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Littératureet Romans & Nouvelles  

Noce Maudite
de Anne Guillou
Skol Vreizh 2010 /  12 €- 78.6  ffr. / 102 pages
ISBN : 978-2-915623-74-1
FORMAT : 12cm x 21cm

Criminelle

«J’ai froid. J’ai toujours eu froid. Toute ma vie, j’ai eu froid». Dès les premiers mots du livre, le ton est donné : glacial...

Inspirée d’un fait réel, relaté par Annick Le Douget, greffière au Tribunal de Quimper dans Femmes criminelles en Bretagne au XIXe siècle, Anne Guillou, sociologue, auteur de nombreux essais et nouvelles, a une parfaite connaissance des us et coutumes du milieu paysan de l’époque. L’affaire se déroule en Bretagne au début du XIXe siècle. Écrit à la première personne, sans jamais nommer l’héroïne, la sociologue lie son lecteur au destin tragique qui se tisse.

Une phrase lapidaire résume le mariage des parents : «Il y eut moins de tractations pour sceller cette alliance que pour l’achat d’une jument. La jeune femme vint à Kermeur et s’attela à la tâche». Elle y meurt à la naissance de son premier enfant. Le malheur s’est transmis de génération en génération ou… de femme en femme : «Dès que j’ai eu un peu de jugement j’ai su que j’avais tué ma mère». Par cette affirmation/couperet, l’enfant se condamne. Une sœur, une marraine ou une personne aimante auraient pu changer le cours des choses. Mais, dans ce désert affectif, sans amour et sans tendresse, la petite fille et le père vivent comme deux étrangers qui se côtoient à peine.

Le malheur est social : avec habileté, Anne Guillou défend cette idée et décrit l’interaction du milieu social et familial et de quelle manière l’histoire de l’enfant s’inscrit dans la tragédie. Se libérer de la souffrance exige un combat mais cette enfant-là, déjà coupable de vivre, n’est pas armée pour le mener. Et le lecteur, impuissant, constate comment le désamour va l’aliéner à cette souffrance acceptée comme une fatalité. Jusqu’au jour où le désir du père fracasse l’enfance : «De tout son poids, il me couvrit telle une pierre tombale». Cette jeune fille donnera la vie sans pouvoir devenir «mère». Page après page, un étau sans espoir enserre le lecteur. Et la concupiscence du père va les mener vers leur destin tragique, jusqu’au jour fatal.

Avec Noce maudite, Anne Guillou ouvre le livre noir d’un parcours criminel. L’enchaînement vers l’infanticide nous percute à travers les pages et les siècles qui nous séparent. Peu importe le lieu ou l’époque, les facteurs qui déclenchent la conduite meurtrière sont intemporels. On ne lâche pas ce livre, comme pour accompagner cette enfant, cette jeune fille brisée, puis cette femme meurtrière jusqu’à son dernier souffle, dans l’intimité du huis clos avec le confesseur. Ce «Père» qui prend - enfin - le temps d’écouter les regrets, les aveux et les espoirs qui se murmurent au plus près de la vérité de sa vie et de son acte.

Le lecteur ne sort pas indemne d’un tel récit, véritablement saisissant.

Marie-Claude Bernard
( Mis en ligne le 11/03/2011 )
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