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Littératureet Romans & Nouvelles  

La Splendeur dans l'herbe
de Patrick Lapeyre
Gallimard - Folio 2017 /  7,70 €- 50.44  ffr. / 359 pages
ISBN : 978-2-07-273395-6
FORMAT : 10,9 cm × 18,0 cm

Première publication en janvier 2016 (P.O.L.)

Conversation et guérison

Emmanuelle a quitté Homer, son compagnon. Giovanni a quitté Sybil, sa femme. Tous deux s'aiment et partent vivre leur idylle sous le soleil de Chypre.

Un nouveau roman sur l'amour passionnel dont Emmanuelle et Giovanni seraient les héros ? Tout au contraire. De façon originale, Patrick Lepeyre choisit pour protagonistes principaux les laissés-pour-compte, ceux qui souffrent de la rupture, doivent cicatriser leurs blessures, apprendre à oublier. Un roman sur le désamour donc ? Oui, mais aussi sur l'émergence d'un nouvel amour, d'un désir renaissant.

Homer et Sybil vont se rencontrer en Seine et Marne, dans sa maison à elle, puis à Paris, chez lui. Et, de rendez-vous en rendez-vous, les retrouvailles se succèdent entre ville et jardin : le dialogue ne cessera jamais. Parce qu'ils sont obsédés par leur passé, désabusés par l'amour, les conversations se répètent, et leur sujet revient systématiquement à Emmanuelle et Giovanni. Mais ce couple lointain est aussi la condition de leur toujours plus grande complicité : ils sont des «alliés». Pour guérir, mais aussi pour murir, changer, et peut-être - de nouveau - aimer.

L'évolution de leurs rapports est lente, entre tendresse et maladresse, entre confidence et silence. Chacun est encore trop fragile pour se lancer, pour oser. Et cette retenue transforme le roman en véritable lieu de l'attente, dans un locus amoenus coupé du monde, à la temporalité figée : «C'était l'heure de la splendeur dans l'herbe, où les merles venaient prendre leur bain de soleil sur la pelouse. L'heure où l'univers semblait entièrement circonscrit aux limites de ce jardin, à l'intérieur duquel ils ne recevaient jamais personne et formaient tous les deux [...] une sorte de société secrète, parfaitement dissimulés par les arbres et les palissades...». Ce tiraillement, entre la mélancolie de la perte et le désir d'essayer encore d'aimer, permet au lecteur de suivre subtilement l'évolution des deux personnages, de façon presque poétique.

Mais malheureusement, parce que leur relation s'immobilise, le dialogue ne suffit pas toujours à détourner de l'ennui. Au fil des pages, la conversation devient longue, parfois un peu mièvre, ou trop abstraite, et l'on a du mal à s'attacher à Homer et Sybil, qui restent des êtres de papier. Pourtant, Patrick Lepeyre s'efforce de cerner leurs comportements par des explications psychologiques, ou en donnant aux protagonistes une profondeur historique. Il intercale par exemple d'autres rencontres faites par Homer, mais surtout des chapitres sur la vie de sa mère, trente ans plus tôt, et sur son enfance. Comme s'il voulait nous montrer l'influence du passé du personnage sur sa vie d'adulte. On est alors contraint de lire des analyses bien trop explicites et psychologisantes : parfois, à la lenteur de la discussion s'ajoute une certaine pesanteur de l'interprétation. La poésie du désamour et de l'amour s'en trouve contrariée.

Julie Malapert
( Mis en ligne le 04/12/2017 )
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