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Littératureet Romans & Nouvelles  

La Maison de David
de Michel Lambert
Editions du Rocher 2003 /  17.50 €- 114.63  ffr. / 210 pages
ISBN : 2268045102

Martial, Serge, William et les autres…

Quoi du plus banal comme incipit romanesque qu’une rencontre fortuite entre un homme et une femme sous la pluie d’un soir de printemps ? Ainsi mis en présence l’un de l’autre, Martial et Danielle semblent bien être les premiers termes d’une histoire d’amour…

Mais ce qui suit n’a pas grand-chose à voir avec le roman sentimental auquel on pourrait s’attendre. A peine apparue Danielle s’éloigne du récit pour réapparaître plus tard mais sans plus de relief que les autres personnages qui surgissent dans le sillage de Martial au fil des chapitres : Odette, sa compagne du moment, William son meilleur ami, Serge, son frère, Toulouse, Iseult, Max, René, Josiane… Ces figures, pourtant «romanesques» en diable – Martial est artiste peintre, William écrivain, Serge névrosé et soigné dans un centre spécialisé … – sont traitées de manière assez inattendue. Obstinément maintenus dans la quotidienneté de leur vie, les uns et les autres sont très peu décrits et leur passé est laissé dans l’ombre – l’on ne saura rien, par exemple, de l’affection dont souffre Serge, ni de la façon dont se sont rencontrés Danielle et Toulouse… Comme s’il s’agissait de les priver de consistance – sans doute est-ce le reflet de la perception que Martial a d’eux : des sortes d’évanescences colorées qui n’existent que le temps qu’elles accrochent le regard.

Évanescent le récit l’est aussi tant les chapitres, plutôt courts, paraissent comme des unités narratives indépendantes les unes des autres, unies par la seule récurrence des protagonistes et leur évolution dans le temps. Tout passe, tout se passe, sans accroc, sans heurts : les amants se séparent, les existences ébranlées reprennent leur cours... – les jours de beau temps continuent de succéder aux jours de pluie. Avec ce même talent pour la légèreté, naissant d’une écriture sans complication qui se teinte parfois d’un humour délicat, l’auteur rend aussi hommage à Bruxelles, en se contentant de nommer lieux et édifices comme si chaque lecteur était un familier de la ville, au point de la connaître dans les moindres replis que dessinent les saisons en elle.

A la croisée de chemins dont il ne donne rien ou presque à connaître, dont il laisse à peine entrevoir la ligne de fuite, ce texte émouvant prend le contre-pied des codes les plus courants du roman. Tout entier voué à la fragilité de l’instant, La Maison de David est l’histoire d’une poignée de personnages réduite à une suite de moments rendus lumineux et pleins par cette écriture simple, ouverte – en prise directe avec des sentiments dont elle restitue les ambivalences et la complexité sans être ni torturée ni douloureuse.

Isabelle Roche
( Mis en ligne le 17/03/2003 )
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