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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les vacances de l'oberleutnant von La Rochelle
de Gilles Perrault
Fayard 2002 /  16.95 €- 111.02  ffr. / 284 pages
ISBN : 2-213-61136-X

De Nuremberg à Fort de France, itinéraire d’un enfant sauvé

Printemps 1942, la guerre sous-marine fait rage dans l’Atlantique Nord. A mille lieues de ce théâtre tragique, Double Queue le bien nommé se remet d’une nuit au cours de laquelle il s’est, une fois de plus, montré à la hauteur de sa réputation. Allongé sur la plage de Sainte Anne, le créole épuisé goûte paisiblement la tiède aurore, quand une effroyable odeur le saisit à la gorge. Est-ce une baleine en décomposition qui empoisonne ainsi l’atmosphère ? Non, mais un sous-marinier allemand atteint d’une péritonite, que son équipage, profitant de l’obscurité, a déposé sur le sable martiniquais. Et voilà bientôt le nazillon torché par des infirmières en rien conformes à l’idéal racial du docteur Rosenberg. D’où vient que peu à peu, l’oberleutnant von La Rochelle se surprenne à imaginer des scénarios érotiques avec ces filles de couleur ? Effaré, dégoûté, La Rochelle s’interroge : la maladie aurait elle eu raison de son système immunitaire national socialiste ?

Convalescent, le jeune nazi rencontre des personnages que, depuis son Kiel natal perché sur la Baltique, il n’aurait jamais imaginés. Ni appréciés. A commencer par Propias, aristocrate "dégénéré" et grand jouisseur devant l’éternel, qui apprend au jeune Allemand à relire ses fondements de philosophie au fond des verres de ti-punch. La Rochelle découvre aussi les dessous de cette république bananière des békés, dirigée d’une main de fer par le très vichyste amiral Robert. Dans cette petite France tropicale, le ridicule le dispute au sanglant... La Rochelle, guidé par Propias, s’épanouit. Bientôt, le ver est dans le fruit aryen et, tout naturellement, ces vacances antillaises, abrégées lorsque le sous-marin passe récupérer le jeune lieutenant retapé, finissent dans les bras d’une créature aussi noire que le pêché...

Le thème de la sensualité débordante des Antillais(es) est un cliché, si ce n’est rebattu, du moins fané. Pauvres îles ! Parce que le soleil y tape fort et que les croupes des filles y chaloupent plus qu’ailleurs, l’esprit des métropolitains y chavirent dans de lascifs poncifs. Ceci dit, Gilles Perrault en évite les écueils et, si l’on reste très loin des drames coloniaux de Camus, ou de René Depestre et ses contes sur l’amour couleur Caraïbe, ce roman n’est pas désagréable. Vocabulaire précis et rare. Phrases de bonne et classique facture. Récit intelligent. En somme, un bon roman pour les amateurs de Michel de Saint-Pierre et de Robert Merle.

Vianney Delourme
( Mis en ligne le 15/01/2002 )
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