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Littératureet Romans & Nouvelles  

A tire d'aile
de Angela Krauss
Métailié - Bibliothèque allemande 2000 /  11.45 €- 75  ffr. / 116 pages
ISBN : 2-86424-343-1

Un mur peut en cacher un autre

Fin 89, l'Allemagne connaît de grands bouleversements. Le mur qui divisait les deux allemagnes s'effondre ; un peuple trop longtemps séparé se retrouve et ne pense plus qu'à réunifier un pays. Dans le même temps, le vent de la liberté souffle et pousse vers l'ouest de nombreuses personnes dont la narratrice de ce roman. C'est à Leipzig qu'elle s'aperçoit soudainement que son univers est en pleine mutation. Plus rien ne lui est familier, jusqu'aux murs de son appartement, dont elle arrache les couches de papier peint posées les unes sur les autres par plusieurs générations. Elle veut tout détruire, pour peu à peu se reconstruire une vie ailleurs.

C'est ainsi qu'elle décide de s'envoler pour les Etats Unis et qu'elle apprend que voler de ses propres ailes est merveilleux ! De rencontres en rencontres, elle découvre un nouveau continent, pour finalement repousser les frontières et repartir vers l'est, vers une Russie qui connaît le chaos des années 90. A Moscou, elle retrouve son amie Toma et observe un monde en débâcle. Après avoir volé toujours plus haut, la narratrice finira par se poser, l'atterrissage ne lui apportant que désillusion !

Raconté à la première personne du singulier, A tire d'aile apparaît comme un véritable témoignage sur la fin d'une époque et le début d'une autre. Après avoir connu l'ivresse de la métamorphose et l'appel de la liberté, la narratrice semble dépassée par l'ampleur des changements qu'elle vit. La fragilité du personnage est touchante. A la recherche de nouveaux repères, elle part pour un Nouveau Monde qu'elle observe avec curiosité et naïveté... Pourtant, on a l'impression que son approche des gens et des choses reste superficielle, comme si elle était dépassée par la masse de nouvelles informations qu'elle doit assimiler d'un coup. A trop évoquer les êtres ou les choses, la narratrice nous fait survoler ce monde en mutation sans vraiment nous y faire pénétrer. On regrette qu'elle ne mette pas plus en avant les changements que connaît l'Allemagne de 89 et qu'elle ne nous explique pas plus "l'Avant". Ce monde de "l'Après" semble donc le plus essentiel aux yeux de la narratrice et de l'auteur, comme si tout devait être balayé d'un battement d'ailes.

La narratrice veut voler plus loin, "jusqu'à ce que l'Ouest devienne l'Est" ! Paradoxalement, son désir de liberté la ramène vers une Russie déroutée. Comme pour beaucoup de ses compatriotes, la culture qu'elle a goûtée à l'Ouest ne lui apporte pas satisfaction, et comme Icare, elle pourrait bien se brûler les ailes !

Franck Boussard
( Mis en ligne le 21/06/2000 )
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