relations qui se tissent entre eux, il y a beaucoup d’éléments, notamment descriptifs, qui deviennent superflus. De toute manière je ne pense pas qu’un auteur doive être trop précis : des personnages peu décrits pourront davantage prétendre à une certaine universalité et les lecteurs pourront mieux s’identifier à eux. Ce sont les protagonistes qui doivent vivre ; l’auteur doit le plus possible s’effacer derrière eux, demeurer humble, et ne surtout pas afficher de jugement moral, que ce soit par une écriture trop marquée ou par une construction psychologique trop appuyée de ses personnages.

Parutions.com : Dans votre livre, le centre de jour que fréquente Serge s’appelle le centre Van Gogh. S’agit-il d’un lieu réel ou bien vouliez-vous, à travers ce nom, faire référence aux relations complexes qui unissaient Vincent et Théo, à la folie liée au talent de Vincent ?

Michel Lambert : Il s’agit bien d’un lieu fictif, mais je n’ai pas du tout pensé aux frères Van Gogh en baptisant ainsi le centre de jour du roman ! En fait j’ai reconstruit l’endroit à partir d’éléments piochés ici et là. Mais je me suis tout de même référé à un centre particulier – que l’on identifiera peut-être plus facilement et dont je préfère taire le nom – où certains patients, membres de l’atelier d’écriture, ont lu le livre. Ils se sont montrés très satisfaits. Et cela m’a d’autant plus touché que je voulais leur rendre hommage, notamment parce que je me rends compte que parmi les participants aux ateliers, il y en a qui ont un énorme talent, hélas corseté par la médication à laquelle ils sont astreints. D’ailleurs, à la fin du roman, Martial réalise que Serge, dans son délire a plus de talent que lui.

Parutions.com : Curieusement ce n’est pas le centre Van Gogh qui apparaît comme un lieu clef dans votre roman mais cette maison de David, à qui il doit son titre et Martial sa vocation. Pourtant, elle n’intervient, concrètement, qu’assez tard dans la narration…

Michel Lambert : Cette maison, qui existe bel et bien, se trouve rue Léopold, à Bruxelles. Le peintre David y a vécu une dizaine d’années, jusqu'à sa mort, en 1825. Et à l’époque, la bâtisse devait certainement être très belle, mais aujourd’hui, elle est à l’abandon. Voilà environ quinze ans que plus personne n’y habite ; on a bien tenté de la restaurer mais de chantier en chantier, la réhabilitation finit toujours par être abandonnée. Aux yeux de Martial, elle est la métaphore de ce que son frère est devenu : jeune garçon rieur, plein de promesses pour l’avenir, Serge a peu à peu sombré dans les ténèbres de la maladie mentale. Et lorsque Martial se trouve lui-même moralement au plus bas, il perçoit aussi la maison de David comme une métaphore de son propre devenir. Et si elle intervient tard, c’est parce que je n’ai pensé à l’introduire que tardivement !

Parutions.com : Vous mettez en scène des personnages en prise directe avec la souffrance – à des degrés plus ou moins élevés – mais il y a aussi beaucoup d’humour dans votre roman…

Michel Lambert : Oui, un humour un peu décalé… c’est la politesse du désespoir ! Je ne voulais pas écrire une histoire trop sinistre parce que je pense que même dans les moments les plus terribles de la vie, il y a toujours moyen de rire. C’était Kafka qui disait, me semble-t-il, qu’on peut être complètement désespéré et avoir tout le temps envie de rigoler. Bien sûr mon roman n’est ni tout à fait désespéré, ni débordant de rigolades, mais ça m’amusait d’alléger un peu l’ambiance en essayant d’introduire un peu d’humour. Et puis n’oubliez pas que mes personnages, pour souffrants qu’ils soient, sont aussi mus par l’espoir ; ils ont tous foi en quelque chose qu’ils espèrent voir se concrétiser un jour.

Parutions.com : Il n’en reste pas moins que vos personnages traversent bien des péripéties psychologiques. Mais on a un peu le sentiment que toutes les questions auxquelles ils sont confrontés restent en suspens…

Michel Lambert : Je crois qu’en fait, avec ce roman, j’ai essayé de répondre à certaines questions sans y parvenir. Elles restent ouvertes ; peut-être n’y a-t-il pas de réponse, et peut-être est-ce pour cela qu’on écrit souvent les mêmes livres : on pose des questions sans jamais pouvoir y répondre.


Propos recueillis le 29 mars 2003 par Isabelle Roche
( Mis en ligne le 02/05/2003 )
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