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Un livre diablement attachant
Ghislain, de  Diesbach   L'abbé Mugnier - Le confesseur du Tout-Paris
Perrin 2003 /  3.28 € -  21.50 ffr. / 340 pages
ISBN :  2-262-01970-3
FORMAT : 14 x 23 cm

L'auteur du compte-rendu : Jérôme Grondeux est maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Paris IV-Sorbonne. Ses recherches portent sur l’histoire des idées en France au XIXe siècle. Il a publié une Histoire des idées politiques en France (1815-1914) (La Découverte, 1998), La France entre en République 1870-1893 (Le Livre de Poche, 2000) et La religion des intellectuels français au XIXe siècle (Privat, 2002).
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Ceux qui aiment l’histoire de la littérature et du catholicisme connaissent le Journal de l’abbé Mugnier, en partie publié au Mercure de France en 1985, dans la belle collection «Le Temps retrouvé». Indiscrétions, réflexions faussement primesautières, non-conformisme, amour de la littérature… cet admirateur de Chateaubriand et de Georges Sand, né en 1853 et mort en 1944, qui fréquenta Huysmans, joua un rôle décisif dans sa conversion et devint, grâce à son esprit (on cite de lui de nombreux «mots», qu’on retrouve dans cette biographie) et sa très large tolérance envers les libres penseurs, une sorte d’aumônier du grand monde et des milieux littéraires.

Il connut et apprécia Anatole France, Paul Léautaud, Cocteau, la famille Daudet, Anna de Noailles et bien d’autres ; il fut à l’origine de la fondation de la Société Chateaubriand. Son tact, fruit d’une extrême délicatesse envers les personnes, opérait mieux sur ce terrain que dans le catholicisme très divisé de son époque (il note plaisamment le 6 février 1912 : «On ne tient tant aux dogmes chez les catholiques que pour avoir une solide raison de se cogner les uns sur les autres»), et s’il célébra des mariages, s’il accompagna bien des mourants, s’il se vit confier bien des missions délicates dans la bonne société, il n’obtint jamais ne serait-ce qu’une cure.

Fermé à l’antisémitisme, au nationalisme (au point de ne pas même être entraîné par l’antigermanisme durant la Première Guerre mondiale), persuadé que l’Enfer, s’il existe, est vide, accomplissant toute sa vie ses devoirs de prêtre alors qu’il a si peu choisi cet état, doué de la faculté d’admirer curieusement unie à un esprit parfois caustique, l’homme, s’il se soucie peu d’élaborer un système qui lèverait certaines contradictions, est éminemment sympathique, du moins à ceux en qui vibre une fibre libérale, voire individualiste.

Ghislain de Diesbach, auteur de «nombreuses biographies à succès», comme on le précise sur la quatrième de couverture, avait déjà préfacé l’édition du Journal; il s’attache cette fois à nous donner du bon abbé une biographie complète. Entreprendre la biographie d’un mémorialiste, comme il le dit lui-même, est une tâche difficile. Il s’est appuyé, pour ne pas s’en tenir à un commentaire qui n’aurait rien apporté aux lecteurs du journal publié, sur l’ensemble des notes de l’ecclésiastique et d’autres documents inédits, en particulier des correspondances.

Ne boudons pas notre plaisir : le pari est gagné, le style est alerte, la langue coulante, et le portrait extrêmement vivant. Les qualités et les défauts sont ceux des biographies «grand public», - avec en plus le mérite de mettre en relief une figure peu connue. Si les biographies universitaires noient parfois leur personnage, tendant à en faire un prétexte pour poser des problèmes plus généraux ou mieux comprendre une époque, nous trouvons ici un homme. Ce livre est très vivant, très humain.

Qu’y manque-t-il ? Un recul à la Sainte-Beuve, celui qui naîtrait d’une connaissance plus affirmée du contexte. Le seul ouvrage sur l’histoire du catholicisme cité dans la bibliographie est celui d’Adrien Dansette, paru en 1951. Un bon ouvrage d’histoire peut bien vieillir. Mais en l’occurrence, la perception des courants du catholicisme français d’avant 1914 a été considérablement renouvelée par les travaux et les synthèses de Jean-Marie Mayeur, d’Émile Poulat, de Gérard Cholvy et d’Yves-Marie Hilaire (sans parler du travail de Frédéric Gugelot sur les convertis au catholicisme de 1885 à 1935) ; certaines prises de positions de l’abbé Mugnier en seraient devenues un peu moins originales, et certainement plus claires, alors qu’on va jusqu’à employer (p.18) le mot «fondamentalisme» là où il faudrait «modernisme» ou «libéralisme» à son propos.

Connaître les grands enjeux – c’est certainement une difficulté pour les historiens de métier quand ils veulent écrire pour le grand public – conduit à freiner sa plume, et à se priver souvent du bonheur de caricaturer. De cette liberté de l’écrivain, Ghislain de Diesbach use et abuse. L’exécution qu’il fait de Léon Bloy (p.157-165) fera du bien à beaucoup de personnes, et on a souvent le sentiment que l’auteur «tape» juste. Mais cela le conduit à passer sous silence d’autres facettes de ce personnage, comme l’originalité de ses conceptions sur le judaïsme ou son rôle dans la conversion du couple Maritain ; à ne pas le resituer dans un courant, celui de l’intransigeantisme apocalyptique, porteur d’une interprétation très particulière de l’Histoire (rappelons que son ouvrage curieux, L’Âme de Napoléon a été réédité cette année chez Gallimard, avec une préface de Laurent Joffrin).

Hyacinthe Loyson, figure certes moins «iconique» que Léon Bloy, en prend aussi pour son compte : lui qui refusa le dogme de l’infaillibilité pontificale a quitté l’Église romaine. «L’orgueil démesuré» du personnage, auquel «l’autorité du pape semblait (…) porter ombrage» est invoqué… Il aurait mieux valu ajouter ou substituer à ces considérations moralisantes quelques lignes sur le combat perdu du camp libéral contre l’infaillibilité, et prendre un peu plus au sérieux la volonté du «père Hyacinthe» de réconcilier catholicisme et modernité. Isoler un personnage, c’est parfois se condamner à ne pas le comprendre.

La plume agile de l’auteur est parfois rapide : Anna de Noailles est «animée de ce besoin de dominer, propre aux Roumains», qui apprécieront. Juliette Heuzey, la seconde épouse de Georges Goyau, romancière catholique, avait comme pseudonyme Jules-Philippe Heuzey, puis Juliette Heuzey-Goyau : elle est appelée «J. Ph. Meuzey-Goyau» (p.189), «J.-Ph. Meuzey-Guyau» (note 3 de la p.300), et «Meuzey-Gougau» dans l’index. Enfin, il faudrait parfois marquer quelque distance par rapport aux affirmations de l’abbé : les pages 237-238 tendant à montrer que les femmes du monde qui se font infirmières pendant la Première Guerre mondiale sont motivées par le désir de manipuler le corps de jeunes soldats révèlent une certaine misogynie ecclésiastique, qui règne aussi dans de nombreux passages des Carnets du cardinal Baudrillart.

Certains défauts tiennent au genre de l’ouvrage ; et on trouve toujours des scories. Il n’empêche : ce livre, orné en couverture d’un magnifique portrait réalisé par la comtesse Greffulhe, est (comme aurait peut-être dit l’abbé Mugnier) diablement attachant.


Jérôme Grondeux
( Mis en ligne le 19/09/2003 )
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