Littérature
Romans & Nouvelles de Patrice de Méritens
Fayard 2002 / 13.8 €- 90.39 ffr. / 180 pages
ISBN : 2213611343
L'autre côté du miroir
Un homme tout à fait ordinaire gravit une montagne, sous le ciel étoilé, lorsqu’il décide (ou "quelque chose" décide pour lui) de se glisser dans une anfractuosité. La faille se révèle caverne, au fond de laquelle, automate, il saisit une poulie et se jette dans la vide. Et le voilà projeté dans l’univers de Nox, où vit une humanité nocturne qui l’accueille comme le Messie. Mais c’est sans compter sur la jalousie du bedeau - le gardien de l’orthodoxie - qui ne peut supporter que la belle Emeraude offre, comme le veut la Tradition, ses faveurs à l’Elu. Dès lors, le bedeau n’aura de cesse de vouloir la perte de celui qu’il devrait vénérer.
Conte à la manière de Swift ou encore de Mondeville, cette utopie classerait peut-être Patrice de Méritens dans la lignée des moralistes libéraux. Il interroge le sacré, le rite, et les ambitions humaines qui font et défont les Eglises ; il pointe d’une plume habile l’intrusion du pouvoir spirituel dans les affaires des hommes. Et rappelle que le bien et le mal sont embrassés, sous le regard même de Dieu. Mais le ton n’est pas celui d’un moraliste. Exit donc l’Utopia. Car ce récit est beaucoup trop noir pour n’être qu’une fable. Il se déroule en effet sous les auspices du rat, omniprésent jusqu'à devenir la figure animale tutélaire, le totem. En incipit de son livre, l'auteur se rappelle une déambulation dans le cimetière juif de Prague et la rencontre du gros rongeur, entre deux pierres tombales "- mais restons en là". Le rat, qui règne en maître sur les recoins obscurs du Temple, accompagnera toutes les péripéties du "héros", depuis sa révélation messianique jusqu’à sa chute en passant par la chambre d’Emeraude.
Servi par une langue précise, le récit baroque de Patrice de Méritens est une petite perle littéraire aux contours fragiles, et pour cela difficilement classable. Ce qui n’est sûrement pas une raison pour ignorer ce beau conte.
Vianney Delourme
( Mis en ligne le 11/02/2002 )
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