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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Saints géographes
de Göran Tunström
Actes Sud 2002 /  22.9 €- 150  ffr. / 320 pages
ISBN : 274273578X

L’écriture de l’origine

Il y a deux ans, Göran Tunström disparaissait, laissant derrière lui une œuvre à la fois autobiographique – évoquant inlassablement le Värmland natal - et universelle. Les Saints géographes, publié en 1973 à Stockholm, précède de plus de dix ans L’Oratorio de Noël qui valut à l’écrivain une renommée immédiate dans son pays. Maladroit par endroits, ce roman des débuts nous charme néanmoins par sa chaleur et sa grâce singulière. Il se présente comme une fable portant non pas tant sur la réalité de la Seconde Guerre mondiale que sur ses répercussions en Suède.

Lorsque débute l'histoire, le narrateur, Jacob, décide de partir à la recherche de son passé. Cette quête nous entraîne au cœur de la Suède des années 30, dans la ville de Sunne où emménagent Hans-Christian et Paula, les futurs parents de Jacob. Voyage dans le temps et introspection sont ici indiscernables. L’un comme l’autre sont autorisés par ce privilège de la fiction qui tient désormais l’opposition entre réel et imaginaire pour caduque. Jalonnant de loin en loin le récit, d’impondérables glissements narratologiques jettent des passerelles entre hier et aujourd’hui. Serait-il possible, semble se demander Tunström, de naître une seconde fois ? La (re)naissance, tant à l’échelle d’un individu que de l’univers dans son ensemble, est ici plus qu’un thème : une question. Qu’est-ce que naître ? Comment naître est-il possible ?

En parallèle à l’histoire privée du couple, la ville de Sunne voit se créer une association inédite, celle d’un cercle de géographie, sorte de foyer de résistance culturelle aux idéologies meurtrières de l’Histoire. "Géographie" : ce mot répond moins ici à une ambition scientifique qu’à un idéal de communauté. Les géographes sont, littéralement, les écrivains de la terre, réinventant celle-ci à partir d’un point arbitraire, voire dérisoire - la petite ville de Sunne – mais aussi bien nécessaire, essentiel : la convivialité, le sacré, c’est-à-dire, selon Hans-Christian, "ce monde-là, où les connaissances ne possédaient pas de centre, mais où le mot Santé avait exactement la même signification que le mot Dieu".

Le séances du cercle vont bon train. Mais cette bonne humeur un peu désinvolte sera rapidement compromise par une crise terrible venue déchirer le couple formé par Hans-Christian et Paula, crise privée retentissant comme l’écho d’une crise spirituelle plus générale, et à laquelle l’écriture romanesque de Tunström aura charge de réfléchir.

Thomas Regnier
( Mis en ligne le 01/03/2002 )
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