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Littératureet Romans & Nouvelles  

Le Fils de la bonne
de Guillaume Lecasble
JBZ & Cie 2010 /  19.50 €- 127.73  ffr. / 270 pages
ISBN : 978-2-7556-0499-3
FORMAT : 15,2cm x 20,1cm

Bébé hertzien

Dans son cinquième roman, Guillaume Lecasble continue à cultiver sa fibre fantastique. Dans les années 50-60, au sein de ce qu’on appelle communément une «bonne famille», Concepcion, la bonne de Monsieur et Madame, est enceinte ; Madame aussi d’ailleurs. Monsieur est médecin et va lui-même accoucher les deux parturientes, à domicile, et le même jour. Madame accouche d’une petite Louise, tout ce qu’il y a de plus adorable.

Le grain de sable dans la mécanique, c’est Manolo, le bébé de Concepcion. Déjà, avant de naître, il avait causé quelques inquiétudes à sa mère et à Monsieur : au lieu d’entendre un cœur de bébé battre, Monsieur, du bout de son stéthoscope, entendait… la radio ! Concepcion, avant d’accoucher, passe donc par toutes les étapes, tous les cauchemars possibles : va-t-elle accoucher d’un poste de radio ? d’un monstre ? Eh bien non, le bébé est tout à fait normal, à part ce petit détail : au lieu de babiller, de crier comme tout un chacun, il diffuse des émissions de radio, ses longs cheveux lui servant d’antennes !...

Louise et Manolo vont grandir ensemble, le secret de Manolo sera bien gardé, seuls sa mère et Monsieur en seront les complices. Monsieur est intrigué par cette particularité médicale, mais ne souhaite pas la divulguer, pour protéger Manolo des autres ; Concepcion, elle, s’en accommodera en suivant… par l’intermédiaire de la voix de son fils, son feuilleton radiophonique à l’eau de rose, Le Château d'Estremonts, et les actualités du moment. Manolo, petit garçon pas tout à fait comme les autres, grandira avec son secret, dont il ne peut parler (et pour cause) ; à l’école, on le prendra pour un enfant muet, il s’isolera durant la récréation pour écouter «sa» radio, loin du tumulte des autres enfants.

L’idée est originale, les relations entre les personnages sont traitées avec une tendresse souvent touchante, mais on peine à s’attacher véritablement aux héros de cette histoire. La «différence» de Manolo ne lui pose finalement que peu de problèmes, il s’en accommode très bien, gardant son secret au fond de lui-même, secret qui ne l’empêche pas de tisser une véritable relation d’amour enfantin avec Louise, la fille de Madame et Monsieur. On aurait aimé un peu plus de prise de risque de l’auteur, on aurait aimé avoir l’impression que, une fois trouvée cette idée originale de récit, il nous entraîne plus loin dans les méandres de la solitude et du rejet de la différence ; le roman donne l’impression de vivoter, sans véritable rebondissement jusqu’à la fin, un peu décevante par sa platitude. Un roman certes agréable, mais sans plus, qui ne nous tient en haleine ni par son style d’écriture, très classique, ni par les rebondissements de son intrigue.

«Monsieur frappe mollement. Trop mollement. Je ne réagis pas. Il raffermit son geste. Sa main vient percuter mes fesses dans un claquement sec. Mon visage se chiffonne, ma bouche s’ouvre, immense : en sort un grésillement de radio et des bribes de voix. Des mots se distinguent. Des mots qui en plus de leur force ont une intonation peu commune. Un appel. Monsieur et ma mère m’observent avec des yeux ahuris. Il y a de quoi, surtout que contrairement à un poste de radio, je suis né sans bouton d’allumage, sans mollette de recherche de station et sans antenne».

Michel Pierre
( Mis en ligne le 26/05/2010 )
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