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Littératureet Romans & Nouvelles  

A la folie
de Rossana Campo
Fayard 2002 /  17 €- 111.35  ffr. / 232 pages
ISBN : 2-213-61188-2

Vies écorchées

Toxicomane, alcoolique et suicidaire, Goli, d'origine irano-sicilienne, passe cinq ans dans un hôpital psychiatrique de Laval où elle rencontre Stella, une scénariste italienne. A leur sortie de l'asile, ces deux femmes heurtées par la vie décident de partager un appartement parisien dans lequel elles cherchent à vivre avec leurs déséquilibres respectifs.

Toutes deux sont marquées par des histoires d’amour ratées : Goli, amoureuse de Mathieu, un homme marié qui se joue d’elle, se noie dans des rencontres sans lendemain alors que Stella reste hantée par le souvenir de Pascal qui l’a quittée après qu'elle a tenté de le tuer. Pour ces deux femmes écorchées vives, il est désormais impossible de se situer dans le monde "normal", "le monde des apparences (…), des adaptés et des hypocrites" où toute incursion se solde par la violence, l’échec ou l’incompréhension. Elles choisissent donc de s’entourer de "gens comme elles", rencontrés pour la plupart à Laval, car "quand tu as touché le fond, tu ne peux plus parler qu’avec des gens comme toi, non ?"

Jusqu'au jour où Renato, le père de Stella disparu depuis dix-sept ans, sonne à la porte, faisant resurgir la douleur de l’enfant abandonné. Stella découvre l’imbrication étrange des sentiments d’amour et de haine, l’insolent égoïsme de ces émotions qui provoquent le désespoir de l'autre.

Rossana Campo explore, à travers ces trois personnages marqués chacun à sa façon par la folie – les accès de violence de Stella, les trous de mémoire de Goli, l’irresponsabilité et les excès de Renato -, les limites de l’humanité. La transparence totale du récit est servie par une narration faite exclusivement de dialogues sans ponctuation. La subjectivité de la narratrice (Stella) s’exprime alors avec toute sa violence et son impulsivité. Le langage est grossier, cru, écorché, à l’image des vies de ces personnages dépourvus de toute carapace protectrice : "Les fous, ils ne me cassent pas les couilles, ils ne font pas semblant, ils n’ont pas de masque et ils ne te demandent pas d’être autre que ce que tu es." Jusqu’où peut nous entraîner l’amour ? interroge l’auteur. Jusqu'à la folie, semblent répondre les personnages de ce roman parfois drôle, souvent touchant tant les sentiments y sont à vif.

Maud Jobbé-Duval
( Mis en ligne le 22/03/2002 )
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