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Charles de Gaulle / Bibliographie

De Gaulle dans la Pléiade
Charles de  Gaulle   Charles de Gaulle : Mémoires
Gallimard - Bibliothèque de la Pléiade 2000 /  10.37 € -  67.94 ffr. / 1505 pages
ISBN : 2070115836
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Fleuron des Editions Gallimard, la collection de la Pléiade a, depuis 1931, l'ambition de réunir, sous une forme aisément maniable mais de haute qualité, les chefs-d'oeuvre de la littérature mondiale. Y accéder est une consécration. Les ouvrages visent à offrir sous le moindre volume au lecteur moderne un texte qui passe pour définitif, enrichi d'un apparat semi-critique. Imprimés sur papier bible, reliés en pleine peau avec une sobre élégance, ils sont assortis d'introductions dues à des spécialistes, ainsi que d'annexes et de notes éclairant le texte et sa genèse sans tomber dans la lourdeur fastidieuse d'une édition érudite.

La nouvelle édition des Mémoires de De Gaulle réunit en un seul volume les deux séries de ses Mémoires: le texte des trois volumes des Mémoires de guerre, parus respectivement en 1954, 1956 et 1959; et celui de ses Mémoires d'espoir, ouvrage inachevé qui relate son retour au pouvoir en 1958 et les premières années de sa présidence. Deux introductions les précèdent, une introduction historique due à Jean-Louis Crémieux-Brilhac, récent auteur de La France Libre, 1940-1944 (Editions Gallimard, Paris, 1996) et une étude sur De Gaulle écrivain, signée de Marius Guyard, ancien recteur de l'université de Lyon et professeur émérite à la Sorbonne.


Un total cumulé de quelque deux millions et demi d'exemplaires vendus en France, des éditions dans près de vingt-cinq langues étrangères, un accueil enthousiaste de la presse aux deux premiers tomes, tel a été à ce jour le succès des Mémoires du général de Gaulle: seul l'a dépassé celui des Mémoires sur la Deuxième guerre mondiale de Churchill. Leur réédition dans "La Pléiade" manquait à la fortune littéraire de leur auteur: ils y prennent place après Claudel et Sartre.

A quoi tient ce succès persistant? Et ce nouvel honneur? Bien évidemment à la qualité de l'écrit, à la singularité du personnage et au rôle qu'il a joué sur la scène politique du XXe siècle. Passé le temps des hagiographies et avec le recul d'une génération, l'événement qu'est cette réédition incite à relire l'oeuvre d'un oeil neuf.

De Gaulle avait l'ambition de l'écrivain. Ce fils d'un professeur de lettres, bien que profondément militaire, plaçait dans la hiérarchie des hommes illustres les grands philosophes et les grands écrivains avant les grands politiques et les grands militaires. Contrairement à tant d'hommes d'Etat, il a rédigé lui-même tous ses discours et tous ses ouvrages. L'examen de ses manuscrits, qui n'avait jamais été fait, prouve son extraordinaire souci de la composition et du style. A chaque volume correspondent un premier manuscrit écrit au stylo et complètement raturé, un deuxième manuscrit entièrement recopié au net de sa main et qui n'est pas exempt de remaniements, une première version dactylographiée, corrigée à nouveau à la main, une seconde dactylographie, où apparaissent encore des retouches, enfin des épreuves d'imprimerie où quelques mots, çà et là, sont encore changés. Son ambition semble bien d'égaler les Mémoires d'Outre-tombe de Chateaubriand, dont il s'est largement inspiré.

