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Littératureet Romans & Nouvelles  

Nos amis les journalistes - Roman comique
de François Reynaert
Nil 2002 /  16.95 €- 111.02  ffr. / 264 pages
ISBN : 2-84111-224-1

Les bronzés font du journalisme

Le rédacteur en chef du magazine Le Journal se martyrise le cerveau pour tenter d’y trouver l’idée gé-ni-ale qui fera remonter ses ventes. La solution s’impose d’elle-même : comment surprendre le lecteur blasé, si ce n’est en lui offrant un numéro spécial sur le non-événement ? Disserter non sur le vide, mais sur le banal. Halte à l’extraordinaire, bienvenue au lieu commun. Toute ressemblance avec un média réel serait-elle fortuite ?

Une équipe improbable (un pigiste spécialiste des programmes TV, une vieille féministe du service Société...) est dépêchée dans la petite république asiatique du Tourdistan, principauté co-gérée par Moscou et Téhéran. A l’image de l’Andorre, sa consœur hispano-hexagonale, cette nation est riche d’une qualité providentielle : il ne s’y passe jamais rien. Jusqu’à l’arrivée de nos pieds-nickelés...

La couverture l’annonce, attention, ceci est un "roman comique". Aussi incongru qu’un panneau de circulation sur une autoroute tourde (d’ailleurs y a-t-il des autoroutes au Tourdistan ?), cet avertissement est à prendre au pied de la lettre. On s’amuse beaucoup en lisant François Reynaert. Cet ami des journalistes nous fait embrasser sa profession, d’abord en la faisant chuter de son piédestal : si le journaliste pratique un sport, c’est en premier lieu la chasse aux notes de frais. S’il est féru de géopolitique, les retournements d'alliances internes aux rédactions sont sa première préoccupation. Enfin, on l’aura deviné, les publi-reportages pour des entreprises cosmétiques sont plus fréquents que les analyses de politique internationale. Fin de toute illusion romanesque sur ce métier.

Mais si François Reynaert est sans pitié, il est également étranger à la cruauté. Ce livre n’est en rien un règlement de comptes avec le milieu. Évités, les tombereaux d’acide. Balayés, les mots d’esprit brillants mais destructeurs. Car Reynaert les aime, ces journalistes, malgré leurs misères et leurs faiblesses, dans leur fragile humanité. Ce qui nous amène au fondement des qualités de ce roman satirique : le génie du détail. A la fois ressorts du comique et du principe de réalité, les petits détails qui tuent et déclenchent l'hilarité, fourmillent dans ce livre. Les journalistes sont-ils nos amis ? Ceux là oui, qui nous font tendrement rire à chaque page, ou peu s'en faut.

Une dernière chose. Récemment, François Reynaert présentait son livre sur un plateau de télévision. Un journaliste de ses amis, également critique littéraire, s’élança, vaillant petit soldat, pour dire tout le bien qu’il pensait de cet ouvrage. Hélas, notre Icare de la critique littéraire, à trop tutoyer les superlatifs azuréens ("superbe", etc.), ne put longtemps cacher la terrible Vérité: il n’avait pas lu François Reynaert. Satire, disiez vous ?

Vianney Delourme
( Mis en ligne le 17/01/2002 )
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