L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

La Distance qui nous sépare
de Renato Cisneros
Christian Bourgois 2017 /  23 €- 150.65  ffr. / 320 pages
ISBN : 978-2-267-03029-7
FORMAT : 15,7 cm × 22,5 cm

Serge Mestre (Traducteur)


Mon père, ce général

Renato Cisneros est né à Lima en 1976, il a travaillé pour des quotidiens péruviens puis est devenu animateur radio et présentateur de télévision. Egalement écrivain, il publie son troisième roman autobiographique sur une saga familiale sud-américaine fascinante, sa famille, et surtout l'incroyable figure paternelle. Dans ce récit d'un milieu militaire et diplomatique rigide mais atypique, l'auteur essaie de sauver l'image du père, Luis Federico Cisneros, né en 1926 à Buenos Aires, mort en 1995 à Lima, ministre de l'intérieur d'un gouvernement péruvien très répressif, ami de Vileda et Pinochet dont il connaissait de près les exactions et les approuvaient.

La tâche n'était aisée, ni pour l'auteur, ni pour le lecteur, ce dernier devant plonger dans les méandres d'une famille aux nombreux enfants légitimes et illégitimes depuis plusieurs générations et dans plusieurs pays ; il faut donc assimiler noms et prénoms multiples ce qui ralentit la lecture quelque peu dans un univers si riche de cette partie des Amériques où l'étrange a été toujours mêlé à l'inconnu pour nous, européens cartésiens.

"Mon arrière-grand-père était un bâtard. Mon grand-père, un déporté. Mon père, un étranger. Trois hommes illégitimes et déracinés". Dans sa recherche de lui-même, Renato Cisneros se doit de comprendre ses origines et de trouver une image du père avec lequel il n'a vécu que les dix-huit premières années de sa vie. De sa vie publique, il sait tout, de l'arrogance à la cruauté, de l'assurance au donjuanisme ; de l'homme intime, il ne connaît que son côté fleur bleue et quelques poèmes mielleux destinés à ses dulcinées, recueillis auprès de ses demie-sœurs et sœurs. De cet homme dont la devise était "Je suis mon propre dieu", il doit faire un père et se voit contraint de conclure son roman par une interrogation : "pourquoi toutes ces pérégrinations et pourquoi tenter à toute force d'en faire une épopée ou un récit épique ?... Tu continues à me sembler être une trop vaste plage".

C'est pourtant bien d'une épopée dont on parle, passionnante, envoûtante et terrifiante à la fois, écrite avec brio par un humaniste un tantinet psychanalyste. La dernière phrase du roman - "peut-être est-ce cela écrire : inviter les mort à parler à travers soi" - se veut conclusion mais n'exorcise pas un général dictateur. Sans doute exorcise-t'elle un père...

Raymonde Roman
( Mis en ligne le 20/12/2017 )
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