Littérature
Romans & Nouvelles de Vivien Kelly
Belfond 2001 / 18.32 €- 120 ffr. / 329 pages
ISBN : 2-7144-3717-6
La Princesse endormie
Sam Glass, un jeune homme de 25 ans chargé de clientèle dans une agence de publicité londonienne, appartient à la vaste confrérie de tous ceux qui, las de leur existence, rêvent de changer de vie. Pris entre les récriminations incessantes de clients toujours plus pressés et l’acrimonie permanente d’Angela, la responsable de son département, Sam s’efforce de s’acquitter au mieux de sa tâche sans trop s’ennuyer. Jusqu’au jour où il répond à une annonce de l’Institut britannique de recherches antarctiques qui recrute des assistants pour une mission de six mois.
Ces quelques lignes ouvrent une fenêtre devant les yeux de Sam, vaste comme l’étendue des possibles qui flotte dans la tête des rêveurs. Une fenêtre par laquelle il rejoint le destin de Leo, son grand-père paternel, botaniste, grand voyageur, conteur hors pair et, surtout, amoureux fou de la "Princesse endormie", cette contrée de glace et de vent plus communément appelée Antarctique.
De songeries en souvenirs d’enfance, Sam se rapproche insensiblement de ce "Grand-Père de la Mousse" qui partageait sa vie au temps de son plus jeune âge, le fascinait avec ses aventures mais dont la tenue vestimentaire et l’allure un peu bizarre lui faisaient honte à la sortie de l’école…
Les chapitres vont et viennent, de Leo à Sam, de Sam à Leo alors que le récit, au fur et à mesure de sa progression, pose ce grand-père excentrique comme la figure préliminaire de ce que Sam sera en grandissant.
Outre une ressemblance physique qui s’accroît au fil des pages, le grand-père et le petit-fils sont unis par un amour commun – celui, on ne peut plus humain, qui les lie à Kasia, la jeune aide ménagère qui égaie les derniers jours de Leo – et une passion partagée, vouée à l’Antarctique. Cette "Princesse endormie", protagoniste centrale du récit, cristallise le rêve de Sam, vivifie la jeunesse lointaine de Leo, et permet à Kasia de rencontrer l’amour.
Dans le texte, l’Antarctique n’est rien d’autre qu’un souvenir, un fantasme qu’on perçoit et imagine à travers les histoires de Leo, les rêveries de Sam, les commentaires de livres spécialisés. Le récit s’arrête à l’aéroport, le jour du départ du jeune homme. Mais les destins sont d’ores et déjà scellés. Car c’est en tant que virtualité floue mâtinée de souvenirs évanescents que cet Autre Monde a rempli son rôle : susciter le rêve jusqu’à lui donner corps.
Ecrit sans fioritures, reposant sur d’incessants jeux de miroirs dont les entrelacs s’abolissent en un dénouement résolument optimiste, ce roman plein d’humour nous touche au plus profond de nous-mêmes : en ce point sensible où gisent les rêves enfouis - de gré ou de force - et que les circonstances de la vie se chargent parfois de ranimer…
Isabelle Roche
( Mis en ligne le 02/03/2001 )
www.parutions.com
(fermer cette fenêtre)