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Premiers pas d'un écrivain
Rencontre avec Laurent Gaudé
2002 /  2.14 € -
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Comment naît un écrivain ? Difficile question. Un peu naïve aussi peut-être. Comme beaucoup de jeunes gens, Laurent Gaudé se lance dans des études de lettres, il prépare même un temps l’agrégation. Au cours de ces années studieuses, l’étudiant ne fait pas preuve de beaucoup d’enthousiasme, mais il en profite pour parfaire sa culture commencée au lycée. L’esprit universitaire ne lui arrache que des soupirs maussades. Il n’est pas fait pour l’enseignement. C’est alors que ce Parisien pure souche, évoluant toujours plus ou moins entre Montparnasse où il habite et le Quartier Latin, se lance dans l’écriture, et là, tout s’éclaire. Nous sommes en 1996. Laurent Gaudé rédige alors ses premiers «vrais» textes. Ils peuvent appartenir au genre théâtral, comme Pluie de cendres, ou innover, comme Onysos le furieux, audacieux monologue épique. Il attire bientôt l’attention de Lucien et Micheline Attoun à Théâtre Ouvert, un organisme situé non loin de Pigalle et dont la mission (il dépend du Ministère de la Culture) est de découvrir les formes d’écriture contemporaine. Tout en faisant éditer ses pièces en tapuscrit, il envoie des textes de petit format pour l’ancienne revue théâtrale «Du Théâtre, la revue» des éditions Actes Sud. Sensible à son écriture, Claire David, la responsable théâtre, s’empresse alors de les publier, décidant de faire du jeune écrivain un auteur de la prestigieuse maison.

Enfin, au printemps 2001, Laurent Gaudé, qui a vu auparavant venir le temps des premières adaptations théâtrales (celle, notamment, de Yannis Kokkos à Strasbourg), accepte de se prêter à l’exercice de l’autoportrait d’écrivain. Cela se passe au petit théâtre de l’Odéon. Une salle en longueur, comme étirée vers un fond d’obscurité. Face à nous, l’écrivain est assis à droite de l’estrade. A sa gauche, trois acteurs (sans doute des amis) s’apprêtent à lire ses textes. On n’est plus dans la vie réelle, là où les voitures circulent, où les feux passent du vert au rouge, mais on n’est pas non plus au théâtre. C’est plutôt une sorte de cérémonie. A tour de rôle chacun lit un extrait. Cette séance est la première d’une série qui en comportera quatre. Ce jour-là Laurent Gaudé nous parle de «son Antiquité» : le rapport de son écriture aux dramaturges de la Grèce antique, comme Eschyle et Euripide, qu’il apprécie pour les voix, la manière heurtée du rythme ; sa fascination pour la civilisation antique ; son goût pour ces mots à la consonance étrange et qui ne figurent probablement pas tous dans le dictionnaire.

Je n’exagère en rien si je dis avoir eu ce soir-là la révélation d’un écrivain. Aussitôt je m’empresse de le lire, et commence par une pièce de théâtre, Onysos le furieux, qui s’avère être la geste d’un héros épique totalement inventé. Comme il devait me l’apprendre bientôt, il a écrit ce texte en dix jours, en 1996, au début du printemps. Pur moment de grâce, comme les écrivains en connaissent parfois. Quand je l’interroge sur la Grèce, il me répond avec un sourire qu’il était nul en grec, que les versions étaient un calvaire, mais qu’il a par contre des souvenirs très précis et très vifs concernant la langue, la mythologie, de même que la civilisation. Mais il n’y a pas seulement la Grèce, Laurent Gaudé évoque aussi les contes africains. Et de citer La Geste de Segu, les Contes bleus, tout un univers de littérature africaine édité aux Belles Lettres. Finalement, tout ce qui touche à l’oralité dans la nature des textes le concerne. «S’il y a quelque chose qui s’est perdu aujourd’hui, c’est bien l’oralité», glisse t-il après avoir évoqué l’Iliade.

Sa démarche, s’il fallait absolument la caractériser, serait plutôt intuitive. L’écrivain retient des bribes, parfois un monologue entier. L’intellectualisme ne l’intéresse guère. En tant que lecteur, il n’aime pas beaucoup l’autofiction, l’écriture minimaliste, même s’il apprécie chez Duras, dont il admire La Douleur, cette tendance de la littérature actuelle. Lorsqu’on lui dit, avec tous les ménagements possibles, qu’il est un écrivain inactuel, il se récrie doucement. La méditation de l’écrivain, dit-il, oscille entre une inquiétude actuelle et des questions atemporelles. Il aime les paroles de ces femmes qui ont pour noms Andromaque, Hécube ou Médée. Il cite le titre d’un essai de Nicole Loraux, La Voix endeuillée. Pour cet écrivain d’une trentaine d’années, il ne s’agit rien moins que de ressourcer sa parole à la veine immémoriale de la plainte tragique. Telle est si l’on veut sa poétique. Pluie de cendres, il l’a écrit pendant la guerre de Yougoslavie. Le livre décrit la situation de gens vivant dans une ville assiégée. « Pour moi, écrire c’est prêter sa voix à l’Afghanistan, à l’Algérie. Je vais au devant des choses qui ne sont pas miennes. C’est évidemment quelque chose qui est plus fort dans le théâtre : ce mouvement d’effacement face à une parole qui est autre. »

Cris, publié en mars dernier chez Actes Sud, est un premier roman. Sans aucune documentation, mais au moyen de cette « sympathie » où le réel devient indiscernable de l’imaginaire, l’écrivain s’intéresse alors au chaos des tranchées, à l’enfer des barbus de la guerre de 14. Dans ce texte fait de monologues, il dit s’être inspiré de la construction de Tandis que j’agonise de Faulkner. Bref, Laurent Gaudé appartient encore à ce temps irremplaçable, ces années où le pas manque encore sans doute un peu d’assurance, où l’écrivain se cherche, est encore à l’état naissant. Mais c’est certain, il a une voix, comme les écrivains qu’il aime (Duras, Koltès...) et cette voix, c’est sûr aussi, est bien à lui. Si « le temps de l’expérience », comme disait Edith Wharton, n’est peut-être pas encore venu, on le sent cependant assez proche. Et bien entendu on ne lui donne aucun conseil, on ne lui souhaite rien. Simplement de continuer.


Laurent Gaudé a publié plusieurs pièces de théâtre aux éditions Actes Sud : Combats de possédés, Onysos le furieux, Pluie de cendres, Cendres sur les mains et Le Tigre bleu de l'Euphrate ainsi que deux romans, Cris (2000) et La Mort du roi Tsongor.


Thomas Regnier
( Mis en ligne le 07/11/2002 )
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A lire également sur parutions.com:
  • La mort du roi Tsongor
       de Laurent Gaudé

    Ailleurs sur le web :
  • Lire un extrait de La mort du roi Tsongor sur le site des éditions Actes Sud
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