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Littératureet Romans & Nouvelles  

Le Slip
de Alain Sevestre
Gallimard - Blanche 2001 /  14.96 €- 97.99  ffr. / 257 pages
ISBN : 2-07-076241-6

www.unennuicertain.com

C’est l’histoire d’un type. Il est webmestre et gère le site d’une communauté qui se réunit à l’adresse électronique suivante : www.nonnonetnon.com. C’est le site "des poires, de ceux qui se sentent poires". Ce n’est pas glorieux… Ses ex, ses amis, ses proches, ses souvenirs d’enfance sont revisités sous un prisme, celui d’une vie médiocre. Alain Sevestre écrit un traité de l’échec discret, silencieux. Celui qui frappe tout un chacun.

Un jour, notre "héros" trouve un slip dans les toilettes d’un bar de l’Odéon, à Paris. Miracle ! Tâte l’étoffe, cherche les effluves (hélas inexistantes : la chose est neuve), et cherche qui pourrait bien rentrer dedans. Cendrillon revisitée ; sauf que ce qu’il cherche plus que tout, notre webmestre, c’est le désir, la capacité à désirer encore et toujours. Malgré les désillusions qui jonchent sa vie. On le découvre romanesque dans son insistance à nier l’évidence : trentenaire, on ne se raconte plus d’histoires et la vie est déjà bien (trop) avancée pour en attendre des surprises.

Le lecteur de bonne volonté a du mal à ne pas abandonner précocement le cours de ces non-aventures. Une tension minimale et une trame cadavérique tiennent le récit en vie - en survie. L’humour et l’ironie y sont supposés "faire passer" la vacuité de cette vie, la nullité du quotidien, la misère sexuelle, le tranquille ennui, l’absence d’ambition…. Sevestre s’y entend d’ailleurs bien ; son récit est drôle, grinçant et tendre. Malheureusement, ce conte sur la solitude urbaine n’est pas neuf. Et le livre se referme sur un air indéniable de déjà lu. Il ne possède pas la truculente haine de L’Extension du domaine de la lutte du phénoménal Houellebecq ; ou l’éclairage clinique de L’Homme sans qualités de Musil. En un mot, les tragédies minuscules lassent !

Un penseur Polonais de l’entre-deux-guerres, Stanislas Witkiewicz, dresse involontairement dans son roman L’Adieu à l’automne, la matrice du récit de Sevestre : "Vivre sans être apte ni à la vie ni à la mort, avec la conscience de la petitesse et de la misère de ses propres idées, sans aimer personne ni être aimé de personne (…)". Sevestre et Witkiewicz abordent peu ou prou le même phénomène : le sentiment d’être des hommes superflus. Le personnage de Sevestre est perdu dans cet univers décrit par le Polonais ; hélas, sa tentative de déboucher quelque part est sans réelle inspiration, ni suite.

Vianney Delourme
( Mis en ligne le 28/09/2001 )
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