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Une passion française
Gisèle  Loth   Un Rêve de France, Pierre Bucher - Une passion française au coeur de l’Alsace allemande
La Nuée bleue-Editions de l’Est 2000 /  3.38 € -  22.14 ffr. / 350 pages
ISBN : 2-7165-0527-6
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L’ouvrage se présente comme une biographie - certes, celle d’un personnage assez exceptionnel- mais c’est aussi le tableau d’une époque cruciale pour l’Alsace. La "question d’Alsace-Lorraine", devenue un des enjeux de la politique européenne à la fin du XIXe siècle, est en effet l’occasion d’une prolongation, souterraine en pleine paix, de la lutte entre la France et l’Allemagne, qui trouve un épilogue (tout provisoire) sur le champ de bataille de la Grande Guerre. Pierre Bucher, une des plus hautes figures de cette période, est ici hissé au rang du symbole, comme le suggère d’emblée le titre.

En lui, dès le départ, l’enfant dévoile l’homme qu’il deviendra. On découvre un résistant résolu dans la continuité d’une tradition familiale bien ancrée, face au professeur qui avait décelé des promesses qu’il souhaitait orienter au service de la cause allemande. Très rapidement, médecin réputé dans sa sphère, il va aussi et surtout se révéler comme une force majeure de la permanence alsacienne française, placée sur les plans intellectuel et artistique.

L’entreprise se construit d’abord autour du groupe de Saint-Léonard et des Images alsaciennes, puis surtout de la Revue alsacienne illustrée, à l’origine fondée par Charles Spindler avec l’appui du mécène Anselme Laugel. Ce sont ensuite les célèbres conférences qui gravitent dans le sillage de la revue, dont Bucher devient vite le maître d’oeuvre infatigable avec des collaborateurs très proches comme le docteur Fernand Dollinger ou la poétesse Elsa Koeberlé, et plus tard des Cahiers alsaciens en complément S’y ajoute enfin le Musée alsacien, peut-être son grand oeuvre. Dans ces cadres variés, Bucher entretient des contacts suivis avec des personnalités françaises en vue et sollicite maintes collaborations. Parmi les écrivains les plus connus qu’il rencontre et avec qui il correspond, citons seulement Paul Claudel, Anna de Noailles et Charles Guérin; Jean Schlumberger et Jacques Rivière (de la Nouvelle revue française) et, à une place privilégiée, le René Bazin des Oberlé et Maurice Barrès. Dans le domaine de l’art, c’est entre autres Auguste Rodin ou Florine Langweil, de la grande galerie de peinture parisienne, qui croisent sa route. Voilà tout un monde d’influence qui offre en même temps une large caisse de résonance.

Pour reprendre le mot de Redlob cité par l’auteur, Bucher se retrouve donc au centre d’une véritable "contre-université française". Sans rien de rigide, cette structure fait pièce de l’intérieur à l’Université officielle (où il a toutefois été contraint de faire ses études de médecine) que l’Allemagne a voulu prestigieuse pour hâter l’assimilation. Il la prolongera tout le temps de la guerre en terre alsacienne restée française sous la forme de "l’Académie de Réchésy". Comme une conclusion logique de la tâche accomplie, il contribuera activement aussi à la restauration de l’Université française de Strasbourg, sans y mettre d’ailleurs aucun ostracisme, puisque des Allemands respectueux de l’âme alsacienne (comme Sattler ou Wittich) y seront appréciés sinon associés. Il formait le voeu de voir l’Alsace jouer un rôle de médiatrice dans la perspective d’une future réconciliation entre les ennemis dits héréditaires.

