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S.O.S.-Attentats
Françoise  Rudetzki   Triple peine
Calmann-Lévy 2004 /  2.9 € -  19 ffr. / 356 pages
ISBN : 2-7021-3394-0
FORMAT : 15x23 cm

L’auteur du compte rendu : agrégée d’histoire et docteur en histoire médiévale (thèse sur La tradition manuscrite de la lettre du Prêtre Jean, XIIe-XVIe siècle), Marie-Paule Caire-Jabinet est professeur de Première Supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Elle a notamment publié L’Histoire en France du Moyen Age à nos jours. Introduction à l’historiographie (Flammarion, 2002).
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On pouvait tout craindre en ouvrant le livre Triple peine de Françoise Rudetzki, barré par le bandeau de l'éditeur : "Par la fondatrice de S.O.S.-Attentats.". Ce type de témoignage, souvent mal écrit (ce qui est d'ailleurs le cas, au moins au début de l'ouvrage), appelle en général davantage l'émotion que la réflexion, et laisse peu de traces, une fois passé le succès de mode. Le titre lui-même, Triple peine, semble placer l'ouvrage sur ce registre. Chacun sait désormais, grâce à une campagne médiatique assez active, que la triple peine subie par l'auteur est l’addition des graves séquelles physiques liées à l'attentat du Grand Véfour, où F. Rudetzki et son mari dînaient pour célébrer leur anniversaire de mariage, le 23 décembre 1983, le Sida contracté à la suite d'une transfusion, et la shoah dont a été victime une grande partie de sa famille.

Elle s'explique d’ailleurs sur le mot peine : "Attention! Si j'écris "triple peine", j'entends le mot "peine" dans le sens de douleur infligée, de souffrance physique et morale, de tristesse et de désolation. Je n'emploie pas ce mot dans le sens de la punition, de la sanction." (p.152). Le livre est dédié à "Déborah [sa fille], à William [son frère], à ma famille, aux victimes". Le lecteur peut en fait penser qu’il est surtout écrit pour son mari, Maurice, qui l'a quittée après quinze ans de soutien indéfectible ; les dernières phrases s'adressent à lui : "Mais ce qui me tenait le plus à cœur, mon amour avec Maurice, je n'ai pas su le sauver. Je ne réussirai jamais à m'en consoler" (p.355) ; c'est la seule plainte sur elle même que s'accorde l'auteur. Leurs vies ont été brisées le jour de l'attentat, comme l'est celle des victimes de tout attentat, ce que symbolise le logo de l'association : un A majuscule, rouge et brisé.

Si la lecture des premiers chapitres (l'attentat, vivre, la douleur, plus de bruit que de mal, handicapée) est assez laborieuse, récit minutieux, lent et pesant des circonstances de l'attentat et des premiers mois d'hôpital, progressivement s'impose l'image d'une femme qui, de banale en quelque sorte (classe moyenne aisées, études de droit, boutique de vêtements rue Caumartin), affronte un destin et sort alors de l'ordinaire ; finalement on oublie le style pour s'intéresser à l'histoire.

L'ouvrage est divisé en 25 courts chapitres, aux titres explicites qui reprennent le fil des événements, le refus d'accepter l'amputation et la volonté de vivre et surtout de vivre debout. Le récit mêle étroitement le combat personnel contre le handicap, soutenu par les équipes médicales qui l'accompagnent depuis 20 ans, et la volonté de se projeter plus loin, en imposant à une société indifférente l'obligation de regarder les handicapés et de réfléchir aux victimes des attentats terroristes.
Le plan adopté est chronologique, et insère à peu près à mi-parcours un chapitre émouvant, «à mon père», dans lequel l'auteur se rappelle ses années de jeunesse et de formation, la génération de 68 à laquelle elle appartient. Un parcours assez classique, somme toute, brisé par l'attentat du Grand Véfour, attentat qui reste aujourd'hui encore non élucidé, en raison d'une instruction judiciaire close sur un non-lieu, alors que l'enquête de la Brigade criminelle ouvrait des pistes. Un chapitre, «à mon juge», en reprend les grandes lignes de façon douloureuse.

