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Jamais sans mon fils
Evelyne  Bloch-Dano   Madame Proust
Grasset 2004 /  3.19 € -  20.90 ffr. / 380 pages
ISBN : 2246630118
FORMAT : 14 x 23 cm
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Sur Proust, sur ses rapports avec sa mère, les nombreuses biographies et études ne manquent pas de nous éclairer. Mais il n’en était encore aucune qui mît ainsi à l’honneur Jeanne Weil, mère « supérieurement intelligente » et entièrement dévouée au bonheur des siens, sans laquelle Marcel Proust n’aurait peut-être pas trouvé l’énergie et la discipline nécessaires à l’écriture de son œuvre. Auteur de Madame Zola, Evelyne Bloch-Dano lui rend ici un hommage amplement légitime.

S’il n’y avait qu’une chose à retenir de ces pages, c’est l’extraordinaire complicité, proximité de Jeanne et de son fils aîné. Comme deux visages d’un même être, ils se complètent, se répondent, s’édifient l’un l’autre. Depuis toujours – c’est-à-dire depuis sa grossesse – Jeanne a eu peur : peur pour elle, d’abord (elle porte Marcel au plus fort des affrontements de la Commune en 1870), peur pour son enfant ensuite, si fragile. Une peur qu’elle lui transmet sans doute et qui pourrait être l’une des clés pour comprendre le lien si particulier qui unira la mère et le fils tout au long de leur vie. « On ne comprend pas Jeanne si on ne fait pas la part de cette ambivalence dont elle n’aura jamais la totale maîtrise. […] La vie de Jeanne sera une longue lutte pour mettre un peu de distance entre elle et son fils, le rendre capable de vivre sans elle – mais sans pouvoir elle-même se détacher, tant l’anxiété est la matière même de son amour pour lui. »

Jeanne, mariée à 21 ans avec un brillant médecin de quinze ans son aîné ; deux esprits libres, deux êtres qui s’aimeront mais que tant de choses séparent : elle est juive, il est catholique, elle vient d’une famille de la grande bourgeoisie, il est fils d’un épicier beauceron, elle est férue d’art et de littérature, c’est un homme d’action rationnel que ces conversations ennuient. Bonheur pour Jeanne, son aîné sera un petit être délicat en qui son éducation littéraire trouvera un grand écho. Le cadet, lui, ressemblera à son père. Jeanne va pouvoir créer avec Marcel la relation privilégiée qu’elle a cultivée avec sa propre mère, Adèle Berncastel. « Elles partagent le même culte pour Mme de Sévigné […]. Or, qu’est-ce que la correspondance de Mme de Sévigné, sinon les lettres d’une mère passionnément éprise de sa fille […] ? Cet extraordinaire monologue amoureux dont Adèle et Jeanne se repaissent est la mise en abyme de leurs propres sentiments maternels. Adèle, Jeanne, Marcel : variations autour de la dépendance entre mère et fille, mère et fils. »

Totale complicité des esprits qui, dans le cas de Jeanne et Marcel, ne permettra pas même au moindre tabou de prendre racine : l’inversion de son fils, Jeanne la connaît, et dans un premier temps, essaye de l’en guérir – avec l’aide de toute la famille d’ailleurs, et à un âge où l’on se disait qu’il était encore temps de « viriliser » ce frêle Marcel. En cette fin de XIXe siècle, les théories hygiénistes s’imposent peu à peu, et le Dr Proust en est l’un des principaux hérauts. Les parents déploient toute leur énergie pour défaire Marcel de ses « mauvaises habitudes » masturbatoires (à l’époque, l’excès d’une telle pratique est réputée nuire à la santé). Adrien Proust pousse ainsi littéralement son fils dans le lit d’une prostituée (il a 17 ans), mais l’expérience n’est guère concluante. Sur les conseils de sa mère, Marcel écrit alors à son grand-père pour lui demander 13 francs : « […] J’avais si besoin de voir une femme pour cesser mes mauvaises habitudes de masturbation que papa m’a donné 10 francs pour aller au bordel. Mais 1° dans mon émotion j’ai cassé un vase de nuit, 3 francs 2° dans cette même émotion je n’ai pu baiser. »

Rien n’y fera, la seule femme de la vie de Marcel Proust restera Jeanne. C’est elle qui le couve, l’éduque, le gronde, le fait rire et l’aime. Elle encore qui, alors qu’il a près de trente ans et déjà publié Les plaisirs et les jours (sans plus de succès), va éperonner celui dont elle ne doute pas du talent : Marcel s’est pris de passion pour Ruskin, philosophe et esthète anglais, dont il va s’atteler à la traduction. « En traduisant Ruskin, Marcel Proust se voudra le passeur du philosophe en France. En fait, John Ruskin sera le passeur de Marcel Proust vers lui-même. » Jeanne va considérablement l’aider dans ce travail : le jour, elle traduit mot à mot des passages qu’il récrit la nuit. Elle l’épaule, le stimule ; elle le fera jusqu’à sa mort, désolée qu’il gaspille son temps en mondanités lorsqu’il n’est pas malade, désireuse de le voir s'attacher à son œuvre. Elle s’en ira trop tôt pour constater que son fils, par-delà sa mort, aura continué – ou commencé ? – de l’entendre.

C’est une femme admirable dont nous parle Evelyne Bloch-Dano, mère étouffante sans doute, mais à l’intelligence, on peut tout pardonner. Et il nous vient un mot en refermant le livre : merci ; merci à Jeanne d’avoir guidé Marcel. Sans elle, nous n’aurions sans doute jamais pu connaître l’envoûtement des écrits de son fils.


Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 11/10/2004 )
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