Grand écrivain? L'épithète a été débattue. Un concert de louanges a salué en lui, à la première parution, un nouveau Saint-Simon ou un autre Tacite. Très bon écrivain, à tout le moins, d'une remarquable singularité et maniant avec une aisance souveraine le grand style classique à la française, qui seul lui paraissait compatible avec la dignité de son sujet, c'est à dire de lui-même et de la France. Sans doute n'écrit-on plus en l'an 2000 comme écrit le général de Gaulle: "le plus grand historien latin de langue française", concluait Claude Roy, critique pénétrant, alors proche des communistes et partagé entre l'admiration et la méfiance politique. La clarté du récit, la hauteur de vues, la frappe de certaines formules, la qualité soigneusement pesée des portraits de Pétain, Laval, Churchill, Roosevelt, Eisenhower, Giraud, Staline, l'humour bref et inattendu, enfin, de certains passages font incontestablement des Mémoires de guerre une oeuvre. Les Mémoires d'espoir, écrits en 1969-70 avec la hâte de devancer la mort ne sont pas de la même veine: mais certaines pages brillantes (sa rencontre avec Staline) ou l'alacrité jubilatoire et provocatrice qu'il met à fustiger ceux qu'il appelait en privé "les politichiens" sont, ici encore, d'un écrivain de classe.

Cependant l'intérêt qu'ont suscité et que suscitent encore ces Mémoires tient évidemment plus qu'au style à la singularité de l'homme et de son rôle. Ce théoricien de l'arme blindée qui, "prenant en mains l'honneur de la France" le 17 juin 1940, fera remonter le pays de l'abîme pour lui redonner sa place au premier rang des vainqueurs, ce personnage inflexible qui aura dit non à Pétain, non à Churchill et Roosevelt quand ils lui semblaient méconnaître les droits de la France, non à la Constitution de la IVe République, non à l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun, non à la subversion pendant la guerre d'Algérie puis pendant le troubles de mai 1968, ce décolonisateur, ce faiseur d'institutions nouvelles, cet acteur qui va sur la scène internationale sceller la réconciliation avec l'ennemi héréditaire allemand et n'hésite pas à aller dire leurs vérités aux Etats-Unis dans un discours retentissant prononcé à Phnom Penh ou à clamer à Montréal "Vive le Québec libre!", on ne peut en douter - et qui en doute aujourd'hui? -, il aura été, dans sa rationalité si particulière comme dans sa démesure, la plus puissante et la plus inhabituelle figure politique française depuis Napoléon Ier. Et de surcroît, pourvoyeur de mythes.

On retrouve bien à travers ses Mémoires, subtilement magnifié (mais c'est la loi du genre), l'homme qui a voulu et su donner aux Français une plus digne image d'eux-mêmes que ne le permettaient les hontes de Vichy et qui aura, plus que tout autre, marqué de son empreinte la France du XXe siècle.

Ainsi les Mémoires, dans la mesure où ils relatent des péripéties et des drames sans exemple dans l'histoire de la France et illustrent la capacité que peut avoir un homme d'exception d'infléchir le cours des choses, ont constitué un apport exceptionnel à la connaissance du temps. Leur intérêt historique et leur valeur documentaire ont été de premier ordre - et le restent, en dépit du passage des années. Il faut rappeler que, lors de la publication des deux premiers volumes des Mémoires de guerre, en 1954 et 1956, les archives étaient encore inaccessibles et que les Français ne connaissaient guère de l'épopée de la France Libre que l'appel du 18 Juin et l'apothéose de la libération de Paris. On ne savait rien ou presque des luttes menées par le chef de la France Libre pour donner vie à celle-ci, pour faire renaître la souveraineté française, pour prendre en main la Résistance intérieure et pour recréer un Etat capable de s'imposer, à l'heure de la Libération, dans l'enthousiasme d'un rassemblement national, sur les décombres du régime de Vichy. L'Appel et Le Salut, qui couvrent la période de 1940 à 1944, furent, en leur temps, une révélation.


