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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Jours heureux
de Laurent Graff
Le Dilettante 2001 /  12.98 €- 85.02  ffr. / 140 pages
ISBN : 2-84263-046-7

Vieillir avant l'âge

Il a dix-huit ans... et le voilà qui se présente un beau matin dans un magasin de pompes funèbres, pour acquérir sa propre pierre tombale, à installer immédiatement sur une concession du cimetière voisin. L'employé est inquiet : le jeune monsieur aurait-il l'intention de mettre fin à ses jours ? Non, non, en aucune manière, il veut vivre tout son dû, il est simplement sans illusions. Il se rend bien compte qu'il a expérimenté l'essentiel ce que l'existence peut lui offrir, et qu'à part un mariage probable - suivi d'un divorce tout aussi prévisible - il ne lui reste plus grand chose à découvrir. Autant continuer sans rien attendre, sinon l'inéluctable, qu'il convient donc de préparer soigneusement. Et se consacrer dès que possible à une longue retraite paisible.

Quelques années plus tard, les jeux sont faits : à trente-cinq ans, notre narrateur s'installe aux Jours heureux, parmi des pensionnaires comptant ordinairement le double de son âge. Cette fois, c'est le directeur de la maison de retraite qui n'y comprend goutte, mais il finit par céder devant l'insistance et le calme de ce postulant pas comme les autres. Qui se révèle bon compagnon, d'ailleurs. Patient avec les "Alzheimer", courtois avec tous... et expert à débrouiller les intrigues byzantines des "Feux de l'amour", le feuilleton préféré des mamies.

On l'aura deviné, l'humour de Laurent Graff est aussi baroque que désenchanté. Son livre précédent, Il est des nôtres (Le Dilettante, 2000) racontait l'itinéraire d'un homme s'abrutissant méthodiquement, jusqu'à la chute. Ici, au contraire, flegmatique et faussement candide, il s'immerge avec bonheur dans une "contemplation abstentionniste" et parfaitement étale du destin commun. Une certaine forme de déchéance, oui, à n'en pas douter... Mais sa "galerie de petits vieux" - sujet difficile s'il en est - se révèle adroitement brossée, réjouissante... et respire l'attendrissement sans condescendance. Ce court roman n'aurait pas eu besoin de la pirouette finale, déplaçant la parabole vers une optique plus conventionnelle, pour témoigner d'un joli talent et se lire d'un trait avec une authentique jubilation.

Isabelle Nouvel
( Mis en ligne le 08/10/2001 )
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