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De l’art d’accommoder les restes
Marie-Monique  Robin   Escadrons de la mort, l'école française
La Découverte - Cahiers libres 2004 /  3.36 € -  22 ffr. / 453 pages
ISBN : 2-7071-4163-1
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu: Gilles Ferragu est maître de conférences à l’université Paris X – Nanterre et à l’IEP de Paris.
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C’est peut être l’un des héritages les plus inquiétants de la décolonisation : la théorie de la guerre psychologique et ses méthodes, au nom d’une lutte contre la guerre révolutionnaire et le communisme. Cette théorisation trouve ses fondements dans un milieu restreint d’officiers français, de ces «centurions» passés par toutes les guerres. En effet, l’armée française, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, se retrouve en Indochine face à un conflit d’un nouveau genre, où la supériorité technique et aérienne n’est pas, loin s’en faut, le gage d’une victoire rapide et assurée. De Cao Bang à Dien Bien Phu, les officiers, dont nombre sont issus de la Résistance (et donc d’une certaine école de guérilla) découvrent ou redécouvrent un type de guerre méprisé par le haut commandement français, alors même que dans la Chine proche, la victoire de Mao Zedong révèle son efficacité et son inquiétante modernité. Il s’agit donc de s’adapter et de comprendre ces méthodes, puis d’y convertir les institutions militaires – parfois obtuses - afin de pouvoir lutter efficacement. Les acteurs de cette prise de conscience ne sont pas, à quelques exceptions notables, des personnalités connues : ainsi le colonel Lacheroy, qui est l’initiateur de la doctrine… Mais on y croise quelques noms plus fameux, comme le futur général Aussaresses, Bigeard ou Massu…

De la prise de conscience indochinoise, on passe logiquement à la mise en application algérienne : l’armée qui abandonne le Vietnam est une troupe déçue, amère et qui a soif de vengeance. Et bien évidemment, la rébellion algérienne est immédiatement comparée au mouvement Vietminh : il s’agit donc d’appliquer ici les principes acquis là-bas. La guerre psychologique s’instaure, tant du fait des militaires que des barbouzes du SDECE et du 11e choc, et se dote d’institutions. L’escalade de la violence est inévitable, et ses déchaînements, de part et d’autres (les exactions ne sont jamais le fait d’un seul camp) sont connus. La lutte contre la subversion communiste, un certain traditionalisme religieux (autour de la Cité catholique, qui conjugue intégrisme et nationalisme) et la raison d’Etat vont justifier des pratiques de temps de guerre (là où il n’y a encore qu’une «opération de police»), voire pire. L’armée devient pour certains une force non pas nationale mais politique, dont la mission première est de lutter contre le marxisme de toutes les manières. Et l’Algérie française va rapidement incarner un môle de résistance, y compris contre la métropole et le gouvernement français lui-même. L’OAS aura souvent réutilisé les compétences des centurions en les tournant contre les civils, qu’ils étaient censés défendre.

Mais cette théorie connaît une popularité qui dépasse largement les cercles militaires français : dans le contexte du containmnent et de la Guerre froide, la «guerre révolutionnaire» traverse l’Atlantique, et s’implante notamment en Amérique latine, où elle trouve un terrain plus que fertile. Via la cohorte d’élèves étrangers (35 nationalités représentées) admis à l’Ecole supérieure de guerre française et à d’autres institutions militaires d’enseignement supérieur, la théorie française s’exporte sans difficulté aux Etats-Unis, au Chili, au Brésil, en Argentine ainsi que dans de nombreuses puissances coloniales européennes (Belgique, Espagne, Portugal) également menacées par les mouvements de décolonisation. A l’époque (les années 1950/60), on peut dire qu’un spectre hante l’Europe, et qu’il a pour nom subversion. De l’OAS aux escadrons de la mort et autres milices d’extrême droite, la mise en pratique sera sanglante.

M.-M. Robin, titulaire d’un prix Albert Londres pour son enquête sur les trafiquants d’organes, livre ici le résultat de deux années de recherches, de lectures, d’enquêtes et d’interviews ; le moins que l’on puisse dire, c’est que ce résultat est édifiant (en particulier pour certains entretiens avec des généraux argentins…). Le livre commence par une description assez saisissante d’une commémoration de l’Algérie française et de ses défenseurs : on y croise le gratin de l’Algérie française et du nationalisme-IVe république. Dès ces premières pages, il n’y a guère d’ambiguïtés sur les discours qui seront tenus, et les personnalités qui les tiennent : nous sommes dans ce «sombre continent» des guerres et des idéologies. De l’Indochine à l’Argentine, M.-M. Robin se penche avec attention sur l’évolution d’une doctrine politico-stratégique dont l’influence sur le XXe siècle est indiscutable. Au final, voilà une enquête bien menée (interviews de différents acteurs français et étrangers, de divers «camps», biographies diverses) qui manque parfois d’archives (mais ce manque est compensé par l’utilisation de quelques travaux universitaires importants comme ceux de Paul et Marie-Catherine Villatoux ou de Gabriel Périès).

L’ouvrage, sans langue de bois ni jugement a posteriori, se lit aisément, comme une belle démonstration de ce que le journalisme d’investigation peut exhumer, et révèle – à notre époque de «mort des idéologies» - le poids et les héritages de ces dernières.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 15/09/2004 )
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