|
|
| Films -> Policiers / Thrillers |
Cette femme-là
de Guillaume Nicloux
avec Josiane Balasko, Eric Caravaca, Aurélien Recoing
TF1 Vidéo 2004 / 22.80 ffr.- 3.48 €
Durée film 100 mn.
Classification : Tous publics |
Sortie Cinéma : 2003, France
Version : DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 2.35
Format image : 16/9 compatible 4/3
Format audio : Français (Dolby Digital 5.1 et Stéréo Surround)
Sous-titres : Anglais
Bonus :
Interviews de Josiane Balasko, de Pierre-William Glenn (Chef Opérateur), Frédéric Bourboulon (Producteur) et Eric Demarsan (Compositeur)
Commentaire audio de Guillaume Nicloux accompagné de deux journalistes
Le court-métrage « Lucie » avec Sylvie Testud
Projets d’affiches
Bandes-annonces
Imprimer
On entre dans Cette femme-là par un écran noir surmonté d’un dialogue entre un homme et une femme : « Et le suicide, vous y pensez toujours ? » « Non, enfin si, mais pas comme à une solution finale » lâche-elle de sa voix éteinte. Voilà pour la tonalité générale... Suit une série de zooms avant sur des décors déserts – une salle de restaurant, une table de légiste, une voiture décapotée abandonnée, un trou creusé près d’un arbre à l’orée d’une forêt... Retenez bien ces images, elles reviendront habillées au fil du film, comme autant de pièces d’un puzzle à reconstituer. Puzzle au sens courant du terme : toutes les nuits, Michèle Varin se pose devant sa table, allume une petite lampe et s’immerge dans son puzzle du moment, accompagnée par les ondes nostalgiques de la radio, un lapin douillet et un thé bien chaud. Puzzle aussi au sens figuré : depuis la mort de son fils, un 29 février, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même ; insomniaque, neurasthénique, secouée par des cauchemars morbides qu’elle raconte à son psy, elle semble chercher une issue sans trop vraiment y croire ni s’en donner les moyens… Pour ne rien arranger, cette femme-là est capitaine de Police : le sordide est son pain quotidien, et en toute logique de film noir, elle se retrouve à enquêter sur une mort pour le moins étrange qui la mènera au bout d’elle-même...
Mais reprenons depuis le début : nous sommes le 21 février, il est 21h50. Huit jours avant le cruel et redouté anniversaire de la mort de son fils. Michèle Varin émerge de sa séance de yoga, autre passe-temps aux vertus introspectives. Elle raccompagne une autre adepte à son domicile. Mais sur la route, Varin est appelée par son adjoint : « On a un corps. » La dame abandonnée, la Capitaine se rend au lieu-dit, en plein milieu d’une forêt sombre battue par des trombes d’eau. Une caméra flottante la suit jusqu’à une pendue. Il lui manque une chaussure, rouge. La pendue est là, tel un élément de décor insignifiant en arrière plan, tandis qu’un collègue lui parle de son joli imper vert et qu’un autre évoque le futur couscous de l’Amicale de la Police… Cela sonne d’abord incongru, presque grotesque : la mort est ici ordinaire.
Nicloux mêle dérisoire et gravité dans une sorte d’ironie qui n’est pas sans rappeler les films de Lynch. L’impression date de la découverte du film à sa sortie en salle, ne se dément pas au visionnage du DVD et est d’ailleurs corroborée par le réalisateur lui-même dans une intéressante version commentée à trois voix. Cette femme-là fait d’ailleurs partie de ces œuvres où la portée de certains détails ne se goûte qu’après plusieurs lectures attentives, aidant ainsi à rendre limpide la construction du récit… De Lynch, on retrouve aussi cette importance toute mystérieuse conférée à certains objets apparemment banals, le choix d’une galerie de personnages énigmatiques tous plus suspects les uns que les autres : un interné voyant des fantômes autour de lui, un enfant à crinière de lion regardant des films d’indiens, un adepte des soirées sado-maso… - ou encore cette attirance pour le fantastique qui pousse le réalisateur amateur de SF à tisser une toile entre rêve et réalité au point qu’ils se contaminent l’un l’autre dans une succession de mises en abyme assez vertigineuse. La montée de l’angoisse est savamment orchestrée, servie par une photographie de Pierre-William Glenn sublime jouant beaucoup des plans séquences, des clairs-obscurs, très travaillée dans sa qualité des noirs et en même temps très brillante. La partition d’Eric Demarsan, compositeur entre autres de Melville - cinéaste admiré par Nicloux -, est tout aussi remarquable, idéalement angoissante et d’autant plus perçue que le film est du genre mutique.
Mais Cette femme-là ne serait pas une telle réussite sans la prestation étonnante de Josiane Balasko, extrêmement juste de noirceur et de retenue, tantôt amochée, tantôt sublimée par la lumière... Nicloux, qui a commis plusieurs romans et quatre films (dont le Poulpe (1998) et Une étrange affaire privée (2002)), a en fait écrit ce film pour elle, après l’avoir vue dans Trop belle pour toi de Bertrand Blier. Loin de s’attacher aux étiquettes, il lui a permis de se redécouvrir dans un rôle dramatique, d’introvertie et de dépressive qu’on ne lui connaît que trop peu et qui participe du trouble du spectateur, bousculé dans ses habitudes cinématographiques.
Le DVD, outre la version commentée, comporte plusieurs interviews très instructives dont celle de Balasko, du chef-opérateur et du compositeur, qui reviennent sur le tournage. L’expérience n’a semble-t-il traumatisé personne : tout le monde a envie de retravailler avec Nicloux. A noter enfin la présence d’un court-métrage du réalisateur, Lucie, avec Sylvie Testud, réalisé dans le cadre d’une campagne de prévention sur la drogue par le CRIPS.
Autrement dit, cette édition de Cette femme-là a tout pour plaire ! Allez-y voir de plus près, histoire de vérifier si vous n’avez pas encore un peu peur du noir…
Sonia Arfaoui
( Mis en ligne le 14/06/2004 )
Imprimer
Ailleurs sur le web :
Le site très complet du film |
|
| |