Dans les Mémoires d'espoir, le récit de la guerre d'Algérie, fait par celui qui parvint à y mettre fin sans guerre civile généralisée et sans atteintes irrémédiables à la légalité est d'un intérêt puissant; de même la relation des circonstances si controversées dans lesquelles il imposa l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Les Mémoires n'en sont pas moins une réécriture de l'histoire. Il y est donné plus d'un coup de pouce à l'exactitude des faits, à commencer par l'épisode du 18 juin 1940: car si le texte de l'Appel à poursuivre le combat date bien de ce jour dans la version superbe que nous connaissons, il ne fut pas radiodiffusé sous cette forme; quant à l'appel connu comme celui du 19 juin 1940, il ne fut ni diffusé, ni rédigé à cette date. Dans la suite des évènements, des incidents peu glorieux ou des choix politiquement délicats, comme le maniement de "l'insurrection nationale", en 1944, sont volontiers passés sous silence. En revanche, le Général, impatient de toute atteinte portée par ses alliés aux droits d'une France dont il se voulait le garant et le symbole, met complaisamment l'accent sur tous les accrochages au cours desquels il sut faire front à Churchill et trace non sans raison, mais avec un inégal souci d'équité, une image dévastatrice de la politique de guerre des Etats-Unis à l'égard de la France. De même, la vision qu'il accrédite de la Résistance intérieure française, sans être aucunement biaisée, est très strictement gaullienne: non qu'il conteste l'existence d'une résistance autochtone du peuple français à l'envahisseur allemand et au régime de Vichy; mais il entend affirmer que l'acte fondateur de la Résistance est son appel du 18 Juin 1940 et que, sans l'action unificatrice menée, sous son égide, par Jean Moulin, il y aurait eu en France "des résistances, mais non pas une Résistance" ce qui est très exactement le contre-pied des thèses "résistantialiste" et communiste.

Cette réécriture de l'histoire ne diminue pas, il faut le souligner, la valeur du récit ni, pour l'essentiel, sa véracité. Elle lui donne une tonalité. Et elle répond à un dessein qui est un dessein politique. Elle ne s'inspire pas d'un esprit partisan, au sens courant du terme. Le général de Gaulle, de formation traditionaliste et catholique, républicain de raison tout imprégné de la tradition du légitimisme constitutionnel du XIXe siècle, entend n'être ni de gauche, ni de droite, mais être l'homme des "intérêts supérieurs du pays".

La première phrase, si célébrée, de ses Mémoires de guerre: "Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France" pourrait passer pour une banalité si l'idée de la France qui imprègne ses Mémoires et qui aura sous-tendu son action ne tirait sa puissante originalité du degré de passion dont elle s'accompagne. Car, selon le mot de son dernier biographe britannique, le général de Gaulle aura été le dernier grand homme ayant la passion de la France. Non qu'il oppose un Frankreich über alles au Deutschland über alles du nationalisme allemand. La France est, à ses yeux, dotée d'une mission parmi les nations, qui lui impose l'exemplarité et la grandeur. Mais la désunion des Français, leur capacité d'indiscipline et de frénésie expose leur pays à des catastrophes exemplaires autant qu'à des succès étonnants.

Dans les phases de danger national, il s'est toujours trouvé un personnage hors du commun pour inspirer et symboliser le salut: Jeanne d'Arc pendant la guerre de Cent ans, Henri IV pendant les guerres de religion du XVIe siècle, Clemenceau en 1917. C'est à lui qu'est revenue la mission en 1940 et en 1958. Ainsi les évènements que retracent les Mémoires sont sans cesse réinsérés dans la continuité d'une histoire de France dramatisée, et, en même temps, fondés sur la relation personnelle que le général de Gaulle entretient avec cette entité vivante qu'est la France. De sorte que ses Mémoires sont beaucoup plus qu'une relation événementielle: ils sont le récit du drame de la chute et du salut de la France au XXe siècle et le révélateur d'une personnalité hors normes, qui aura été l'agent du salut.

Sa relation avec la France - qu'il en est venu à incarner- se traduit, en effet, dans les Mémoires, par une sorte de dédoublement, sinon même de détriplement de la personnalité de l'auteur, comme le politologue américain Stanley Hoffmann l'a souligné le premier. L'homme privé Charles de Gaulle n'y apparaît à peu près pas: au plus quelques lignes font allusion à sa famille ou aux évènements qui affectent sa vie personnelle. Seul apparaît le personnage de Gaulle, que lui-même nomme, en plus d'un passage, à la troisième personne: de Gaulle. Il a conscience d'être devenu le symbole d'une cause transcendante l'incarnation contingente, mais d'autant plus irremplaçable, de la France éternelle. Il se moule dans l'armure du Commandeur. Il s'impose toutes les contraintes du rôle. Tant il est certain que par sa voix s'exprime la voix de la France.