Du terrorisme, tout est dit dans la citation de Chateaubriand : "Jamais le meurtre ne sera à mes yeux un objet d'admiration et un argument de liberté. Je ne connais rien de plus servile, de plus méprisable, de plus lâche, de plus borné qu'un terroriste." (Mémoires d'outre-tombe). Jamais Françoise Rudetzki n'admettra la complaisance de la société à l'égard du terrorisme ("Longtemps les intellectuels de gauche ont été plus préoccupés du sort des prisonniers que de celui des victimes" - p.207 / "Les intellectuels médiatiques n'ont commencé à s'intéresser au terrorisme qu'après le 11 septembre. C'était un peu tard." - p.208). C'est d'ailleurs l'indifférence de cette même société qui l'a conduite à l'action. Au lendemain de l'attentat du grand Vefour elle mesure à quel point son histoire personnelle n'intéresse personne : le restaurant vient d'être racheté par la famille Taittinger et celle-ci n'aura pas le moindre geste d'attention à l'égard de la cliente grièvement blessée dans son établissement. Par ailleurs, la seconde prise de conscience vient de l'aspect ridiculement faible des indemnisations, autorisé par une législation qui, à l'époque, ignore le risque d'attentat, et indemnise mieux les victimes d'accidents de la route. La rencontre avec d'autres victimes ou familles conduit à la fondation de l'association S.O.S.-Attentats, le 24 janvier 1986, qui fonctionne longtemps sans grands moyens, sinon l'insatiable dévouement des bénévoles, dans les locaux de l'appartement familial.

Aujourd'Hui S.O.S.-Attentats est connu et reconnu, a désormais un statut d'ONG, et a pu mener avec efficacité des combats judiciaires contre les auteurs d'attentats en se faisant porter partie civile. Ces succès ont demandé beaucoup d'énergie : se faire connaître, obtenir le soutien des médias, faire voter une loi (20 juillet 1990) ; autant d'étapes franchies davantage grâce à l'évolution de l'opinion publique et au rôle des médias qu'à la volonté des hommes politiques ; ceux-ci sont souvent l'objet de portraits qui pour être courts n'en sont pas moins cruels. On retiendra celui de Laurent Fabius qui s'émeut à la télévision en 4 minutes chrono, puis, lorsque le réalisateur lui fait remarquer que son temps d'antenne n'est que de deux minutes, recommence et tient son temps… avec la même émotion! Un dîner à la LICRA est aussi l'occasion de portraits sans complaisance… Dans ce registre l'entrevue avec Roland Dumas est un chef d'œuvre…

Au delà des démêlés propres à l'association, on retiendra d’abord la longue liste des attentats qui ont frappé la France depuis le 15 septembre 1974 (Carlos : 2 grenades au drugstore saint Germain des Prés), rue Copernic, rue des Rosiers, les attentats de 1985 à septembre 1986, 1995 etc. Il reste dans nos mémoires des noms ou des images, mais peu de détails précis, et c'est aussi contre l'oubli que se dresse S.O.S.-attentats. Le livre donne également de nombreux portraits : bénévoles inconnus du grand public, mais aussi le juge Boulouque, Pierre Bellemare, Bernard Kouchner… L'importance de combats symboliques, comme l'érection d'un mémorial à la mémoire des victimes du terrorisme, devant lequel a lieu chaque année une cérémonie de commémoration. Apprendre à faire le deuil, à gérer les séquelles psychologiques, moins visibles que les blessures physiques : c'est aussi tout un pan de l'œuvre de S.O.S.-attentats. C’est d' ailleurs l’une des raisons qui rendent tellement important le processus judiciaire, et la confrontation des victimes avec les terroristes, ce moment où une cause idéologique abstraite peut s'incarner dans la réalité d'un être détruit, défiguré, handicapé à vie. Des descriptions de ces dialogues qui s'instaurent dans le prétoire font partie des meilleurs passages du livre.

Enfin l'aspect le plus intéressant en est sans doute qu'il permet de mesurer l'évolution considérable de la société française en vingt ans face au risque. En l'occurrence l'auteur a eu à affronter personnellement deux risques aujourd'hui majeurs, hier à peu près (ou totalement) inconnus : le Sida et les attentats terroristes. Dans les deux cas, au silence et à l'ignorance, ont progressivement succédé une lente prise de conscience des difficultés des victimes, une réflexion sur leur statut et une lente prise en compte du handicap par la collectivité. Prise en compte dont témoignent des étapes essentielles : vote de la loi, mise en place de véritables fonds de garanties, intervention organisée de services psychologiques. Il y a là une autre des grandes évolutions récentes de notre société : l'évaluation du risque et sa prévention ; Françoise Rudetzki a d'ailleurs travaillé avec l'un des grands spécialistes dans ce domaine, Patrick Lagadec. Mais il s'agit d'autant de questions que la société n'avait pas l'habitude de se poser et pour lesquelles il a fallu inventer des réponses. Certes, il reste du chemin à parcourir, mais pour le lecteur le bilan apparaît malgré tout encourageant.


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 31/05/2004 )
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