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Littératureet Romans & Nouvelles  

Homme de ménage
de Anton Valens
Actes Sud - Lettres néerlandaises 2010 /  23 €- 150.65  ffr. / 400 pages
ISBN : 978-2-7427-7232-2
FORMAT : 11,7cm x 21,8cm

Traduction de Kim Andringa et Annie Kroon

Finitude

Boni est un jeune étudiant aux Beaux-Arts d’Amsterdam. Pour financer ses études et son logement, il exerce le métier d’auxiliaire de vie. Employé par une agence, il est envoyé chez des personnes généralement âgées et souvent malades qui ne peuvent plus assurer chez elles les soins du ménage. Peu à peu, cette activité professionnelle remplit tout son emploi du temps. Elle est rassurante, certes, surtout par rapport à sa vie personnelle qui se délite progressivement ; il se satisfait de moins en moins de sa peinture et sa petite amie Jeanet le quitte. Alors finalement, ses rapports tantôt tendus, parfois amicaux avec les clients éparpillés dans Amsterdam, finissent par occuper une grande partie de son temps et de son esprit.

Anton Valens, l’auteur, est un peintre néerlandais qui, entre deux expositions, a exercé pendant une dizaine d’années la fonction d’homme de ménage. Le titre de l’édition publiée aux Pays-Bas est d’ailleurs plus révélateur de la place que ce métier va prendre dans la vie de Boni : il peut être traduit littéralement par «maître de ménage». En effet, à travers ces neuf nouvelles que Valens a réunies en un ouvrage, on suit le jeune Boni Hazelbus qui se transforme en expert du lavage de carreau ou de salle de bain. Et lui, l’artiste, prend malgré tout un certain plaisir et une réelle satisfaction à constater combien il est agréable de pouvoir accomplir à la perfection des tâches aux contours délimitées, clairement identifiables.

Et puis à travers ces rencontres, on envisage la condition physique et mentale des vieillards qu’il côtoie, leur dégradation aussi et le besoin de peupler leur solitude. Autant de figures auxquelles Boni s’attache, parfois malgré lui, parfois plus qu’il ne le faudrait : Elisabeth Waghto qui fut femme de ménage aussi, à l’intérieur irréprochable, et qui garde de son passé une vraie fierté ; Ripmeester, vieil homme acariâtre de 91 ans, dont la voix se brise au récit des derniers mots de sa femme, ou bien Grijspeerde, ancien professeur de français, polyglotte, mais aussi maoïste devenu millionnaire grâce à des transactions boursières, qui pleure en évoquant l’affaire Dreyfus et entreprend d’apprendre le français à son auxiliaire de vie en lisant Proust avec lui.

Neuf rencontres donc, décrites sans larmes mais avec empathie, pleines d’humour et d’ironie. Et on les lit, avec envie. Pourtant, elles renvoient chacun à sa propre finitude ; mais sans doute l’art d’en faire rire permet-il à l’homme d’affirmer sa propre dignité ?

Amélie Bruneau
( Mis en ligne le 22/12/2010 )
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