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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Amants du n’importe quoi
de Florian Zeller
Flammarion 2003 /  16 €- 104.8  ffr. / 300 pages
ISBN : 2080684086

L’illusion comique à Deauville

Tristan est un jeune homme à qui tout réussit ; archétype du jeune avocat blasé de son pouvoir de séduction ravageur. Il pourrait laisser les femmes traverser sa vie indéfiniment, seulement voilà : il y a cette fille, Amélie, rencontrée par hasard, de ces hasards moqueurs d’où surgissent des récits qui font les livres. Il voudrait la protéger, l’aimer, la reconquérir toujours. Hélas, notre jeune premier torturé est tiraillé entre ses appétits multiples et «la pitié dangereuse». L’amour est cette impossible synchronie qui force au dédoublement de soi. Et du dédoublement de ses désirs, dans un mélange d’ivresse et de souffrance, il en arrive au dédoublement concret de sa propre vie. Tromperie, mensonges, regrets, tout l’éloigne et tout le ramène à Amélie : «l’amour à mi-temps» qui prodigue son savoureux dégoût.

Les amants du n’importe quoi portent mal leur nom ! Car ils ne s’aiment pas en vain. A chaque page, ils s’offrent au lecteur, par le prisme de leur sphères respectives, à défaut de ne pouvoir s’offrir pleinement l’un à l’autre. L’auteur sait débusquer derrière les apparences «la comédie de la fausse force», celle-là même qui prétend tout régler et assigner à l’amour son lot de petites vocations dérisoires et de routines bêlantes.

Florian Zeller signe un roman qui recèle les mêmes charmes contrastés que ceux dont se parent les malentendus de l’existence. Il assume hautement le théâtre de l’amour à Deauville, cliché sur lequel il rebondit avec l’adresse de la simplicité. Et puis, au détour d’une phrase, il laisse planer la peur de la mort, la prémonition du pire qui cernent la jeunesse au paroxysme de sa paradoxale puissance et de ses illusions. On se tromperait en ne voyant en Tristan qu’un énième clone vagissant de Werther. Il hérite d’une lucidité plus désenchantée que celle de la créature de Goethe, et envisage avec moins de certitude son propre salut.

Bertrand de Sainte Marie
( Mis en ligne le 21/01/2003 )
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