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Bande dessinée  ->  Les grands classiques  
 

Amours mortelles
  Yslaire   Sambre (tome 5) - Maudit soit le fruit de ses entrailles
Glénat - Caractère 2003 /  1.83 € -  12 ffr. / 46 pages
ISBN : 2723435482
FORMAT : 24 x 32 cm
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C’est d’abord une histoire foisonnante et romantique, d’amours mortelles, traversée par une malédiction familiale. Dans le premier tome, qui jette les bases de la série sur le plan graphique et narratif, Sambre démarre comme un huis clos passionnel dans une bastide familiale en province. Mais dès le deuxième tome, l’histoire s’incarne plus complètement dans le XIXème siècle historique, en suivant ses protagonistes à Paris au moment de la révolution de 1848. Si l’univers s’enrichit (on devine un travail considérable de documentation), jamais Sambre ne devient une BD « historique » : mais son réalisme nourrit la narration et les personnages respirent l’air de leur temps. Les événements influencent leurs destins personnels, mais seulement à la marge, comme autant de catalyseurs, et c’est là la force et la réussite de Sambre : les personnages ont une vraie épaisseur, au-delà des deux dimensions de la planche. Le ver était dans le fruit depuis le départ, la pomme d’amour entre Bernard Sambre (l’héritier mâle de la malédiction) et Julie était pourrie… Pourtant le chaos des sentiments de Bernard et de Julie reflète celui de l’époque, mêlant rêve et absence de liberté individuelle et collective, et produisant un effet d’amplification et une convergence tragique.

La saga familiale est ainsi conçue comme un grand roman à la manière du XIXème siècle. Il s’autoalimente d’ailleurs d’un autre livre, La Guerre des yeux, en creux : écrit par Hugo Sambre père lui-même, ce livre mystérieux, thèse-délire pseudo scientifique (typique de l’époque), est invisible et reste inachevé. Qu’est exactement cette guerre des yeux ? Bernard et Julie sont-ils vraiment demi-sœur et demi-frère ? Sambre ne livre pas tous ses secrets. Le lecteur doit ressentir les thèmes souterrains, comme l’ambiguïté du temps qui passe, opposant l’Histoire mouvementée d’un siècle marqué par trois révolutions, à l’immuabilité de la bastide, demeure familiale maudite et étouffante qui engendre la répétition des comportements névrotiques familiaux. Une contraction-dilatation du temps que l’on retrouve également entre l’action de Sambre, très resserrée (quelques jours par volume), et la fouille dans le passé familial ou les pistes offertes pour le futur.

Sambre, c’est aussi un univers graphique unique de correspondances avec les thèmes du récit. La mise en couleur est faite par Yslaire lui-même, c’est assez rare pour le souligner, mais compréhensible étant donné la place essentielle et structurante de la couleur dans cette série. Sombre, sang, cendre, Sambre… Le rouge et le noir, avec des nuances de gris, de bruns, une gamme chromatique a priori limitée mais qui offre en fait une infinité de couleurs. Le sang vif qui coule au fil des pages matérialise régulièrement le fil « rouge » de la narration. Si le choix d’un tel minimalisme est aujourd’hui plus fréquent, vis-à-vis du lecteur qui découvrit cette bande dessinée en 1986, c’était un pari risqué. Finalement ce parti pris, véritable signature de Sambre, participa à son succès. Quant au dessin, si l’univers est réaliste, il n’est pas académique et synthétise de manière vivante, avec une ligne sombre mais précise, les émotions des personnages, des paysages et des lieux.

Sambre, c’est enfin le reflet de son auteur Yslaire (Bernard Hislaire), probablement de ses souffrances et de ses doutes. Au départ, fragilisé par un projet refusé et un autre imaginé pour un magazine qui ne verra jamais le jour, Yslaire éprouve le besoin de se rassurer en s’associant avec un scénariste pour démarrer Sambre : Balac (Yann). Le premier album est le fruit de leur travail commun. Mais le tandem explose avant même la fin de cet opus. Divergence de points de vue, déséquilibre dans la paire d’amis compte tenu du fait qu’Yslaire est aussi co-scénariste, puis le succès à gérer… Balac livre quatorze planches du second volet et s’arrête. Yslaire continue seul, difficilement : doutes autour du scénario, retour des angoisses, difficultés personnelles. Il écrira près de 200 pages de scénario du deuxième tome, avec au bout une incapacité totale à choisir. Il faudra plus de quatre ans pour que les lecteurs découvrent « Je sais que tu viendras ». Pourtant cette recherche, ce tâtonnement, ne seront pas inutiles. Ils enrichiront considérablement l’univers de l’œuvre et lui donneront une profondeur exceptionnelle, dont les albums ne constituent que la partie visible. Yslaire est un perfectionniste maladif, comme le démontre la succession de retouches que vont connaître les albums : nouvelles planches et agencement différent de planches dans la version intégrale du deuxième tome en 1991, nouvelle couverture et huit planches inédites pour l’édition « Glénat – 30 ans d’édition » du quatrième tome en 1999 et finalement, en 2003, harmonisation numérique des couleurs des quatre premiers albums et changement de titre du troisième tome. (On notera au passage la vulgarité des nouvelles couvertures, avec un lettrage brillant qui tranche avec la sobriété et la noirceur du sujet.) Mais l’exigence d’Yslaire ne fige pas l’histoire. Elle nous surprend même quand Bernard Sambre est tué (peut-être est-ce Balac ou son personnage qui doit mourir ?) alors que Julie survit. Pourtant la ligne de vie de Bernard était plus longue que la sienne (p. 32, tome 1)… et puis c’est quand même le rôle-titre qui disparait !

Dans le dernier tome paru, Julie est ainsi devenue le personnage central. Disons-le simplement, « Maudit soit le fruit de ses entrailles » nous surprend, car nous nous attendions peut-être à la fin du roman : le précédent tome n’annonçait-il pas, en 1996 (!), « Le dernier des Sambre » ? On sent aujourd’hui une nouvelle rupture malgré la continuité des thèmes, et la nouvelle intrigue semble devoir nous emmener assez loin, en tout cas jusqu’à Cayenne. D’où vient le sentiment de malaise ? Sommes-nous dérangés par l’intrusion du numérique et du pinceau dans les planches d’Yslaire ? Est-ce le risque de voir le feuilleton triompher du roman, avec ses rebondissements infinis ou bien Yslaire commence-t-il d’écrire un Vingt ans après (la suite des Trois Mousquetaires) ou plutôt un Comte de Monte-Cristo, puisque ce nouveau cycle prend le chemin de la prison et de la vengeance ? Peut-être aussi est-ce le thème de la répétition, intrinsèque à l’œuvre, qui frappe à nouveau. Le premier tome, pourtant, reconnaissait avec sagesse : « Plus ne m’est rien ».


Julien Lefournier
( Mis en ligne le 01/10/2003 )
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