De là vient la légitimité dont il s'estime revêtu. Cette légitimité n'a cessé de s'amplifier au cours de la guerre à mesure que s'amplifiait la mystique dont il était la source; elle a été consacrée comme en un sacre par l'onction populaire, lorsqu'il a descendu les Champs-Elysées dans Paris libéré, le 25 août 1944. Légitimité unique, plus puissante que celle dont se prévaut la IVe République, légitimité qu'il a conservée, latente mais inaltérable, de 1946 à 1958, durant sa "traversée du désert", et qui lui impose la contrainte de l'exemplarité. Il se doit toutefois de la faire confirmer périodiquement par le referendum ou l'élection, car, écrit-il, la voix du peuple est de nos jours "la voix de Dieu". Ce qui explique son immédiate démission en 1969, lorsque pour la première fois le peuple français "lui a manqué" en le mettant en minorité. C'est ainsi la conjonction d'un homme de la France ancienne et d'un homme moderne respectueux du verdict populaire ou, comme l'a écrit Malraux, d'un homme d'avant-hier et d'un homme d'après-demain, qu'il faut constamment avoir en vue à la lecture des Mémoires.

De surcroît, le sens des deux ouvrages, Mémoires de guerre et Mémoire d'espoir, n'apparaît pleinement que si on reconnaît la volonté pédagogique qui les inspire. Ils ne sont ni des mémoires de cape et d'épée, ni des mémoires purement événementiels, ni encore moins les mémoires d'une âme. Ils sont des mémoires d'Etat. Ils visent à l'éducation des Français. Ils doivent leur rappeler la mission de leur pays, les abîmes où de mauvais bergers peuvent les précipiter, les grands exemples que lui-même et les siens leur ont donnés, la grande époque pendant laquelle il a été aux affaires. Ils doivent par dessus tout leur enseigner "la grandeur", c'est à dire la constante aspiration au dépassement. Il s'agit de bien davantage que d'une simple exhortation à l'indépendance nationale et au courage civique, fondamentaux, pourtant, à ses yeux. La tâche qu'il s'est assignée en rédigeant les Mémoires d'espoir est beaucoup plus importante que de gouverner, explique-t-il à ses proches peu avant de mourir: il écrit pour les générations à venir afin que de nouvelles moissons lèvent après lui.

On perçoit ici toute la singularité de l'entreprise. Elle appelle une lecture à deux niveaux de ses Mémoires: celui de la chronique évènementielle et celui du message du maître d'énergie. Après avoir rendu à la France "l'indépendance, l'Empire, l'épée", puis s'être acharné à assurer sa stabilité institutionnelle, à la mettre sur les rails de la modernité et à imposer sa voix dans le monde, il entend la guider vers un avenir où elle saura se préserver en tant qu'Etat-nation, digne d'un grand passé.

Extraordinaire parcours de ce rebelle surgi à l'âge de cinquante ans dans l'histoire, dont le principat fut celui d'un monarque républicain en rupture avec la tradition politique française du dernier siècle et qui aura assuré la pérennité de la nouvelle République par son départ même du pouvoir. Qu'il y ait de l'illusionniste chez cet "artiste de la politique", comment en douter et lui-même, en privé, ne s'en cachait pas. Son mythe, ou sa légende lui survit, aussi bien que le souvenir de son oeuvre. Chef de guerre et chef d'Etat, son empreinte n'a pas fini de se faire sentir. Il a pu être en butte à des haines acharnées et, plus simplement à l'opposition de ceux qui n'avaient pas la même idée de la France que lui, mais une sorte de consensus s'est fait aujourd'hui sur son nom et sur son héritage. Il achève de prendre sa place parmi nos gloires nationales. Les Français n'auraient pas, sans lui, la même vision d'eux-mêmes, ni peut-être de leur histoire depuis la Révolution française. Ses Mémoires auront puissamment contribué à prolonger son action et à dresser sa statue, je veux dire à imprimer dans l'esprit des Français l'image de lui-même qu'il tenait, dans la continuité française, à leur léguer.



Jean-Louis Crémieux-Brilhac
( Mis en ligne le 12/05/2000 )
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