L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

J'ai tué Anémie Lothomb
de Jean-Pierre Gattégno
Calmann-Lévy 2009 /  14 €- 91.7  ffr. / 245 pages
ISBN : 978-2-7021-3982-0
FORMAT : 14cm x 21cm

Du rififi dans la R.L.

Une idée excellente pour un roman hélas léger. Avec cet effet pervers : c'est parce qu'on reconnaît Amélie derrière la défunte Anémie, que l'envie d'ouvrir le livre est créée, alors même que l'intention de l'auteur est de montrer qu'on ne peut baser une valeur littéraire sur une marque, ici un nom : Nothomb.

L'histoire : un écrivain mal aimé, comme tant d'autres, rame comme un galérien dans la nouvelle Rentrée Littéraire. Il se nomme Antoine Galoubet et est l'auteur, notamment, d'un roman en lequel il croit, seul contre le monde, Une saison dans les ténèbres. Lors d'un salon en Province, il croise la reine de la Rentrée, Anémie Lothomb, créature honnie, aux écrits détestés, au succès jalousé. Or, rentrant dudit salon, quelle n'est pas sa surprise, divine surprise, de retrouver en bord de route une voiture contenant l'Anémie assassinée ! L'aubaine est trop belle, il kidnappe le cadavre et, tant bien que mal – l'homme est assez maladroit - s'en sert pour promouvoir son œuvre...

Le diagnostic est le bon. Combien d'auteurs médiatisés usurpent ce que l'on est en droit d'appeler Littérature, quand d'autres, plus valables, sont tout simplement méprisés ?... Car Anémie Lothomb n'est pas la seule (et, croit-on, elle est loin d'être la pire ; qu'on l'aime ou pas, il y a là une œuvre littéraire et un personnage hautement romanesque). Galoubet les évoque d'ailleurs, les «Catherine Mouillette», les «Christine Ego», les «Marc Cévy» et les «Margarine Pingeot», sans parler de cet auteur hyper-télévisuel, amateur de boissons et de filles slaves, dont le nom est une sorte de borborygme ; notre romancier maudit l'associe d'ailleurs à un autre qui, lui aussi, l'horripile, un auteur hybride, sorte de chimère littéraire, à tous égards, «Houellebegbedecq» (p.206).

Hélas, outre que ce combat se résume à celui du Bien contre le Mal littéraires, ce qui est rapide, sinon expédié, guerre où les médias font office de mercenaires à la soldes des éditeurs et des auteurs les plus visibles, l'histoire proposée par Jean-Pierre Gattégno n'est qu'une farce, un polar comique qui, d'emblée, manque le coche. Là où l'on attendait quelque chose de cinglant, une critique au vitriol du marché du livre tel qu'il existe, on ne lit au final que la gentille histoire d'un homme un peu trop seul, en mal d'amour, mal de succès.

Le postulat de départ est d'ailleurs ambiguë : si notre Galoubet est persuadé que le succès, que l'audimat littéraire ne fondent pas la valeur d'une œuvre, pourquoi cherche-t-il tant à ce que son propre roman se vende (sera-t-il lu pour autant ?) par centaines de milliers d'exemplaires ?... La fable y perd en lisibilité, a tel point que l'on se demande à la fin si le propos ne serait pas de dire que le système est bien tel qu'il est. Assassinée par son amant japonais, et mise six pieds sous terre par cet auteur déboussolé, Anémie serait donc morte pour rien ? Pauvre Anémie !

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 09/02/2009 )
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