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Dossier classé
de Henri Lopes
Seuil 2002 /  18.03 €- 118.1  ffr. / 256 pages
ISBN : 2 02 03 2657 4

Cahier d'un retour au pays natal

Lazare Mayélé, qui travaille pour la revue américaine African Heritage, est envoyé en reportage au Mossika, pays qu'il a dû fuir plus de trente ans auparavant, lorsqu'il avait six ans. Cette enquête professionnelle se révèle le prétexte idéal pour ressortir deux "dossiers classés" : celui de la mort mystérieuse de son père, Bossuet Mayélé, disparu quelques années après l'indépendance du Mossika et, celui, plus symbolique, de ses origines métissées, Lazare étant le fruit de l’union d’un Africain et d’une Française, marié par la suite à une "blanche" américaine.

L'enquête sur Bossuet Mayélé nous plonge dans le mouvement des intellectuels africains appelés les "évolués" au Mossika : ceux qui, tel Lazare Mayélé, ont émigré à Paris pour leurs études supérieures, ont découvert le Quartier latin et le jazz, et revinrent sur le sol natal pétris de nouveaux idéaux peu compatibles avec la récente accession du pays à la démocratie. Henri Lopes célèbre également le difficile mais salutaire et fécond mariage des cultures. Les problèmes linguistiques sont un reflet du métissage de son personnage : celui-ci parle le français et l'anglais, mais s'exprime mal en "langue", c'est-à-dire dans la langue du Mossika, à l'image de sa difficile intégration au sein de sa famille africaine, et de l'acceptation d'une culture qui est la sienne mais dont il a perdu les repères et les automatismes.

Au fil des entretiens qu'il réalise avec des personnalités de Likolo, la capitale, le passé de Lazare Mayélé se recompose à la manière d'un puzzle. Mais sa détermination bien occidentale est mise à l'épreuve par les non-dits qui pèsent sur cette époque - si le régime démocratique a été établi au moment de l'indépendance, la population réagit encore avec ses craintes et ses a priori - comme par la "logique africaine" de ceux qu'il interroge.

Haletant comme une enquête policière, ce roman est écrit dans un style fluide et recherché, au ton nostalgique lorsqu'il s'agit d'évoquer ce passé impossible à rétablir, et empreint de cette part de symbolisme qui caractérise les contes africains : ainsi, les prénoms du père - célèbre pour ses prises de paroles à l'époque de sa jeunesse militante - et du narrateur, en quête de sa propre identité, font référence au grand orateur du XVIIe siècle et au ressuscité de la Bible.

Maud Jobbé-Duval
( Mis en ligne le 07/02/2002 )
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