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Histoire & sciences sociales  ->  Antiquité & préhistoire  
 

Le dernier roi des Perses : une figure méconnue
Pierre  Briant   Darius dans l'ombre d'Alexandre
Fayard - Biographies 2003 /  4.27 € -  28 ffr. / 666 pages
ISBN : 2-213-60901-2
FORMAT : 14 x 22 cm

L'auteur du compte rendu : Michel DEBIDOUR, ancien élève de l'ENS (Ulm), est agrégé de l'Université, ancien membre de l'Ecole Française d'Archéologie d'Athènes, et docteur es-lettres. Il est professeur à l'université Lyon III et directeur du Centre d'Etudes et de Recherches sur l'Occident Romain. Il enseigne l'histoire ancienne et l'archéologie et travaille plus particulièrement sur l'économie du monde antique.
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Pierre Briant a commencé sa carrière en étudiant Antigone, roi grec d'époque hellénistique. Il est ensuite remonté plus haut, et il est devenu un de nos spécialistes de l'empire perse des Achéménides. Aujourd'hui professeur au Collège de France, il nous propose ce volume qui participe de ses différents intérêts.

Malgré les apparences, ce livre n'est pas vraiment une biographie mais plutôt une étude sur Darius III Codoman, le dernier roi de Perse vaincu par Alexandre. Or le personnage est à la fois bien et mal connu : depuis des siècles les historiens ne parlent presque jamais de lui qu'à propos de la rivalité et des combats qui l'opposèrent au conquérant macédonien. Pierre Briant a cherché alors à expliquer pourquoi «Darius est ainsi condamné à hanter les territoires historiques de l'oubli».

Pour conduire cette enquête à la poursuite d'un Darius trop souvent inaccessible, il importe d'analyser les sources disponibles. L'archéologie n'a livré que fort peu de certitudes, malgré la fameuse mosaïque de Pompéi conservée au musée de Naples (mais quelle interprétation doit-on donner exactement de la scène et des personnages ? Les savants en discutent encore…). De leur côté, les sources perses sont hélas insignifiantes, les portraits restent douteux et controversés, et ce sont finalement les œuvres littéraires postérieures, grecques et latines, qui nous apportent l'essentiel. Mais on sait depuis longtemps que ces sources, souvent tardives, sont assez peu fiables.

L'auteur étudie la formation et l'évolution de l'image de ce Darius méconnu, toujours en contrepoint de celle d'Alexandre, et ce à travers de multiples auteurs, connus ou moins connus, de Strabon à Arrien et à Quinte-Curce, voire Justin, Plutarque et Valère-Maxime. Il est ainsi très intéressant d'analyser les modes d'inspiration et d'écriture de ces auteurs antiques. Aucun de ces textes n'est contemporain des faits, et chacun doit être soumis à une critique historique précise dans laquelle l'auteur excelle.

C'est en cela que ce livre est proprement passionnant, traitant d'historiographie autant que d'histoire. Et cette enquête historiographique se poursuit encore au-delà de l'Antiquité, avec Bossuet, Rollin, Droysen (ce sont les débuts d'une histoire scientifique), Tarn, Radet, qui se prit à imaginer un Darius III sénile opposé au fougueux héros de la Macédoine! Dans tous les cas, Darius se retrouve écrasé par la comparaison avec Alexandre, mais aussi avec son prédécesseur Artaxerxès II, dont la figure apparaît, au fond, plus personnelle.

C'est que l'histoire, pour les écrivains de l'Antiquité, relève d'un tout autre genre que ce que nous entendons par ce mot. «Souvent un petit fait, un mot, une plaisanterie montrent mieux le caractère que des combats qui font des milliers de morts», écrit ingénument Plutarque. Souvenons-nous que les historiens antiques cherchent d'abord à faire œuvre morale. La plupart de nos auteurs, Plutarque, Polyen, Frontin et bien d'autres, que ce soit autour d'un homme ou autour d'un thème, se sont d'abord attachés à réunir ce qui leur paraissait digne de mémoire, c'est-à-dire ce qui pouvait être utile, des scènes typiques destinées à servir d'exemples, ces histoires que, au Moyen-Age, on appellera des exempla, destinés à aider les clercs à composer leurs sermons.

Dans ce sens la figure du Barbare dissolu est vite devenue comme une image d'Epinal : à l'occasion des rencontres de Darius avec Alexandre, ses malheurs, le sort de sa femme et ses filles faites prisonnières, sa mort romanesque, toute cette série de scènes à effet, relayées par l'éducation classique, n'ont pas manqué d'inspirer les artistes, en particulier entre le XVIe et le XIXe siècles, Darius faisant ressortir par contraste la figure du Macédonien, qu'il s'agisse du caractère, de la conception de la royauté et du luxe.
A en croire Athénée (mais peut-on lui faire confiance ?), sa cour emmenait 329 concubines royales, 46 tresseurs de couronnes, 277 cuisiniers, et 13 spécialistes des mets au laitage, 17 préparateurs de boisson, 70 filtreurs de vin, 14 fabricants de parfum, etc…

Le chercheur sera peut-être déçu au terme de cette enquête car il est difficile de dégager de vraies certitudes proprement biographiques, comme le souhaiteraient certains modernes. Mais ce qu'on découvre, c'est une autre facette du monde antique, qui concerne l'histoire culturelle et mentale, et c'est en cela que cette «biographie» apparaît éminemment moderne.

Pierre Briant se situe délibérément à la frontière des mondes et des disciplines, de la Perse et de la Grèce, de la biographie et des mentalités, de l'Antiquité et des mondes postérieurs : au fil des pages, le lecteur découvrira bien des vues intéressantes et suggestives, qu'il s'agisse de rapprochements avec des épisodes parallèles ou analogues de l'Antiquité ou de l'histoire byzantine, ou bien de la réévaluation du rôle d'Alexandre dans l'optique du colonialisme triomphant des années 1890.

Enfin le plus original est peut-être l'appel aux traditions persanes postérieures, qui, au fil des dynasties successives, ont conservé, et par-delà l'invasion arabe, le souvenir des figures de Dara (Darius) et d'Iskender (Alexandre).
Au total, ce livre est d'un très grand intérêt, et dépasse largement le souverain achéménide qui a servi de prétexte initial. Reposant sur une érudition multiple qui aide le lecteur cultivé sans jamais lui peser, l'ouvrage a su approfondir des questions complexes pour mieux les éclairer. Et comme les outils sont utiles, l'ouvrage est servi par une bibliographie ordonnée très commode, un index, et une précieuse table des sources, ce qui pourra en faire un instrument de référence précieux, et un exemple de méthode.


Michel Debidour
( Mis en ligne le 05/09/2003 )
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