A la source de cette action d’une remarquable efficacité, on trouve un idéal d’une grande élévation. La fidélité sans faille à cet idéal fait la grandeur du combat. Les seules concessions, toutes apparentes du reste, qu’elle souffre sont celles, imparables, qui découlent du statut juridique des provinces cédées par le traité de Francfort. Le refus du service militaire, par exemple, aurait impliqué inévitablement la ruine de l’entreprise de Bucher, une sorte de désertion en rase campagne. L’émigration ? - "plus funeste à l’Alsace que la bataille de Froeschwiller", faisait dire Barrès au père d’Ehrmann (alias Bucher). "Notre devoir d’Alsacien est en Alsace", pour maintenir. Mais pour l’animateur de la Revue alsacienne illustrée, la formule n’a pas pour autant valeur d’exclusive. Tout au contraire, il fortifie son combat du précieux concours qu’il trouve auprès de compatriotes qui ont quitté la province après 1870. Comment passer sous silence, notamment, son amitié féconde avec Edouard Schuré dont Gisèle Loth souligne la profonde influence? Car on ne dira jamais assez l’importance de ces liens qui se sont maintenus tout au long de l’exil et qui se sont même renforcés entre les "cousins de l’Intérieur" et ceux demeurés sur la terre natale. Ce n’est pas l’un des moindres intérêts de l’ouvrage que d’avoir fait revivre tout ce monde.

C’est encore une fois le service de l’idéal qui engage Bucher à quitter tout de même l’ombre familière de la cathédrale de Strasbourg, au risque de perdre à jamais tout ce qui lui est le plus cher, lorsque le destin de l’Alsace se déplace sur le terrain de la guerre. "Vous avez organisé la résistance, maintenant vous organisez la conquête", lui écrit l’ami Schlumberger De nouveau, il y consacre toutes ses ressources. La qualité de son action au centre de renseignements de Réchésy lui méritera l’appréciation ("la satisfaction") de Clemenceau lui-même.

Aussi n’est-il pas étonnant que la libération de l’Alsace appelle Pierre Bucher à une fonction nouvelle (en réalité, son rôle de toujours, mais adapté à une situation nouvelle). Il se mue en une sorte d’éminence grise auprès des autorités françaises placées à la tête de la région. Mais, en retour, cet engagement lui vaudra bientôt de ressentir le contrecoup des dysfonctionnements et incompréhensions consécutifs à l’installation de l’administration française, sinon déjà des déceptions qui commencent à pointer. "La République n’était-elle pas bien plus belle sous l’Empire ?", revers de toute médaille. Bucher doit assumer sa part de responsabilité, ce qui l’amène à se placer en retrait, fidèle à sa dignité. Il disparaîtra avant que les frictions ne dégénèrent en conflit ouvert.

Le livre de Gisèle Loth se lit comme un roman, et ce n’est pas là son moindre mérite. Rien de romancé pourtant dans la matière. Si l’auteur a pu faire revivre son personnage, et à travers lui toute une époque, c’est en puisant aux sources historiques les plus sérieuses, diverses, multiples. Pierre Bucher tiendrait-il alors du romanesque ? L’homme est certes doté d’une stature qui tranche sur le commun, et à ce titre il est digne d’un héros de roman. S’il est hanté par un "rêve de France", ce rêve demeure lucide, raisonné, et s’il le poursuit avec passion, c’est aussi avec maîtrise et prudence, toujours réaliste en définitive, comme l’événement le montrera avec éclat.

Bucher apparaît alors comme un contemporain capital. Barrès ne s’y était pas trompé, qui l’avait pris comme modèle de son Ehrmann, le héros du roman qu’il a intitulé - par antiphrase bien entendu - Au service de l’Allemagne. Voici un personnage emblématique non pas de l’Alsace toute entière (certes pas celle des immigrés de la Vieille-Allemagne venus s’y établir en foule, ni de la frange autochtone qui s’est laissée séduire, ni même non plus d’une masse apathique ou résignée qui se contente de subir les événements), mais à coup sûr d’un pan majeur, en expansion vigoureuse, celui en tout cas qui recèle alors les promesses de l’avenir.

Si le livre se lit si facilement, cela est dû à la rencontre de tous ces acteurs qui gravitent autour du personnage central. L’auteur les esquisse d’un trait plus ou moins rapide mais concret, dans leurs milieux naturels variés, avec leurs ramifications diverses et leurs imbrications. On ne peut que regretter un certain émiettement du détail, rançon quasi-inévitable d’une organisation chronologique à laquelle le genre biographique peut difficilement se soustraire. Le plaisir de la lecture provient aussi de la clarté et en général de l’agrément du style, sans oublier la chaleur discrète dont Gisèle Loth anime son personnage.

Un Rêve de France mérite donc de trouver place dans toutes les bibliothèques, et pas seulement confiné au rayon des Alsatiques.


Jean-Noël Grandhomme
( Mis en ligne le 14/05/2001 )
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